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Inégalités sociales et effets cumulés au cours de la vie : concepts et méthodes

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Academic year: 2022

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(1)

Thesis

Reference

Inégalités sociales et effets cumulés au cours de la vie : concepts et méthodes

MUELLER, Nicolas Séverin

Abstract

Cette thèse est consacrée à l'étude quantitative des inégalités sociales face à la santé, dans une perspective longitudinale. Les principales théories relatives au parcours de vie, aux effets cumulés et aux facteurs socio-économiques des inégalités de santé sont présentées. Une méthode originale d'extraction de règles d'association séquentielle entre événements est présentée, puis appliquée aux données du Panel suisse de ménages et plus particulièrement à la mesure de la satisfaction de la santé. Nous nous intéressons également au modèle théorique de l'accumulation d'effets dépendante du statut, que nous opérationnalisons à l'aide de modèles de régression ordinale longitudinaux. Les variables dépendantes auxquelles nous nous intéressons sont la santé auto-évaluée et la satisfaction de la santé. Nous comparons plusieurs méthodes d'estimation des modèles de régression ordinale longitudinaux afin d'évaluer la stabilité des résultats obtenus. Nous terminons par une présentation des modèles de croissance latente et des possibilités qu'ils offrent.

MUELLER, Nicolas Séverin. Inégalités sociales et effets cumulés au cours de la vie : concepts et méthodes . Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2011, no. SES 764

URN : urn:nbn:ch:unige-177460

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:17746

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:17746

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(2)

cours de la vie : concepts et méthodes

Thèse présentée à la Faculté des sciences économiques et sociales de l’Université de Genève par

Nicolas S. Müller

sous la direction des professeurs Gilbert Ritschard et

Eric Widmer

pour l’obtention du grade de

Docteur ès sciences économiques et sociales mention sociologie

Membres du jury

Prof. Francesco Billari, Université Bocconi, Milan

Prof. Claudine Burton-Jeangros, FSES, Genève (présidente du jury) Prof. Paolo Ghisletta, FAPSE, Genève

Prof. Gilbert Ritschard, FSES, Genève (co-directeur) Prof. Eric Widmer, FSES, Genève (co-directeur)

Thèse n˚ 764

Genève, le 5 octobre 2011

(3)

les propositions qui s’y trouvent énoncées et qui n’engagent que la responsabilité de leur auteur.

Genève, le 26 octobre 2011 Le doyen Bernard MORARD

Impression d’après le manuscrit de l’auteur

(4)

Remerciements 1

Résumé 3

Introduction 7

1 Parcours de vie et effets cumulés 9

1.1 Parcours de vie . . . 10

1.1.1 Théorie . . . 10

1.1.2 Analyse quantitative des parcours de vie . . . 12

1.1.3 Opérationnalisation de la temporalité . . . 15

1.2 Matthew effect et effets cumulés . . . 20

1.2.1 Conceptualisation des processus d’accumulation . . . 20

1.2.2 Formalisation et opérationnalisation des processus d’accumu- lation . . . 23

1.2.3 Autres sources d’hétérogénéité . . . 29

1.3 Conclusion . . . 30

2 Facteurs socio-économiques et inégalités de santé 33 2.1 Introduction . . . 33

2.2 Deux grandes hypothèses : sélection ou causalité ? . . . 34

2.3 Les déterminants de la santé . . . 36

2.3.1 L’explication matérialiste . . . 37

2.3.2 L’approche comportementale . . . 38

2.3.3 Le stress psycho-social . . . 40

2.3.4 Parcours de vie et inégalités de santé . . . 41

2.4 Événements de vie et santé . . . 42

2.5 Genre et santé . . . 44

2.6 Effets cumulés et santé . . . 45

2.7 Opérationnalisation . . . 46

2.7.1 Inégalités de santé : la situation en Suisse . . . 46

2.7.2 Méthodes . . . 47

2.7.3 Données du Panel suisse de ménages . . . 47

2.8 Conclusion . . . 48

(5)

