• Aucun résultat trouvé

6.3.1

La colle d’appariement électron-phonon

Une des façons les plus simples de comprendre les bases de la colle d’appa- riement électron-phonon mentionnée précédemment est de regarder les travaux de Bardeen et Pines tenant compte des interactions électron-électron ainsi que des degrés de liberté du réseau [117]. Ils obtiennent alors l’interaction effective suivante entre deux électrons de vecteurs d’onde ~k et ~k0et d’énergies ξ~k et ξ~k0 [108] :

V~k~kef f0 = e2 4πε0((~k− ~k0)2+ k2 T F) " 1 + ω 2 ph(~k− ~k0) (ξ~k− ξ~k0)2− ωph2 (~k− ~k0) # (6.37)

où ~kT F est le vecteur d’onde de Thomas-Fermi et ωph(~k) est la relation de dispersion des phonons. Le vecteur d’onde de Thomas-Fermi de norme

kT F = s

me2kF ε0π2

~2 (6.38)

intervient dans le cadre de l’approximation de Thomas-Fermi permettant de traiter l’écrantage électrique dans un gaz d’électrons suffisamment dense, de vecteur d’onde de Fermi ~kF. Pour simplifier l’analyse de la physique de l’équation Eq.(6.37), posons dès lors

~q = ~k− ~k0 et ξ

~k− ξ~k0 ≡ ω (6.39)

où ω dépend implicitement de ~k et ~k0. On peut ainsi réécrire l’interaction effective Eq.(6.37) sous la forme

V~qef f(ω) = e 2 4πε0(q2+ k2 T F) " 1 + ω 2 ph(~q) ω2− ω2 ph(~q) # . (6.40)

On peut typiquement voir ~q comme étant le vecteur d’onde de la paire d’électrons et la fréquence ω comme étant l’énergie mise en jeu lors de l’interaction entre les

deux électrons. On remarque alors que

ω < ωph(~q) =⇒ V~qef f(ω) < 0 ,

ω > ωph(~q) =⇒ V~qef f(ω) > 0 . (6.41) L’interaction effective est attractive à basse fréquence mais répulsive à haute fré- quence. Comment expliquer cela ?

En fait, il faut tout d’abord savoir à quoi correspond concrètement une basse fréquence ou une haute fréquence. La physique de la transformation de Fourier temporelle nous apprend qu’une basse fréquence est associée à un intervalle de temps long tandis qu’une haute fréquence est associée à un intervalle de temps court. On peut ainsi comprendre ce qui se passe ici. À basse fréquence, les élec- trons s’apparient de façon retardée : un électron crée la surcharge positive dans le réseau et ce n’est qu’après un temps relativement long qu’un deuxième électron va être attiré. L’éloignement spatial des deux électrons explique que la répulsion coulombienne soit faible entre ces derniers, d’où la nature attractive de l’interaction. À haute fréquence cependant, les électrons s’apparient de façon quasi instantanée : un électron crée la surcharge positive dans le réseau et un deuxième électron est attiré presque immédiatement. La proximité des deux électrons explique le fait que la répulsion coulombienne soit très forte entre ces derniers, d’où la nature répulsive de l’interaction (on parle de pseudo-potentiel coulombien dans le cadre de la théorie d’Eliashberg). L’interaction électron-phonon est alors considérée comme étant une colle d’appariementcar l’appariement se fait à basse fréquence et ne varie donc que sur de grands intervalles de temps.

6.3.2

Formalisme de Nambu - Fonction de Green et fonction spec-

trale anormales

Dans l’état supraconducteur, l’existence de paires d’électrons justifie le fait de travailler avec des fonctions de Green à deux corps différentes des fonctions de Green normales

Gσ(~k, τ ) =D ˆ~kσ(τ ) ˆc†~kσ(0)E ˆ

rencontrées jusqu’à maintenant. Ces nouvelles fonctions de Green sont construites à partir de deux opérateurs ˆc ou de deux opérateurs ˆc†afin de détruire ou de créer une paire d’électrons. La meilleure façon d’ajouter ces nouvelles fonctions de Green au problème que nous étudions et d’utiliser le formalisme de Nambu [118] qui considère les spineurs de Nambu

ˆ α~k(τ ) =    ˆ c~k↑(τ ) ˆ c† −~k↓(τ )    αˆ † ~k(τ ) =  ˆ c†~k↑(τ ) ˆc−~k↓(τ )  (6.43)

pour définir la fonction de Green matricielle

G(~k, τ ) =D ˆαˆ~k(τ ) ˆα~k†(0)E ˆ H =    G↑(~k, τ ) F(~k, τ) [F(~k, τ)]−G↓(−~k, −τ)    (6.44) où F(~k, τ) = −D ˆTτˆc~k↑(τ ) ˆc−~k↓(0)E ˆ H (6.45)

est généralement appelée fonction de Green anormale ou fonction de Gork’ov. On peut dès lors définir une fonction spectrale anormaleAan(~k, ω) via la représentation spectrale

F(~k, iωn) = Z

Aan(~k, ω)

iωn− ω . (6.46)

Sachant que les électrons supraconducteurs forment des paires (~k ↑, −~k ↓), on re- marque que cette fonction de Green anormale représente l’amplitude de probabilité du processus détruisant une paire de Cooper sur un temps imaginaire τ . Quant au sens physique de la fonction spectrale anormale, il est très important de remarquer qu’elle n’est pas forcément positive, contrairement aux fonctions spectrales normales, car elle n’est pas construite à partir d’une fonction de Green associant des opérateurs conjugués hermitiques l’un de l’autre. Nous y reviendrons plus en détail dans le chapitre Chap.7.

Notons que pour faire apparaître [F(~k, τ)]∗ dans l’équation Eq.(6.44), il faut bien faire attention à la différence Eq.(2.112) entre [ˆcα(τ )]† et ˆc

remarquer que ce formalisme avait en fait déjà été utilisé à l’équation Eq.(6.7) lors de la diagonalisation du hamiltonien effectif BCS.

6.3.3

Fonction de gap dans la théorie d’Eliashberg

Dans le cadre du formalisme de Nambu, on peut utiliser les fonctions de Green normale et anormale dépendantes de la fréquence afin de définir une fonction de gap ∆(ω) qui dicte le comportement des fonctions spectrales normale et anormale locales d’un système supraconducteur isotrope. Les calculs détaillés dans l’annexe Ann.C.1et tirés en partie d’un article très complet de Scalapino, Schrieffer, et Wilkins [119] donnent les fonctions spectrales normale et anormale locales suivantes :

Aloc(ω) = 2πN (0) Re ω pω2− ∆2(ω) ! (6.47) et Aan(ω) = 2πN (0) Re ∆(ω) pω2− ∆2(ω) ! . (6.48)

Une des preuves les plus directes en faveur de la théorie d’Eliashberg est venue de la dépendance en fréquence de cette fonction de gap mesurée par effet tunnel [120]. En effet, les signatures des fréquences de phonons ainsi que de leurs harmoniques dans la densité d’états étaient très bien expliquées par la théorie [119,121,122].

Deux points sont à noter. Tout d’abord, l’hypothèse d’isotropie faite ici s’applique extrêmement bien aux supraconducteurs conventionnels. Nous en reparlerons dans la section Sec.6.4. Enfin, on peut généraliser la définition de la fonction de gap en dehors de la théorie d’Eliashberg [123,124]. Les calculs détaillés dans l’annexe Ann.C.2donnent

∆(~k, ω) = 2ωF(~k, ω)

6.4

Symétrie du gap supraconducteur et appariement