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d’association séquentielles

4.3 Extraction des règles d’association

4.3.3 Support émotionnel et coping

Dans cette partie, nous testons l’hypothèse que le support émotionnel fourni par les proches fait office de tampon entre l’impact des événements de vie et la santé (Cohen et Wills, 1985). On devrait donc observer un impact plus faible des événements parmi les personnes qui bénéficient d’un support émotionnel élevé.

Nous utilisons la variable issue de la question « Aide émotionnelle de la parenté » (P$$N15) et qui se présente sous la forme d’une échelle allant de « pas du tout » à

« beaucoup ». Deux opérations sont faites sur cette variable. En premier lieu, pour chaque individu, la moyenne du support émotionnel de la parenté est calculée sur la base de toutes les vagues disponibles. Sur les 14032 individus de l’échantillon précédent, 301 individus n’ont répondu à cette question à aucune vague et ont par conséquent été supprimés ; l’échantillon sur lequel nous travaillons désormais comporte 13731 individus.

La deuxième manipulation consiste à dichotomiser la moyenne calculée aupara-vant pour deux raisons : premièrement afin de faciliter la comparaison entre groupes à l’aide du test d’indépendance de Pearson, et deuxièmement afin d’éviter d’avoir des groupes avec des effectifs trop réduits. Le premier groupe créé est celui avec un support émotionnel « bas » et est constitué des individus dont la réponse moyenne à la variable de départ est inférieur ou égale à 5. On considère alors que le deuxième groupe a un support émotionnel « élevé », c’est-à-dire une moyenne strictement supérieure à 5. La première catégorie ne représente que 7.8% de l’échantillon (1068 individus).

Un examen du tableau croisé entre le support émotionnel ainsi défini et le sexe, associé à un test d’indépendance, nous indique que les femmes sont significative-ment moins présentes que les hommes dans la catégorie support « bas » (p-valeur duχ2de Pearson < 1e-08). Ce résultat semble contre-intuitif, étant donné que nous avons vu auparavant le plus grand impact des événements de vie sur les femmes que sur les hommes et que le soutien émotionnel est décrit par certains chercheurs (Cohen et Wills, 1985) comme un médiateur bénéfique dans le lien entre événe-ments de vie et santé. Par conséquent, les femmes, qui bénéficient apparemment d’un meilleur niveau de soutien, devraient être moins affectées par les événements

de vie. Nous reprendrons cette discussion dans la conclusion à la lumière des ré-sultats obtenus en comparant les individus avec un soutien émotionnel bas et ceux avec un soutien émotionnel élevé.

Si l’on reprend les six sous-séquences extraites sur l’ensemble de l’échantillon, on peut à nouveau représenter graphiquement les résidus d’un test d’indépen-dance entre chacun d’entre elles et les deux groupes de support émotionnel (Fig.

4.3). Même si les résultats sont moins tranchés que dans le cas des différences de genre, on retrouve quand même une sur-représentation significative des sous-séquences fin-degrsanté, conflit-degrsanté, probenf-degrsanté, degrsat-degrsanté et maladie-degrsat-degrsanté pour le groupe réunissant les individus avec un support émotionnel bas. En revanche, la sous-séquence maladie-degrsantén’est pas signifi-cativement associé au support émotionnel. Ces premiers résultats vont dans le sens de la théorie attribuant un effet modérateur du support apporté par la famille dans l’impact des événements de vie sur la santé (Cobb, 1976; Cohen et Wills, 1985; We-thington et Kessler, 1986; Olstad et al., 2001) ; pour les individus déclarant recevoir un support émotionnel plutôt bas, la succession d’un événement de vie négatif et d’une baisse de la satisfaction de la santé apparaît plus fréquemment que chez les individus avec un support émotionnel élevé.

De la même manière que précédemment lors de la comparaison entre hommes et femmes, nous continuons l’analyse par une extraction des règles d’association séquentielle. On observe dans le tableau 4.8 que deux des règles identifiées dans le groupe « support élevé » n’apparaissent pas, alors qu’on s’attendrait non seulement à ce qu’elles apparaissent, mais aussi à ce qu’elles affichent des rapports de risque plus élevés.

support bas support élevé

n.s. maladie(HR=1.36,p<1e-5) ⇒degrsanté

fin(HR=1.63,p<1e-5) ⇒degrsanté fin(HR=1.5,p<1e-5) ⇒degrsanté conflit (HR=1.64,p<1e-5) ⇒degrsanté conflit (HR=1.72,p<1e-5) ⇒degrsanté

n.s. probenf (HR=1.44,p<1e-5) ⇒degrsanté

degrsat (HR=2.1,p<1e-5) ⇒degrsanté degrsat (HR=1.56,p<1e-5) ⇒degrsanté TABLEAU 4.8 – Règles d’association séquentielles, conclusiondegrsanté, par sup-port émotionnel, avec correction de Bonferroni

Ce problème est en partie dû à un problème d’effectifs dans le groupe support

« bas » qui, comme nous l’avons déjà constaté, ne contient que 7.7% des individus de l’échantillon. Le tableau 4.9 montre le résultat de l’extraction de règles sans la correction de Bonferroni. Etant donné que le seuil est fixé à 0.05, au lieu de 0.007 pour les règles du tableau 4.8, une des deux règles manquantes, probenfdegrsanté est à nouveau en dessous du seuil et réapparaît.