3.1.1 La fouille de motifs fréquents . . . 50

3.1.2 La fouille de motifs séquentiels fréquents . . . 54

3.1.3 Les contraintes temporelles . . . 55

3.2 Une approche novatrice pour l’extraction de règles d’association sé- quentielle . . . 62

3.2.1 Problème de la sélection des règles intéressantes . . . 62

3.2.2 Analyse de durée . . . 63

3.2.3 Extraction des règles . . . 70

3.2.4 Visualisation des résultats . . . 72

3.2.5 Simulation . . . 73

3.2.6 Complexité . . . 75

3.3 Conclusion . . . 76

4 Evénements de vie et santé : extraction des règles d’association séquentielles 79 4.1 Analyse des événements en sciences sociales . . . 79

4.1.1 Hypothèses : temporalité et effets médiateurs . . . 80

4.2 Préparation des données . . . 81

4.3 Extraction des règles d’association . . . 85

4.3.1 Effets des événements de vie sur la santé . . . 87

4.3.2 Différences de genre . . . 89

4.3.3 Support émotionnel et coping . . . 91

4.4 Conclusion . . . 94

5 Modèles de régression ordinale pour l’analyse du changement 97 5.1 Modèles longitudinaux . . . 97

5.1.1 Types de modèles . . . 99

5.1.2 Effets aléatoires . . . 100

5.2 Modèles de régression ordinale . . . 100

5.2.1 Données ordinales . . . 101

5.2.2 Formalisation . . . 102

5.2.3 Choix de la fonction de lien . . . 104

5.2.4 Prise en compte du temps . . . 107

5.2.5 Interprétation des paramètres du changement . . . 111

5.2.6 Identification des effets cumulés et de la temporalité . . . 111

5.3 Estimation des paramètres . . . 113

5.4 Conclusion . . . 115

6 Effets cumulés et santé : analyse des données 117 6.1 Introduction . . . 117

6.2 Préparation des données . . . 119

6.2.1 Données de départ . . . 120

6.2.2 Variables dépendantes . . . 127

6.2.3 Variables indépendantes . . . 131

6.3 Description du modèle . . . 142

6.4 Résultats : santé auto-évaluée . . . 144

(6)

6.4.1 Modèles 0 à 3 : modèles de base . . . 144

6.4.2 Test de l’hypothèse de proportionnalité des cotes . . . 148

6.4.3 Modèles 4a et 4b : effets cumulés . . . 150

6.4.4 Modèles 5 à 7 : introduction des variables variant dans le temps151 6.4.5 Modèles 8 et 9 : événements et temporalité . . . 152

6.4.6 Modèles 10 et 11 : événements, soutien émotionnel et genre . 153 6.4.7 Représentation graphique des probabilités . . . 154

