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Chapitre 1 : Cadre théorique

4. Quels sont les apports du multimédias en compréhension ?

4.2. Le support multimédia influence-t-il la capacité à produire des inférences ?

Kendeou, Bohn-Gettler, White et van den Broek (2008) se sont posés la question de la capacité des enfants, dès l’âge de quatre ans, à produire des inférences à partir de différents

59 média (histoire à écouter, à regarder ou à lire). Ils voulaient savoir si la capacité des enfants à produire des inférences était généralisable d’une modalité de présentation à une autre (i.e., comparables d’un mode de présentation à un autre, ici auditif et audiovisuel). Ils voulaient également montrer que cette capacité détermine les habiletés de compréhension. Pour ce faire, deux-cent-vingt-et-un enfants ont pris part à l’expérience. Cent-treize enfants avaient en moyenne quatre ans et six mois et cent-huit enfants avaient en moyenne six ans et quatre mois. L’expérience a été menée de manière longitudinale pendant deux ans et comprenait deux phases. Lors de la première phase, qui portait sur les enfants de quatre ans et six mois et les enfants de six ans et quatre mois, deux histoires ont été utilisées afin d’évaluer la compréhension des enfants. La première histoire présentée oralement était accompagnée d’illustrations et durait sept minutes. La deuxième présentée de manière audiovisuelle (i.e., série télévisée) durait douze minutes. Pour évaluer la compréhension des enfants, des questions de compréhension ouvertes ont été créées (i.e., sept pour l’histoire orale et huit pour la télévisée). Ces questions portaient sur les évènements centraux et périphériques des histoires, le but des personnages et le thème général de l’histoire. De plus, des tests standardisés ont été utilisés pour vérifier les compétences phonologiques, d’identification des lettres et des mots et de vocabulaire, des enfants. Les enfants, vus individuellement, devaient d’abord compléter le test de vocabulaire, puis écouter l’histoire accompagnée des illustrations et rappeler tout ce dont ils se souvenaient. Ensuite, ils réalisaient les deux tests restant sur les compétences phonologiques et l’identification des mots et des lettres. Pour finir, ils voyaient le dessin animé et répondaient par la suite aux questions de compréhension. En deuxième phase, deux ans plus tard, ces mêmes enfants avaient six ans et huit ans. La procédure était identique concernant les deux nouvelles histoires utilisées : auditive avec illustrations (de dix minutes accompagnée de sept questions de compréhension) et audiovisuelle (de dix-huit minutes accompagnée également de sept questions de compréhension). Après écoute ou visionnage de l’histoire, les enfants devaient, tout d’abord, rappeler l’histoire puis répondre à des questions de compréhension. De plus, les enfants de huit ans étaient aussi évalués en situation de lecture (histoire accompagnée de neuf questions de compréhension). La situation de lecture était positionnée entre la situation d’écoute et audiovisuelle. Par ailleurs, seuls les tests de vocabulaire et d’identification de mots étaient conservés. Voir en annexe 8 un extrait de l’histoire à lire pour les enfants de huit ans en phase 2. Les principaux résultats de cette étude sont :

60 1. La capacité des enfants à produire des inférences est comparable d’une modalité de

présentation à une autre et ceci quel que soit l’âge des enfants.

2. Les enfants les plus jeunes ont plus de difficultés à produire des inférences que les plus vieux.

3. La capacité à produire des inférences est indépendante des habiletés langagières de base (compétences phonologiques, d’identification des lettres et des mots) mais pas du niveau de compréhension.

