• Aucun résultat trouvé

2.7.1

Temps imaginaire

Nous allons voir que la fonction de Green de Matsubara, nécessaire à tempéra- ture finie, est une fonction de Green en temps imaginaire. Le temps imaginaire est un concept dérivé de la mécanique quantique qui, comme nous allons le voir, est essentiel pour connecter cette dernière à la physique statistique.

Techniquement, le temps imaginaire τ est obtenu à partir du temps réel t via une rotation de Wick de π/2 dans le plan complexe :

τ = eiπ2t ⇐⇒ τ = it ⇐⇒ t =−iτ . (2.107) Dans la pratique, le temps imaginaire dont dépendront les fonctions de Green à température finie sera en fait une variable réelle, malgré son nom. Ces fonctions de Green à température T seront périodiques en temps imaginaire, de période 2β = 2/T , ce qui imposera que leurs transformées de Fourier ne contiendront qu’un ensemble discret de fréquences appelées fréquences de Matsubara. C’est alors uniquement lors d’un prolongement analytique sur ces fréquences, destiné à relier ces fonctions de Green aux fonctions de Green en fréquences réelles, que la rotation de Wick réapparaîtra. Attention, l’usage veut que l’on considère ~≡ 1 et kB ≡ 1. Si on regarde la relation ~ω ≡ kBT = 1/β, on se rend alors compte que prendre les constantes fondamentales égales à 1 revient à prendre β comme étant homogène à un temps.

La meilleure façon de voir la connexion entre la mécanique quantique et la physique statistique est de considérer l’amplitude de transition hF |e−i ˆHt|Ii entre un état initial I et un état final F . On peut alors comparer cette amplitude avec la fonction de partitionZ = Tr e−β ˆH. On voit que pour obtenir la fonction de partition à partir de l’amplitude de transition, il suffit de remplacer t par−iβ, poser F = I, et sommer sur ces différents états. On a ainsi la possibilité de faire d’une pierre deux coups en évaluant à la fois les propriétés statistiques et les amplitudes de transition.

Aussi, dans le cadre de la représentation d’interaction, l’opérateur d’évolution Eq.(2.22) s’écrit en temps imaginaire comme

ˆ

UI(τ ) = ˆTτe− Rτ

0 Hint(τˆ 0) dτ0 (2.108) où ˆTτ est l’opérateur d’ordonnancement chronologique Eq.(2.17) en temps imagi- naire. Ainsi, l’équation Eq.(2.9) donne

e−τ ˆH = e−τ ˆH0UIˆ (τ ) = ˆe−τ ˆH0e− Rτ

0Hˆint(τ0) dτ0 . (2.109)

2.7.2

Fonction de Green de Matsubara fermionique

La fonction de Green de Matsubara est une fonction de Green en temps imagi- naire que l’on définit comme

G(~r, ~r0, τ, τ0) = D ˆc(~r, τ ) ˆˆ c(~r0, τ0)E ˆ

H (2.110)

où on utilise toujours la moyenne thermodynamique Eq.(2.79) et où la dépendance en temps imaginaire des opérateurs est donnée par

ˆ

c(†)(~r, τ ) = eHτˆ cˆ(†)(~r ) e− ˆHτ . (2.111) Une petite remarque technique à noter est que l’opérateur ˆc†(~r, τ ) n’est pas le conju- gué hermitique de ˆc(~r, τ ) car

[ˆc(~r, τ )]† = heHτˆ ˆc(~r ) e− ˆHτi† = he− ˆHτi†cˆ†(~r )heHτˆ i† = e− ˆHτ ˆc†(~r ) eHτˆ

= ˆc†(~r,−τ) . (2.112)

Cette fonction de Green pourrait paraître anodine et semble apporter peu de choses par rapport à ce que nous avons étudié avant. Cependant, nous avons vu

dans la section précédente que l’utilisation du temps imaginaire permet de regarder sur un pied d’égalité les aspects quantiques et statistiques du problème. Par ailleurs, bien que ce soit hors sujet ici, la fonction de Green de Matsubara rend possible un traitement du problème à température finie en termes de diagrammes de Feynman. Autrement dit, elle permet de traiter le problème en ne considérant que certains types d’interactions et en les combinant de différentes façons, de la même façon qu’à l’équation Eq.(2.104).