6.4.8 Synthèse des résultats . . . 154

6.5 Résultats : satisfaction de la santé . . . 156

6.5.1 Modèles 0 à 3 : modèles de base . . . 156

6.5.2 Test de l’hypothèse de proportionnalité . . . 157

6.5.3 Modèles 4 et 5 : événements de vie . . . 161

6.5.4 Modèles 6 et 7 : événements, soutien émotionnel et genre . . 162

6.5.5 Synthèse des résultats . . . 162

6.6 Test de l’hypothèse NMAR . . . 163

6.6.1 Modèle random-coefficient pattern-mixture pour la santé auto-évaluée . . . 164

6.6.2 Modèle random-coefficient pattern-mixture pour la satisfac- tion de la santé . . . 165

6.7 Conclusion générale . . . 165

6.8 Tableaux . . . 168

7 Méthodes d’estimation alternatives 183 7.1 Comparaison des estimations par maximum de vraisemblance . . . . 184

7.1.1 Spécification du modèle de test . . . 185

7.1.2 Résultats . . . 189

7.2 Analyse de données et inférence bayésienne . . . 191

7.2.1 Formalisation . . . 192

7.2.2 Simulations à l’aide de chaînes de Markov . . . 193

7.2.3 Définir un modèle de régression multi-niveaux avec BUGS . . 195

7.2.4 Vérifier la qualité de la simulation . . . 199

7.2.5 Résultats de la simulation . . . 203

7.3 Conclusion . . . 207

8 Modèles de croissance latente 211 8.1 Introduction . . . 211

8.2 Modèles d’équations structurelles . . . 212

8.3 Spécification d’un modèle de croissance latente . . . 213

8.3.1 Modèle inconditionnel . . . 213

8.3.2 Relation avec l’âge . . . 215

8.3.3 Différences entre SEM et régression multi-niveaux . . . 218

8.4 Modèles de croissance latente à indicateurs multiples . . . 223

8.4.1 Modèle de mesure . . . 223

8.5 Application aux données du Panel suisse de ménages . . . 226

8.5.1 Données . . . 226

8.5.2 Modèle . . . 228

8.5.3 Test de l’invariance . . . 229

(7)

Conclusion 237

Annexe A 245

Annexe B 249

(8)

3.1 Données d’exemple pour les règles d’association . . . 52

3.2 Calcul des règles d’association . . . 53

3.3 Exemple de données au format vertical . . . 54

3.4 2-itemsets fréquents issus de l’union des lignes du tableau précédent 54 3.5 Exemple de données séquentielles . . . 55

3.6 Exemple de génération de 2-séquences candidates par GSP . . . 61

3.7 Exemple de données de durée . . . 65

3.8 Exemple de données de durée . . . 66

3.9 Exemple de données de durée avec une variable qui varie dans le temps 67 3.10 Exemple de données de durée en format personnes-périodes . . . 69

3.11 Exemple de données de durée en format personnes-périodes . . . 70

3.12 Visualisation textuelle des règles d’association séquentielle . . . 72

3.13 Données simulées à partir d’une distribution de Weibull . . . 74

3.14 Résultats de l’extraction des règles . . . 75

3.15 Règles extraites avec un support minimum . . . 75

3.16 Performances de l’algorithme en secondes . . . 76

4.1 Liste des événements retenus . . . 82

4.2 Nombre d’individu avec au moins une occurrence de l’événement, par sexe et total . . . 83

4.3 Nombre d’occurrence et nombre moyen, par sexe et total . . . 84

4.4 Exemple de données de durée, événementfin dépendant . . . 86

4.5 Exemple de données de durée, événementdegrsantédépendant,mort s’est déjà produit . . . 86

4.6 Règles d’association séquentielle, dégradation de la satisfaction de la santé comme conséquence . . . 88

4.7 Règles d’association séquentielles, conclusionhdegrsanté, par sexe . . 91

4.8 Règles d’association séquentielles, conclusiondegrsanté, par support émotionnel, avec correction de Bonferroni . . . 92

4.9 Règles d’association séquentielles, conclusiondegrsanté, support bas, sans correction de Bonferroni . . . 93

5.1 Fonctions de lien . . . 105

6.1 Effectifs par vague, dans l’échantillon sans données manquantes et dans l’échantillon complet . . . 122

(9)

6.3 Modèles de survie à temps discret (cloglog) : rapports de risques de

quitter l’enquête . . . 125

6.4 Santé auto-évaluée : répartition des réponses par vague . . . 129

6.5 Satisfaction de la santé : répartition des réponses à chaque vague . . 129

6.6 Recodage de la variablesatisfaction de la santé . . . 130

6.7 Tableau croisé entre santé auto-évaluée en 2000 et sexe . . . 132

6.8 Proportion de personnes mariées à chaque vague . . . 133

6.9 Recodage de la variable de niveau d’éducation . . . 134

6.10 Tableau croisé entre niveau d’éducation en trois catégories et sexe . 135 6.11 Recodage de la variable de classification socio-économique européenne136 6.12 Matrice des prédicteurs pour le modèle d’imputation . . . 138

6.13 Résumés de la distribution du revenu net (milliers de francs) pour les 10 jeux d’imputation . . . 138

6.14 Répartition du revenu annuel net en milliers de francs, toutes les observations . . . 139

6.15 Nombre d’événements et de données manquantes . . . 141

6.16 Description de la variable de soutien émotionnel fourni par la famille 142 6.17 Variables pour modéliser la discontinuité de la pente . . . 146

