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2.8.1

Hamiltonien de Hubbard

Nous verrons dans le chapitre Chap.4qu’il est de nos jours nécessaire de s’inté- resser à un modèle permettant de décrire la compétition entre l’énergie cinétique et l’énergie potentielle due à l’interaction coulombienne dans les solides. C’est ainsi que le modèle de Hubbard, permettant de décrire une telle compétition, est développé en 1963 par J. Hubbard, M. C. Gutzwiller, et J.Kanamori [1–3]. Ce modèle marque le début de la physique théorique des électrons fortement corrélés : une physique nouvelle émerge de l’effet des interactions entre particules.

Nous allons ici définir l’opérateur de création ˆc†iσν pour un électron de spin σ, sur le site i d’un réseau cristallin, appartenant à la bande ν grâce à un changement de base sur l’opérateur ˆΨ†

σ(~r) via l’équation Eq.(2.35) : ˆ

Ψ†σ(~r) =X i,ν

ˆ

c†iσνhi, ν|~r i . (2.127)

Restreignons-nous au cas à une seule bande, de sorte que la dépendance en ν dispa- raisse. Par ailleurs, nous verrons plus tard que les cuprates peuvent être considérés comme étant des matériaux ne possédant qu’une bande électronique de façon effec- tive.

On peut alors écrire un hamiltonien grand-canonique composé d’un terme de saut (décrivant la capacité d’un électron à se mouvoir dans le réseau cristallin) et d’un terme d’interaction coulombienne :

ˆ H =X i,j σ ˆ c†tijˆcjσ+1 2 X σ,σ0 X i,j,k,l ˆ

c†ˆc†0hi|hj| ˆVCoulomb|ki|li ˆclσ0ckσˆ − µ X

i ˆ

ni (2.128)

où ˆni =P

σˆniσavec ˆniσ = ˆc†iσˆciσ, l’opérateur nombre pour l’état|i, σi. Ainsi, P

iniˆ = ˆ

N , l’opérateur donnant le nombre total d’électrons. Le terme tij =hi| −~

2~2 2m

!

est l’élément (i, j) de la matrice de saut (obtenu via des calculs de structure de bande électronique) et ˆVCoulomb est l’opérateur d’interaction coulombienne. Pour obtenir le modèle de Hubbard traditionnel, on se limite au terme de saut aux premiers voisins thi,ji =−t et à l’interaction coulombienne purement locale hi|hi| ˆVCoulomb|ii|ii = U :

ˆ HHubbard =−t X hi,ji,σ  ˆ c†cjσˆ + c.h+ UX i ˆ niniˆ−  µ− U 2  X i ˆ ni (2.130)

où l’abréviation c.h. désigne le conjugué hermitique. Dans le cadre des programmes informatiques que nous verrons au chapitre Chap.3, le potentiel chimique considéré est µ−U/2. En choisissant ce terme comme nouvelle définition du potentiel chimique µ, on obtient ˆ HHubbard =−t X hi,ji σ  ˆ c†cjσˆ + c.h+ UX i ˆ niniˆ− µX i ˆ ni . (2.131)

Ce modèle est illustré à la figure Fig.2.3.

Si on se place dans la limite t = 0, on est dans la limite atomique où les électrons sont complètement localisés et où l’état du système est alors ˆc†i11cˆ†i22 . . . ˆc†iNN|0i. Par contre, si on se place dans la limite U = 0, on est dans le cas sans interaction où les électrons sont complètement délocalisés et où l’état du système est alors un ensemble d’ondes planes ˆc†k11cˆ†k22 . . . ˆc†kNN|0i. Dans tout autre cas, l’état du système est un enchevêtrement de ces deux états fondamentaux, ce qui rend les choses bien plus compliquées !

2.8.2

Demi-remplissage et symétrie particule-trou éventuelle

Nous verrons également dans le chapitre Chap.4 qu’un cas particulièrement intéressant réside dans les matériaux fortement corrélés à demi-remplissage (ou encore, à dopage nul), ce qui signifie qu’il y a en moyenne un électron (et donc un trou) par site du réseau cristallin. Rajouter plus d’électrons reviendrait autrement à doper le système en électrons tandis qu’en enlever reviendrait à doper le système en trous.

U

t

Temps

F i g u r e 2.3Illustration du modèle de Hubbard. Les électrons, qui ont une masse, une charge négative, et un spin (↑ ou ↓),se meuvent d’un site du réseau à un site premier voisin avec l’amplitude de saut t. La dynamique quantique mène alors à des fluctuations dans l’occupation des sites du réseau, comme indiqué par la séquence en temps. Quand deux électrons se rencontrent sur un site du réseau (seulement possible s’ils ont des spins différents d’après le principe d’exclusion de Pauli), ils subissent la répulsion U . Un site peut alors être soit vide, simplement occupé (↑ ou ↓), ou doublement occupé. La taille de l’espace de Hilbert croît donc comme 4N.

Pour tout réseau bipartite (qui peut être considéré comme l’emboîtement de 2 sous-réseaux, comme le réseau carré ou le réseau en nid d’abeille) où on ne prend en compte que le saut au premier voisin t, le hamiltonien du système demi- rempli est invariant sous l’échange particule-trou ˆc†iσ  ˆci−σ et ˆciσ  ˆc†i−σ, et c’est bien sûr la quantité conjuguée du nombre d’électrons, soit le potentiel chimique

μ, qui détermine le remplissage en électrons du système. On peut ainsi montrer

que l’invariance sous l’échange particule-trou du hamiltonien Eq.(2.131) donne tout simplement la condition de demi-remplissage μ = U/2. Dans les autres cas, comme le réseau triangulaire ou le réseau triangulaire anisotrope (un réseau carré avec un terme de saut diagonal t), c’est au programme informatique de chercher la bonne valeur du potentiel chimique μ donnant un système demi-rempli.

2.8.3

Modèle t-J

Lorsque l’interaction coulombienne locale entre électrons est très forte (U  t), il devient possible d’obtenir un autre type de modèle à partir du modèle de Hubbard : le modèle t-J. L’hamiltonien associé, spécialement conçu pour traiter le cas du modèle de Hubbard où U est tellement grand qu’il devient impossible d’occuper doublement un site du réseau cristallin, découle de la théorie des perturbations dégénérées au second ordre en t/U  1 et s’écrit comme suit :

ˆ Ht−J =−t X hi,ji σ ˆ P ˆc†ˆcjσ+ c.h ˆP + JX hi,ji  ˆ~Si.Sj~ˆ −1 4niˆnjˆ  . (2.132) L’opérateur ˆ P = N Y i=1 (1− ˆni↑niˆ↓) (2.133) donne 0 s’il est appliqué à un état doublement occupé. Le terme

J = 4t 2

U (2.134)

est la constante de super-échange antiferromagnétique caractérisant les interactions entre spins dans le modèle t-J. L’opérateur de spin 1/2 au site i,Si, possède trois~ˆ composantes : ˆ Siγ = 1 2 X αβ ˆ c†σγαβciβˆ (2.135) où γ ≡ x, y, z, et σαβγ est le terme de la matrice de Pauli γ correspondant aux indices de spin α et β.

Le super-échange J = 4t2/U sera d’une importance cruciale dans le chapitre Chap.8étudiant les effets de l’interaction coulombienne aux premiers voisins sur la supraconductivité non conventionnelle !