2.7.3

β-antipériodicité et fréquences de Matsubara fermioniques

Considérons un système invariant par translation dans le temps, où tout ne va dépendre que de τ − τ0, et prenons le temps de référence τ0 = 0 et τ ∈ ] − β , 0 [ . On peut alors écrire

G(~r, ~r0, τ ) =−D ˆTτˆc(~r, τ ) ˆc†(~r0, 0)E ˆ H =ˆc †(~r0, 0) ˆc(~r, τ ) ˆ H (2.113)

pour assurer le bon ordre chronologique. On a G(~r, ~r0, τ ) = Z−1Trhe−β ˆHcˆ(~r0, 0) ˆc(~r, τ )i = Z−1Trhˆc(~r, τ ) e−β ˆHcˆ†(~r0, 0)i = Z−1Trhe−β ˆHeβ ˆH eτ ˆHˆc(~r) e−τ ˆH e−β ˆHˆc†(~r0, 0)i = Z−1Trhe−β ˆHe(τ +β) ˆHc(~r) eˆ −(τ+β) ˆH ˆc†(~r0, 0)i = ˆc(~r, τ + β) ˆc†(~r0, 0) ˆ H . (2.114) Or,−β < τ donc τ + β > 0 et G(~r, ~r0, τ ) =hD ˆTτc(~r, τ + β) ˆˆ c†(~r0, 0) E ˆ H i (2.115) car les opérateurs sont déjà dans le bon ordre chronologique. On a alors

On pourrait procéder de manière similaire avec τ > 0 pour finalement trouver les conditions aux frontières de Kubo-Martin-Schwinger:

G(~r, ~r0, τ ) =    −G(~r, ~r0, τ − β) si τ ∈ ] 0 , β [ −G(~r, ~r0, τ + β) si τ ∈ ] − β , 0 [ . (2.117) La fonction de Green de Matsubara est donc antipériodique de période β, et le temps τ n’aura besoin d’être considéré que sur l’intervalle ] 0 , β [.

Comme toute fonction possédant des propriétés de périodicité (ou d’antipério- dicité ici), il est possible d’écrire la fonction de Green de Matsubara sous la forme d’une série de Fourier contenant un ensemble discret de fréquences :

G(~r, ~r0, τ ) = 1 β +∞ X n=−∞ e−iωnτG(~r, ~r0, iωn) (2.118) où ωn= (2n + 1)π β (2.119)

sont les fréquences de Matsubara fermioniques. Les équations d’antipériodicité Eq.(2.117) sont satisfaites car

e±iωnβ =−1 (2.120)

et les coefficients de Fourier sont obtenus comme d’habitude : G(~r, ~r0, iωn) =

Z β 0

eiωnτG(~r, ~r0, τ ) dτ . (2.121)

2.7.4

Prolongement analytique

Il est possible de démontrer des relations pour la fonction de Green de Matsubara G très similaires aux équations précédemment vues pour la fonction de Green

retardée GR. Nous avons entre autres la fonction de Green libre de Matsubara G0(~k, iωn) = 1

iωn− ξ~k (2.122)

similaire à l’équation Eq.(2.76), la fonction de Green de Matsubara en interaction Gint(~k, iωn) = 1

iωn− ξ~k− Σ(~k, iωn) (2.123) similaire à l’équation Eq.(2.123), et la représentation spectrale pour la fonction de Green de Matsubara G(~k, iωn) = Z +∞ −∞ dω0 2π A(~k, ω0) iωn− ω0 (2.124) similaire à l’équation Eq.(2.90). En comparant ces équations, il est alors possible de trouver un lien fort entre la fonction de Green retardée GRet la fonction de Green de Matsubara par prolongement analytique :

GR(~r, ~r0, ω) = lim

iωn→ ω+iηG(~r, ~r

0, iωn) , (2.125)

GR(~k, ω) = lim

iωn→ ω+iηG(~k, iω

n) . (2.126)

Attention cependant, cette façon de faire le prolongement analytique n’est vraie que lorsque la fonction de Green de Matsubara est écrite comme une fraction ration- nelle analytique dans le demi-plan complexe supérieur (on s’en rendrait compte en faisant le détail des calculs dans la représentation de Lehmann). Nous verrons dans la section Sec.3.7comment le prolongement analytique peut être réalisé dans le cadre de simulations numériques, où nous n’avons pas d’expression analytique pour les fonctions de Green mais seulement des valeurs numériques le long de l’axe imaginaire des fréquences de Matsubara.