6.18 Arrangements des données manquantes (X) pour 3 vagues . . . 163

6.19 santé auto-évaluée : modèles de régression ordinale longitudinaux : modèles 0 à 3 . . . 169

6.20 santé auto-évaluée : modèles de régression ordinale longitudinaux, modèles 4a et 4b . . . 170

6.21 santé auto-évaluée : modèles de régression ordinale longitudinaux 5 à 7 . . . 171

6.22 santé auto-évaluée : modèles de régression ordinale longitudinaux 8 et 9 . . . 172

6.23 santé auto-évaluée : modèles de régression ordinale longitudinaux 10 et 11 . . . 173

6.24 satisfaction de la santé en cinq modalités : modèles de régression ordinale longitudinaux 0 à 3 . . . 174

6.25 satisfaction de la santé : modèles de régression linéaire longitudi- naux : modèles 0 à 3 . . . 175

6.26 satisfaction de la santé en 10 modalités : modèles de régression or- dinale longitudinaux : modèles 0 à 3 . . . 176

6.27 satisfaction de la santé : modèles de régression longitudinaux, com- paraison modèle linéaire et modèles ordinaux sur 5 et 10 catégories . 177 6.28 satisfaction de la santé en dix modalités : modèles de régression ordinale longitudinaux : modèles 4 et 5 . . . 178

6.29 satisfaction de la santé en dix modalités : modèles de régression ordinale longitudinaux 6 et 7 . . . 179

6.30 santé auto-évaluée : modèle pattern-mixture sur les effets aléatoires . 180 6.31 satisfaction de la santé : modèle pattern-mixture sur les effets aléatoires181 7.1 Exemple des données dans MLwiN . . . 188

(10)

7.2 Nombre de tirages effectifs, pour un thinning de 1 et de 50 . . . 204

7.3 Résultats de l’analyse bayésienne par MCMC (WinBUGS) . . . 206

7.4 Résultats de l’analyse bayesienne par MCMC (MLwiN) . . . 207

7.5 Nombre de tirages effectifs (ESS) pour MLwiN et WinBUGS sur 270’000 itérations . . . 207

7.6 Comparaison des résultats de l’estimation . . . 209

7.7 Comparaison des résultats de l’estimation (avec valeurs de départ prédéfinies) . . . 210

8.1 Exemple de données au format large . . . 214

8.2 Comparaison des modèles avec et sans contraintes de seuil, santé auto-évaluée . . . 218

8.3 Comparaison des modèles avec et sans contraintes de seuil, satisfac- tion de la santé . . . 219

8.4 Exemple de données au format large, avec données manquantes sur x 221 8.5 Distribution de la variable HEALTH à travers les vagues . . . 227

8.6 Distribution de la variable IMPED à travers les vagues . . . 227

8.7 Distribution de la variable NDOC à travers les vagues . . . 228

8.8 Test de l’invariance de la mesure à travers le temps . . . 231

8.9 Résultats pour le modèle de croissance latente à indicateurs mul- tiples, estimateur WLSMV . . . 234

(11)
(12)

1.1 Modèle d’accumulation de risques, deux variantes . . . 18

1.2 Modèle d’enchaînement de risques, deux variantes . . . 19

1.3 Interaction statut-temps . . . 27

3.1 Représentation d’un motif séquentiel sous la forme d’un graphe acy- clique dirigé . . . 56

3.2 Exemple de contraintes pour la recherche d’un motif séquentiel fré- quent . . . 57

3.3 Type de comptage 1 . . . 58

3.4 Type de comptage 2 . . . 58

3.5 Type de comptage 3 . . . 59

3.6 Type de comptage 4 . . . 59

3.7 Type de comptage 5 . . . 59

3.8 Représentation graphique des règles d’association . . . 73

4.1 Modèle d’enchainement de risques . . . 84

4.2 Fréquences des sous-séquences, colorées selon les résidus du test d’in- dépendance duχ2 de Pearson, hommes et femmes . . . 90

4.3 Fréquences des sous-séquences, colorées en fonction des résidus du test d’indépendance duχ2de Pearson, support émotionnel bas et haut 93 5.1 Variable latente continue . . . 102

