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Chapitre 5. Accompagnement pédagogique des personnes avec des TED et

1.5.3. Rôle des parents et de la collaboration

Les parents sont généralement rapidement mobilisés dans l’accompagnement du handicap de leur enfant et mènent un combat acharné pour accompagner au mieux leur développement. Au fil des années, ils deviennent des experts des traits autistiques de leur enfant et plus particulièrement au fonctionnement de celui-ci. « Avec le temps, bon nombre de parents deviennent de véritables experts de la maladie de leur enfant. Ils se chargent alors volontiers d’expliquer à tel ou tel professionnel les enjeux liés à tel aspect de la maladie ou bien de résumer les meilleurs traitements connus dans la littérature spécialisée. En somme, ils deviennent les ambassadeurs des besoins de leur enfant. Dans ces conditions, la communication entre le non- professionnel qu’est le parent et le vrai professionnel de la pédagogie ou des soins n’est pas toujours évidente. Cette inversion des rôles, parfois vécue comme une inversion du pouvoir, s’accompagne fréquemment, pour les parents, de la crainte de ne pas être entendus. Ils redoutent que les professionnels n’accordent pas le crédit nécessaire à leurs propos. Ils craignent que ceux-ci n’appliquent pas les traitements ou les prises en charge qui ont été démontrées comme étant les plus efficaces » (Eliez, 2015). De ce fait, l’expertise des parents améliore la prise de connaissances des troubles autistiques de l’enfant par l’équipe éducative afin de répertorier des éléments méconnaissables et non-observables au sein des structures d’accueil.

Les parents de personnes avec des TED sont investis et soucieux de l’avenir de leurs enfants qui ne peuvent pas toujours accéder à une scolarisation ordinaire parce que les places sont rares (Callenec et Chapel, 2016). Dans un manifeste, des parents canadiens d’enfants avec autisme (femme de 27 ans et homme de 34 ans) « crient » toute leur inquiétude vis-à-vis de la vie future de leurs enfants. Seuls, ces parents ne peuvent pas apporter tout le soutien nécessaire et alors la continuité de l’accompagnement tout au long de la vie constitue une source d’angoisse pour les proches. « Nous ne voulons pas nous décharger de nos responsabilités. Nous voulons cependant organiser une transition ordonnée et respectueuse pour nos enfants afin qu’elle puisse un jour vivre sans notre protection immédiate. Nous avons déjà beaucoup fait, mais nous ne pouvons que constater nos limites et tenter d’y pallier » (Corriveau, Martin, Lemieux, et Gringas,

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2016, p. 16-17). Alors, l’inquiétude de trouver une structure ordinaire ou spécialisée amène les parents dans de grandes périodes de stress. Leur combat, souvent mené de front face au système éducatif, laisse de graves séquelles psychologiques comme le révèle l’étude de Bonis (2016). En effet, il démontre que les parents d'enfants avec des TED obtiennent des résultats plus élevés sur les niveaux de stress par rapport à d’autres groupes de parents. En outre, des recherches soulignent l’importance d’accompagner les familles dans le but de maintenir l’unité familiale et d’améliorer la qualité de vie de cette dernière (Derome, 2015 ; Higgins, Bailey, et Pearce, 2005). Leurs difficultés peuvent résider dans la mise en place de limites favorisant le cadre de l’enfant à domicile, puisque « les difficultés de régulation émotionnelle de ces jeunes et les réactions vives aux frustrations freinent souvent les parents à mettre des limites, plus encore dans des lieux extérieurs, par crainte du regard des autres » (De Becker, Charlier, Kinoo, et Wintgens, 2016, p. 31). Il est difficile dans ce cadre d’être le parent et le thérapeute de l’enfant, car « on sait en effet qu’un médecin ou un psychologue ne peuvent ‘soigner’ leur enfant sans implications subjectives gênantes et la gêne risque de s’étendre à l’enfant » (Brami et Delaroche, 2014).

