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Chapitre 4. Des outils papier de communication/planification vers des outils

1.4.1. Les supports papier existants pour l’aide à la communication

Le docteur Sally J. Rogers, professeur au département de psychiatrie et de la science du comportement à Sacramento en Californie, est spécialiste dans la recherche sur l’autisme et d’autres troubles dudéveloppement. Elle travaille sur letraitement despatients ayant unedéficience intellectuelle, en particulier les jeunes enfants avec autisme et leur famille. Dans son ouvrage collectif, « L'intervention précoce en autisme pour les parents : Avec le modèle de Denver28 », elle décrit la position que peuvent avoir certains parents dans l’accompagnement

précoce de leur enfant. « Certains jeunes enfants avec autisme n’utilisent aucun signal clair pour communiquer leurs besoins ou leurs envies. Leurs parents doivent décider lorsqu’il est temps pour eux de manger, d’être changés, d’aller au lit, presque sans aucun signal de leur part. Certains enfants peuvent s’énerver ou manifester de la détresse, mais ils ne communiquent pas l’objet de leur contrariété. Leurs parents doivent donc faire beaucoup d’effort pour comprendre ce dont leur enfant a besoin. » (Rogers, Dawson, et Vismara, 2013, p. 153). On peut alors imaginer que cet accompagnement parental a pour but de faciliter le quotidien de leur enfant. L’auteur ajoute que « lorsqu’un enfant ne communique pas du tout ou communique sa détresse, mais pas la cause de celle-ci, ses parents peuvent tellement s’habituer à prendre des décisions pour lui qu’il n’a plus aucun besoin non satisfait » (Ibid., p. 153). Elle souligne que ce fonctionnement pourrait avoir un effet sur le développement de la communication et retarder le processus de développement, puisque « ces obstacles aux communications non verbales liés à l’autisme peuvent fortement retarder le développement des compétences de communication et peuvent subsister pendant de nombreuses années. Ils freinent alors le développement de la parole et du langage, empêchent les échanges sociaux basés sur des significations partagées avec les parents et les autres personnes et limitent fortement l’accès des enfants à l’apprentissage » (Ibid., p. 153).

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Est un traitement complet de développement basé sur les relations de comportement pour les tout- petits avec des TED (Talbott, Estes, Zierhut, Dawson, et Rogers, 2016).

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Ainsi, il est important de travailler dès le plus jeune âge sur les compétences communicationnelles des jeunes enfants avec autisme, notamment, afin de favoriser leur entrée dans une communication fonctionnelle avec leur entourage. Les interactions adaptées aux besoins de l’enfant ont alors des effets positifs sur le développement cognitif et social de ce dernier comme le soulignent de nombreux travaux (Bergonnier-Dupuy, Lambert, et Durning, 2013; Lewis et Goldberg, 1969; UNESCO, 2015). Rapidement, les spécialistes préconisèrent de mettre en place des accompagnements éducatifs spécifiques et adaptés afin de répondre aux besoins de cette population. De plus, Virole (2015, p. 105) souligne que « les comportements apparents de l'autisme ne sont pas les symptômes d’un pathos, mais les faces visibles d’une structure de développement. La différence est radicale. Dans un cas, on est dans le registre de la dynamique d’une maladie, d’un trouble, d’un déficit. Dans l’autre, dans la description d’une entité subjective. Pour autant, cela ne signifie pas l’abstention éducative et thérapeutique. Les approches contemporaines mettent l’accent sur l’éducation. Elles ont raison. Les enfants autistes ont besoin d’être éduqués. Leur éducation doit passer par une adaptation à leurs particularités. Les méthodes diverses d’éducation spécialisée, centrées sur les apprentissages, appuyées par les ressources des conditionnements opérants, des alternatives à la communication (Makaton, pictogrammes, supports d’images) sont légitimes et nécessaires ». Comme le souligne ce dernier auteur, il existe plusieurs méthodes éducatives dans l’accompagnement des personnes avec des TED. Nous proposons de les recenser et de les décrire dans ce présent paragraphe.