5.2 Fonctions de liens (répartition) . . . 105

5.3 Fonctions de liens (densité) . . . 106

6.1 Distribution des deux variables de santé (toutes les observations) . . 130

6.2 Distribution de l’âge (toutes les observations) . . . 132

6.3 Comparaison des probabilités prédites par un modèle de régression ordinale et un modèle de régression multinomiale (santé auto-évaluée)149 6.4 Prédictions pour deux profils : avec (probfin=OUI) ou sans (prob- fin=NON) problèmes financiers . . . 155

6.5 Test de l’hypothèse de proportionnalité pour la satisfaction de la santé en 5 catégories . . . 158

6.6 Test de l’hypothèse de proportionnalité pour la satisfaction de la santé en 10 catégories . . . 159

(13)

6.8 Distribution de la satisfaction de la santé sur les 10 vagues . . . 161 7.1 Série temporelle pour une chaîne MCMC avec un bonmixing . . . . 200 7.2 Série temporelle pour une chaîne MCMC avec un mauvaismixing. . 201 7.3 Graphique d’auto-corrélations pour deux chaînes MCMC . . . 201 7.4 Graphiques d’auto-corrélation pour la variance de la pente aléatoire 205 7.5 Indice ˆRpour la variance de la pente aléatoire . . . 205 8.1 Modèle de croissance inconditionnel, même temps pour chaque indi-

vidu . . . 214 8.2 Modèle de croissance latente, avec introduction de l’âge comme covarié216 8.3 Modèle de croissance latente, avec temps de mesure individuel . . . . 217 8.4 Modèle de croissance latente, avec une variable variant dans le temps 220 8.5 Modèle de croissance latente, covariables avec données manquantes . 222 8.6 Modèle de croissance latente avec indicateurs multiples . . . 225 8.7 Modèle de croissance latent à indicateurs multiples pour la santé . . 230

(14)

J’ai eu le plaisir de rédiger cette thèse tout en exerçant la fonction d’assistant d’enseignement au département d’économétrie de la Faculté des sciences écono- miques et sociales, devenu entre-temps département des sciences économiques. Je tiens à remercier tous les membres de ce département pour leur contribution à une ambiance excellente et propice au travail. J’aimerais remercier plus particulière- ment le professeur Gilbert Ritschard, mon co-directeur de thèse, qui m’a accueilli dans son équipe et m’a beaucoup appris d’abord durant mon cursus d’études, puis tout au long de mes années d’assistanat. J’adresse mes remerciements au profes- seur Eric Widmer, co-directeur de thèse, ainsi qu’aux membres de mon comité de thèse, le professeur Francesco Billari, la professeure Claudine Burton-Jeangros et le professeur Paolo Ghisletta, qui ont lu avec une très grande attention mon travail et qui m’ont fait part de leurs remarques pertinentes et utiles à l’amélioration de la première version du manuscrit.

J’aimerais également remercier tous mes collègues et amis du département des sciences économiques et du département de sociologie, avec qui j’ai eu à la fois des discussions scientifiques, parfois intenses, mais également de nombreux moments de détente agréables. Je remercie particulièrement Ivan De Carlo qui s’est donné la peine de lire plusieurs chapitres, et dont les remarques m’ont été précieuses.

J’adresse aussi un grand merci à ma famille, pour m’avoir supporté et soutenu jusqu’à la fin. J’aimerais remercier plus particulièrement ma mère pour avoir relu attentivement chapitre après chapitre et m’avoir fait profiter de toute son expertise linguistique. Julie mérite également des remerciements pour ses encouragements et pour avoir su me donner de l’énergie lorsque celle-ci venait à manquer.

Pour finir, j’aimerais dédier cette thèse à mon père, qui m’a transmis le goût des études et la curiosité intellectuelle, mais qui est malheureusement parti trop tôt pour voir les fruits de son éducation.