Un accompagnement équilibré est nécessaire pour venir en aide à ces parents qui dévalorisent, dans les moments les plus difficiles, leurs apports pédagogiques. Pris dans leur routine, les parents n’ont pas toujours les moyens de repenser ou d’améliorer les supports mis en place à domicile. Ils ont perpétuellement besoin du retour des professionnels, quand cela est possible, pour prendre conscience de toutes les possibilités de changement dans la prise en charge de leur enfant. L’accompagnement des parents apparaît comme une évidence, mais n’est pas nécessairement appliqué sur le terrain. Cependant, cela semble évolué de façon positive si on se réfère aux travaux de Philip (2008) qui indique une évolution récente des représentations de la relation parents/professionnels. De plus, cette relation est déterminante pour la poursuite de but pédagogique dans l’accompagnement de l’enfant avec des TED et certains chercheurs prônent un partenariat parents-professionnels : « les parents sont considérés comme des co-thérapeutes – co- éducateurs dirons-nous plutôt en France – en tant qu’experts de leur enfant (ce sont eux qui connaissent le mieux et depuis le plus longtemps leur enfant). Tandis que les professionnels sont vus comme les experts de l’autisme (ils ont des connaissances dans l’autisme de manière plus générale). L’objectif est donc de combiner ces deux pôles de connaissances, afin d’aider de la manière la plus adaptée possible l’enfant concerné » (Association Azuréenne de Thérapie Comportementale, Cognitive (AATCC), 2013, p. 63). Par conséquent, la cohabitation des deux

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entités engendre un échange d’éléments et d’informations au sujet de l’enfant qu’il ne faut pas négliger. Ainsi la multiplication des observations du développement de ce dernier, dans les différents lieux de vie, reste favorable pour nuancer et aménager les approches pédagogiques. La collaboration favorise cette cohabitation et facilite les échanges entre les deux sphères : institutionnelle et familiale. La collaboration entre les familles et les professionnels (Marcus, Kunce, et Schopler, 2005) ce qui permet d’homogénéiser le travail d’accompagnement autour de l’enfant et pour l’enfant.

Depuis le décret d’avril 200947, tous les suivis éducatifs de jeune avec autisme font l’objet

de la construction d’un Projet Personnalisé Individualisé d’Accompagnement (PPIA) ou d’un Projet Personnalisé de Scolarisation (PPS) comme le souligne le cadre législatif : « Un projet individualisé d'accompagnement est conçu et mis en œuvre sous la responsabilité du directeur du service ou de l'établissement, en cohérence avec le plan personnalisé de compensation de chacun des enfants, adolescents ou jeunes adultes accueillis dans l'institution. (…) La mise en œuvre du projet personnalisé de scolarisation prévu à l'article L. 112-2 du code de

l'éducation48 constitue l'un des volets du projet individualisé d'accompagnement ». Ce projet

élaboré avec la famille permet d’harmoniser l’approche l’accompagnement pédagogique. De plus, une circulaire interministérielle du 8 mars 2005 souligne l’importance de cette démarche auprès de chaque apprenant : « pour répondre aux besoins de chaque personne, un projet personnalisé adapté et associant la famille est élaboré, favorisant prioritairement une éducation et un accompagnement en milieu ordinaire ». Le PPI PIA ou PPS sont des éléments décisifs dans la modélisation de la prise en charge des personnes avec des TED et peut évoluer au fil des années (HAS, 2010). Cette dimension du suivi doit être réalisée en équipe, mais également avec les familles des enfants accompagnés. Elle permet de proposer un cadre unique dans la prise en charge adaptée aux besoins des apprenants et de favoriser une continuité de l’approche éducative de chaque intervenant dans les différents lieux de vie (ex. : l’institution spécialisée, le domicile, l’internat, la classe, etc.).

47 Code de l’action sociale et des familles - Article D312-10-3. 48 Code de l’éducation - Article L112-2.

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1.5.4. Genèse instrumentale dans la pratique des professionnels autour des TICE