Récemment Blanc (2014) a porté intérêt à la capacité des enfants d’âge préscolaire (quatre et cinq ans) à produire des inférences émotionnelles à partir de deux supports : des histoires à écouter et des histoires télévisées. En tout cent-treize enfants ont pris part à l’expérience. Le matériel était composé de neuf histoires auditives et de neuf histoires télévisées issues de la même série : « Drôles de petites bêtes ». Ces histoires étaient comparables sur un certain nombre de critères comme la complexité de la structure narrative et du vocabulaire. Pour évaluer la capacité des enfants d’âge préscolaire à élaborer des inférences émotionnelles, Blanc (2014) a construit pour chacune des histoires neuf énoncés. Ces énoncés rapportaient les évènements centraux des histoires qui étaient associés à quatre informations émotionnelles de base : la joie, la colère, la tristesse et la peur. Les émotions n’étaient jamais explicitées dans les histoires et les enfants devaient donc produire une inférence pour les comprendre. Un contrôle particulier a été porté à l’apparition du nombre d’émotions afin qu’elles soient équitablement représentées dans les énoncés pour chacune des histoires.

Les enfants ont été répartis de manière aléatoire dans l’une de ces trois conditions : entrainement avec histoires auditives (condition auditive), entrainement avec histoires télévisuelles (condition audiovisuelle) et pas d’entrainement où les enfants continuent une activité normale en classe (i.e., condition contrôle). Cette session a duré trois semaines consécutives. Deux histoires étaient présentées par semaine. Pour les conditions auditive et audiovisuelle, les enfants devaient écouter ou visionner l’histoire puis réaliser la tâche d’inférence émotionnelle. Ils devaient choisir à l’aide des quatre smileys l’émotion appropriée pour chacun des neuf évènements sélectionnés dans l’histoire. Après cette tâche un temps d’échange était prévu.

Les mesures expérimentales étaient décomposées en trois sessions : la première session se déroulait avant la session d’entrainement, la seconde était proposée juste après les

61 trois semaines d’entrainement, et la dernière se déroulait six semaines après la fin de la session d’entrainement. Six histoires (i.e., deux par session) ont été utilisées afin d’évaluer l’habileté des enfants à produire des inférences émotionnelles. Pour chacune des trois sessions expérimentales, premièrement, les enfants en passation collective écoutaient une histoire auditive (avec illustrations) puis devaient choisir à l’aide des quatre smileys l’émotion appropriée. Les enfants répétaient l’opération pour les neuf évènements sélectionnés présentés en ordre chronologique. Deuxièmement, après une pause, les enfants réalisaient la même tâche pour l’histoire télévisée. Précisons que les enfants ont été familiarisés avec le principe de réponse présenté sous la forme de quatre smileys relatifs aux quatre émotions de base. L’expérimentateur s’était donc assuré que les enfants savaient correctement identifier et discriminer les expressions faciales présentes sur les smileys.

Concernant les résultats pour les histoires télévisées, l’auteur note un effet de l’âge : les enfants de cinq ans choisissent plus justement le smiley approprié que les enfants de quatre ans. Cet effet de l’âge est observé pour les trois sessions de test (i.e., avant, juste après, six semaines après l’entrainement). En outre, lorsque les enfants suivent un entrainement en auditif ou en audiovisuel leur réponses correctes sont plus importantes que lorsque ils n’ont pas suivi d’entrainement. Cette différence est observée en sessions juste après et six semaines après l’entrainement. Il n’y a pas de différence entre ces deux types d’entrainements (i.e., auditif et audiovisuel). Ainsi, avec les histoires télévisées, l’augmentation des performances, suite à un entrainement, est mise en lumière. Ce gain semble rester stable dans le temps. Pour les résultats des histoires auditives, l’effet de l’âge est retrouvé. Enfin, les performances des enfants sont meilleures après la session d’entrainement et six semaines après par rapport à avant l’entrainement. Néanmoins, il n’y a pas de différences observées entre les trois conditions d’entrainement. Ce type de mesure (i.e., auditif) ne semble pas adapté, chez des enfants d’âge préscolaire, a vérifier l’impact d’un entrainement sur la capacité à produire des inférences émotionnelles.

Pour conclure, cette étude indique que les interventions précoces peuvent être utilisées chez les jeunes enfants pour favoriser le développement de leur capacité à produire des inférences. De plus, cette étude contribue à l’idée selon laquelle la capacité des enfants à produire des inférences émotionnelles est généralisable d’un médium à un autre (voir aussi Creissen & Blanc, à paraître).

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