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Cette thèse est consacrée à l’étude quantitative des inégalités sociales face à la santé, dans une perspective longitudinale. Les principales théories relatives au parcours de vie, aux effets cumulés et aux facteurs socio-économiques des inégalités de santé sont présentées. Le modèle théorique de l’accumulation de risques entre événements est opérationnalisé à l’aide d’une méthode originale d’extraction de règles d’association séquentielle entre événements. Cette méthode permet d’extraire de manière automatique les événements ou les séquences d’événements qui ont un impact significatif sur le risque qu’un événement « cible » se produise. Nous utilisons les données du Panel suisse de ménages pour identifier les événements de vie qui modifient significativement le risque qu’un individu déclare une baisse sensible de la satisfaction de son état de santé.

Dans un deuxième temps, nous nous intéressons au modèle théorique de l’ac- cumulation d’effets dépendante du statut. Pour cela, nous utilisons des modèles de régression ordinale longitudinaux à la manière de modèles de croissance, en opé- rationnalisant le concept d’inégalités croissantes dues aux effets cumulés par des interactions entre l’âge et différents statuts. Nous utilisons à nouveau les données du Panel suisse de ménages. Les variables dépendantes auxquelles nous nous in- téressons sont la santé auto-évaluée et la satisfaction de la santé. Nous intégrons également aux modèles de régression les événements de vie identifiés par la méthode d’extraction de règles d’association.

Nous comparons plusieurs méthodes d’estimation des modèles de régression or- dinale longitudinaux afin d’évaluer la stabilité des résultats obtenus. Nous utilisons des estimations basées sur le maximum de vraisemblance, sur les moindres carrés généralisés et sur l’inférence bayésienne. Les performances de plusieurs logiciels sta- tistiques lors de l’estimation des modèles de régression ordinale longitudinaux sont comparées.

Nous terminons par une présentation des modèles de croissance latente et des possibilités qu’ils offrent. Nous proposons une construction latente de la santé basée sur plusieurs indicateurs tels que la santé auto-évaluée ou le nombre de visites chez le médecin,. Nous testons ensuite l’influence de variables socio-économiques sur cette construction latente.

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L’utilisation du concept de processus d’effets cumulés remonte dans les sciences sociales aux travaux de Merton (1968) sur les carrières des scientifiques. Ce concept repose sur la constatation faite par Merton que plus un auteur scientifique est ré- puté, plus la notoriété qu’il acquiert à chaque nouvel article est grande, peu importe sa réelle contribution au travail. Dans ce cas d’école, le processus d’accumulation d’effets se caractérise par une forme de « taux d’intérêt » exceptionnel pour les scien- tifiques les plus connus, qui leur garantissent un rendement exponentiel à chaque nouvelle publication. Avec le temps, d’autres définitions des processus d’effets cu- mulés ont vu le jour, sans qu’un réel consensus existe entre elles (DiPrete et Eirich, 2006).

Bien qu’il s’agisse d’un concept mentionné dans la littérature sociologique, et en particulier dans le domaine de la sociologie des parcours de vie, le test empirique de l’existence de ces processus d’accumulation d’effets reste difficile en partie à cause du manque de consensus sur leur définition, mais aussi à cause de la difficulté d’opérationnaliser ce genre de concepts qui nécessitent des méthodes longitudinales.

Le but premier de ce travail est de proposer des méthodes qui permettent d’opé- rationnaliser certains des concepts du paradigme du parcours de vie, notamment celui d’accumulation d’effets. Avant de proposer ces méthodes, nous commencerons par définir plus précisément quels sont les différents types de processus d’accumula- tion d’effets existants, ainsi que le cadre théorique, celui du paradigme du parcours de vie, dans lequel ils se situent. Nous nous intéresserons également aux notions d’événements et de temporalité qui jouent un rôle important dans les trajectoires de vie et, par conséquent, dans les accumulations d’avantages ou de désavantages.