- La méthode Makaton29 est un programme d'aide à la communication et au langage

constitué d'un vocabulaire fonctionnel utilisé avec la parole, les signes (Langue des Signes Française, LSF) et les pictogrammes. « La méthode Makaton est un outil de communication pour les enfants non verbaux ou souffrant de problèmes de communication. Il s’agit d’une sorte de langage des signes réadaptés pour que nos enfants puissent parvenir à construire des phrases complètes avec sujet, verbe et complément. Le Makaton est constitué d’un vocabulaire fonctionnel utilisé avec la parole, les signes ou des pictogrammes. Il améliore la communication, la compréhension, favorise l’oralisation, structure le langage oral et écrit, permet de meilleurs échanges au quotidien et optimise l’intégration sociale. » (Les parents membres de l’association « Un

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pas vers la vie » et Éméyé, 2016). Le nom de cet outil provient de celui de ses trois créateurs : Margaret Walker, Kathy Johnston et Tony Cornforth. Née en 1972 au Royaume-Uni, cette méthode permet de développer la communication interpersonnelle au travers de l’utilisation de signes et de symboles graphiques (Grove et Walker, 1990). Utilisée en France depuis 1996, elle n’est pas spécifique des personnes avec autisme (Franc, 2001), mais répond favorablement à leurs troubles des apprentissages du langage. Dans son étude, Lal (2010) propose d’examiner l’efficacité du programme Makaton défini comme un système de communication alternative et améliorée. Notons que, selon Cataix- Negre (2014), « la Communication Augmentée et Alternative (CAA) recouvre tous les moyens humains et matériels, permettant de communiquer autrement ou mieux qu’avec les modes habituels et naturels, si ces derniers sont altérés ou absents ». L’étude de Lal (2010) s’est réalisée auprès de huit enfants avec autisme âgés entre 9 et 12 ans accueillis dans des écoles spécialisées. Les sujets ont reçu 12 séances d'intervention avec la méthode Makaton. Deux échelles évaluaient le niveau de langue et les comportements sociaux. La comparaison de leurs données en début et fin d’étude démontra un changement significatif sur le langage (réceptif et expressif) et sur le comportement social. Cependant, bien qu’il apparaisse des effets dans l’utilisation de cette méthode auprès des enfants avec des TED, il est important de relever la difficulté du système proposé. En effet, comme le souligne Bintz (2015), la méthode Makaton est bien souvent trop complexe, car les pictogrammes et les signes (LSF) constituent souvent trop d’informations pour un jeune avec autisme. En outre, comme nous l’avons vu, le déficit de cohérence centrale (Frith, 1989) ne permet pas à l’enfant avec des TED de réaliser de manière opérante un traitement perceptif des stimuli présentés en nombre.

- Le pictogramme30(support image) est un « dessin figuratif qui fonctionne comme un

signe d'une langue écrite » (Belhassen et Chaverneff, 2006, p. 335). Les pictogrammes peuvent être utilisés avec tous les enfants et permettent de stimuler leurs apprentissages, que ce soit pour développer le langage, l'autonomie ou les habiletés sociales. Anne-Marie Le Gouill, auteure et illustratrice, se consacre à l’accompagnement de son fils avec un syndrome d’Asperger31. C’est en constatant le manque de ressources et d’outils

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http://lespictogrammes.com/auteurs-fr.php

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disponibles qu’elle a entrepris de construire un éventail de pictogrammes afin de venir en aide à son enfant ainsi qu’aux parents souvent démunis face à l’attente de services. Dans son guide pédagogique, « Les pictogrammes, parce qu’une image vaut mille mots », elle propose une trousse pédagogique adaptée autant pour la maison que pour l’école avec 420 illustrations (Le Gouill et Plante, 2008). Les pictogrammes sont utilisés dans plusieurs environnements et par différents professionnels accompagnant les enfants avec des TED. De nouveaux domaines de soins se lance dans les usages de l’outil pictogramme afin de rendre plus accessible les soins bucco-dentaires par exemple (Limeres, Castaño Novoa, Abeleira Pazos, et Ramos Barbosa, 2014). Par ailleurs, la HAS préconise dans son rapport de 2008, « la planification des différents temps de la séquence de soins au travers de supports visuels (dessins, images, photos, pictogrammes, etc.) permettant à la personne avec autisme d’anticiper, comprendre et gérer la situation à venir » (p. 72) en situation de soin. Velasco, Legorburu, Pozo, Catalán, et Pascua (2012) soulignent, dans leur étude, les effets de l’utilisation des pictogrammes auprès d’enfants avec des TED sujets à des soins dentaires. Selon eux, les pictogrammes peuvent améliorer la communication non verbale des enfants. Ils permettent, dans certains cas, d'acquérir des compétences en termes de communication sociale dans la relation dentiste-patient. Ainsi avec l’utilisation de cette méthode « il n’est pas rare de voir un langage se développer, lorsque ces modes de communication alternatifs sont mis en place. En effet, l’utilisation d’image (photo ou pictogrammes) n’entre pas en concurrence avec le langage, au contraire, elle est un support pouvant favoriser l’apparition du langage » (Tardif, 2010, p. 236).