La lecture des tableaux 4.8 et 4.9 nous indique que les événementsC(fin d’une relation) etJ (dégradation du niveau de vie) ont un impact plus élevé sur le risque de dégradation de la satisfaction de la santé parmi les personnes déclarant avoir un support émotionnel bas. Ces résultats sont à interpréter avec précaution car ils ne permettent pas d’identifier précisément le rôle du support émotionnel dans l’impact des événements de vie. En effet, étant donné que nous avons pris la moyenne du

bas

0.000.050.100.15 (J)−(H) (A)−(J)−(H) (D)−(H) (H) (C)−(H) (E)−(H) (A)−(H)

élevé

0.000.050.100.15 (J)−(H) (A)−(J)−(H) (D)−(H) (H) (C)−(H) (E)−(H) (A)−(H)

Pearson residuals

Negative 0.01 Negative 0.05 neutral Positive 0.05 Positive 0.01

Figure 4.3 – Fréquences des sous-séquences, colorées en fonction des résidus du test d’indépendance duχ2 de Pearson, support émotionnel bas et haut

support bas

fin(HR=1.63,p=3e-04) ⇒degrsanté conflit (HR=1.64,p=1e-04) ⇒degrsanté probenf (HR=1.36,p=0.0194) ⇒degrsanté degrsat(HR=2.1,p=0) ⇒degrsanté

TABLEAU 4.9 – Règles d’association séquentielles, conclusion degrsanté, support bas, sans correction de Bonferroni

support émotionnel sur toutes les vagues disponibles, cette variable pourrait être à la fois la cause et la conséquence d’un des événements de vie explicatifs ou la conséquence d’une dégradation de la santé.

4.4 Conclusion

Les résultats obtenus par la méthode d’extraction des règles d’association nous ont permis d’identifier un ensemble d’événements qui influencent significativement la survenue d’une dégradation de la satisfaction de la santé. De manière générale, c’est-à-dire sur l’ensemble de l’échantillon, nous avons pu observer un lien signi-ficatif entre cinq événements de vie et une dégradation de la santé, sur les neuf événements qui étaient proposés à l’origine. Les événements qui ont été retenus sont : la maladie ou l’accident d’un proche, la fin d’une relation, un conflit avec ou entre des proches, des problèmes avec ses enfants et la dégradation de la satisfaction du niveau de vie. Il ne s’agit que d’événements négatifs ; les deux événements qui peuvent être considérés comme positifs, c’est-à-dire la fin d’une formation (obten-tion d’un diplôme) et la naissance d’un enfant, n’ont pas d’effets significatifs sur la satisfaction de la santé. On aurait pu penser que ces événements auraient un effet

« protecteur », ce qui se serait traduit par un rapport de risque inférieur à 1, mais ce n’est pas le cas.

La comparaison entre les groupes a permis de répondre en partie aux hypo-thèses du début de ce chapitre et qui portaient sur l’effet médiateur du genre et du soutien émotionnel sur l’impact des événements de vie ainsi que sur la possibi-lité d’existence d’un modèle d’enchaînement de risques. En premier lieu, nous avons testé si les sous-séquences correspondant aux règles d’association obtenues sur l’en-semble de l’échantillon étaient significativement associées au sexe en utilisant un test d’indépendance de Pearson. Le résultat (voir Fig. 4.2) indique clairement que toutes les sous-séquences sont significativement surreprésentées chez les femmes.

Nous avons également constaté que chez les femmes, les cinq événements négatifs cités plus haut avaient un impact significatif sur le risque de déclarer une baisse de la satisfaction de la santé. Chez les hommes, seuls deux de ces événements, conflit avec ou entre des proches et dégradation du niveau de vie, sont significatifs. De plus, ces deux événements ont un impact moins important chez les hommes que chez les femmes, comme nous l’indique les rapports de risque plus bas chez les hommes.

En ce qui concerne le soutien émotionnel, la comparaison est plus difficile car les deux groupes que nous avons formés en fonction de leur niveau de soutien sont très inégaux en taille. Un résultat étonnant est que les femmes déclarent avoir significativement plus de soutien émotionnel que les hommes, mais d’un côté on observe que les événements de vie ont un impact plus fort chez les femmes que chez les hommes, et également un impact plus fort chez les individus avec un soutien émotionnel bas. Le deuxième résultat qui montre un effet modérateur du soutien émotionnel sur l’impact des événements de vie n’est semble-t-il pas assez fort pour compenser un autre effet de genre qui pénalise plus les femmes que les hommes.

Un des intérêts principaux de cette méthode est de permettre au chercheur d’ex-plorer le lien entre les événements, sans postuler d’hypothèses fortes au préalable.

De plus, contrairement à une analyse basée simplement sur des modèles de survie, cette méthode permet d’identifier des enchaînements d’événements en sélectionnant automatiquement des sous-groupes dans les données. Ceci permet notamment de tester des modèles théoriques telles que celui de l’accumulation de risque, en regar-dant s’il existe des successions d’événements augmentant significativement le risque

qu’un événement cible se produise. Le fait de tester automatiquement toutes les combinaisons de séquences d’événement plausibles, c’est-à-dire observées au moins un certain nombre de fois dans les données, est un ajout important par rapport à des modèles de survie classiques.

Une limite de cette analyse est de ne pas pouvoir procéder à des analyses d’un événement en fonction de plusieurs facteurs simultanés, comme dans un modèle de régression. Ceci permettrait par exemple de contrôler l’effet du soutien émotionnel et de constater si l’effet de genre est bien toujours présent. Il permettrait également de tester à l’aide d’interactions de troisième ordre si le soutien émotionnel a un effet modérateur différent suivant le sexe de l’individu et le type d’événement. C’est pour cette raison que le chapitre 5 est consacré aux modèles de régression longitudinale, et à leur version spécialement adaptée aux variables ordinales, très courantes en sciences sociales.