- La méthode PECS32 (‘Picture Exchange Communication System’ traduit en français par

‘système de communication par échange d'images’) « est une méthode inspirée par l’Approche Pyramidale de l’Éducation, qui permet à des personnes ayant une incapacité à la parole de pouvoir communiquer d’une manière fonctionnelle et autonome » (Skorupka et Amet, 2014). Cette méthode fut développée par le Docteur Andy Bondy et l’orthophoniste Lori Frost (1994) et permet d’initier progressivement l’enfant aux supports visuels afin de mettre en place une communication efficace en l’absence d’un langage oral fonctionnel. Dans un premier temps, il s'agit d’associer l’image à un objet. Dans un deuxième temps, l’objet ou l’activité sont demandés par l’enfant à l’aide d’un

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pictogramme. Selon plusieurs auteurs, cette méthode est efficace sur le développement social de la personne. En effet, dans leur étude, Charlop-Christy, Carpenter, Le Blanc et Kellet (2002) démontrent que l’utilisation de la méthode des PECS auprès de trois enfants avec TED augmente considérablement la communication verbale. Certes, la cohorte est restreinte, mais la rigueur scientifique des travaux permet de généraliser. Ils soulignent également qu’elle améliore la communication sociale et diminue les troubles du comportement. Une étude française (Montanari, 2016) a confirmé les effets de la méthode de communication par échange d’images auprès de cinq enfants avec autisme, mais le nombre de sujets reste encore une fois limité. Cet outil s’avère être, selon elle, adapté aux difficultés de représentation et d’abstraction des jeunes.

Ces trois méthodes avec supports visuels, présentés ci-dessus, montrent un effet positif sur le développement communicatif et social des enfants avec autisme. Le support visuel apporte plus de sens par rapport à d’autres formats de stimuli car « elles [les personnes avec autisme] sont en difficulté face aux informations abstraites. Par contre, l’intégration de l’information visuelle, et la mémorisation d’informations simultanées surtout lorsqu’elles sont liées à leurs préoccupations représentent des points forts. Compte tenu de ces particularités et des difficultés de compréhension de l’environnement, les systèmes d’aide visuelle sont beaucoup utilisés, car ils permettent d’adapter le milieu en le rendant plus lisible. » (Yvon, 2014, p. 162). De plus, Temple Grandin qui est professeur en Sciences animales à l’Université d’État du Colorado, Docteur en Sciences animales et spécialiste de renommée internationale en zootechnie, a été diagnostiquée autiste à l’âge de 4 ans et n’a pas parlé avant l’âge de 5 ans rejoint cette idée. En effet, elle décrit, dans un de ses livres, son expérience sensorielle autour des supports visuels. « Je me souviens que la parole n’avait pas plus d’importance pour moi que les autres bruits. J’ai commencé à comprendre la signification des mots isolés à partir du moment où je les ai vus écrits » (Grandin et Scariano, 1986). Si l'on se tient aux propos de ces auteurs, les informations visuelles ont donc primé sur toutes autres formes d’information. Il est fortement recommandé, par l’Agence Nationale de l’Évaluation et de la Qualité des Établissement et Services Sociaux et Médico- sociaux (ANESM, 2009) et la HAS 2012, d’utiliser des supports visuels en complément à la parole, afin de développement la communication verbale et sociale des enfants avec des TED tout en prenant en compte que « ce niveau d’intervention ne remplace pas le renforcement de la

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stimulation langagière, mais le complète. […] Le canal visuel permettant de renforcer le canal auditif. » (George, 2011, p. 144).