Pour illustrer l’utilisation de ces méthodes dans un cadre théorique complet, nous nous intéresserons à la question générale des inégalités de santé sous l’angle des trajectoires de vie. Un autre objectif de cette thèse est de discuter les différents ou- tils méthodologiques utilisés non seulement au niveau de leur pertinence en terme d’opérationnalisation, mais également en terme d’utilisabilité pour des analyses réelles. Différents logiciels, utilisant chacun des méthodes d’estimation différentes, seront comparés. Une extension des modèles de régression longitudinaux, égale- ment appelés modèles de croissance, à l’aide des modèles d’équations structurelles est présentée en guise d’ouverture de l’étude des processus d’effets cumulés vers le champ des modèles à variables latentes.

Cette thèse comporte trois volets. Le premier volet contient l’assise théorique concernant les effets cumulés et la sociologie du parcours de vie (chapitre 1) ainsi que les grands modèles théoriques utilisés en sociologie de la santé pour expliquer

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sentés dans le premier volet, ainsi que des applications sur les données du Panel suisse de ménages et les trajectoires de santé. Les chapitres 3 et 4 s’intéressent plus particulièrement à la notion d’événements dans les processus d’effets cumu- lés. Le chapitre 3 contient le développement d’une méthode d’extraction de règles d’association entre événements basée sur des modèles de durée. L’application de cette méthode sur les données du Panel suisse de ménages pour tester les modèles théoriques présentés dans les chapitres précédents est effectuée dans le chapitre 4.

Pour continuer l’analyse des trajectoires de santé dans une perspective de par- cours de vie et d’effets cumulés, nous choisissons d’analyser la dynamique indivi- duelle de la santé à l’aide des données du Panel suisse. Etant donné que les données concernant la santé, en particulier les mesures de santé auto-évaluée, sont la plu- part du temps des variables d’échelle, et donc de type ordinal, nous présentons dans le chapitre 5 de quelle manière utiliser la notion de modèles de croissance dans le cadre de variables ordinales. Le chapitre 6 contient toute une série d’analyses opé- rées sur les données du Panel suisse de ménages et présente une exploration poussée de l’utilisation des modèles de croissance sur des données de Panel.

Le dernier volet est essentiellement méthodologique. Le chapitre 7 fait suite au chapitre d’application des modèles de croissance (chapitre 6) et compare différentes méthodes d’estimation à travers la spécification du même modèle dans plusieurs logiciels. Dans la deuxième partie de ce chapitre, une estimation de ce modèle dans le cadre de l’inférence bayésienne est proposée, de pair avec une description des outils nécessaires à ce type d’estimation. Le dernier chapitre concerne les modèles de croissance latente, qui sont l’équivalent des modèles de croissance mais spécifiés dans le cadre de modèles d’équations structurelles à variables latentes.

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Parcours de vie et effets cumulés

Les visions structuralistes de la stratification sociale, par exemple celle de Bour- dieu (1979), mettent principalement l’accent sur la socialisation primaire et la fa- mille d’origine comme caractéristiques déterminantes des inégalités sociales et de leur reproduction (Burton-Jeangros et Widmer, 2009). L’évolution des modes de vie, avec leur individualisation et leur pluralisation (Widmer et Ritschard, 2009), mettent à mal ce type de théorie trop rigide et trop déterministe. Il existe une contradiction entre ce point de vue structuraliste déterministe, qui veut attribuer une trajectoire unique à des individus possédant des caractéristiques figées, et la multitude d’individualités des sociétés actuelles (Lahire, 2001). Il est important de s’affranchir du côté statique des approches mentionnées plus haut et d’introduire le temps dans l’étude des inégalités sociales (Settersten, 1999) : d’une part le temps individuel, en prenant en compte le caractère dynamique de l’individu dont les ca- ractéristiques peuvent varier tout au long de leur vie plutôt qu’un habitus figé, et d’autre part en prenant en compte l’évolution des structures et des normes sociales avec le temps. Les approches que nous présentons au long de ce chapitre sont une manière de prendre en compte le temps, en terme d’âge, de période ou de cohorte, dans une analyse empirique. Nous nous intéresserons en particulier aux inégalités sociales dans une perspective de parcours de vie. Pour cela, nous nous appuyons sur le paradigme du parcours de vie (Elder, 1999), et plus particulièrement aux processus d’avantages ou de désavantages cumulés.

Le paradigme du parcours de vie propose une approche sociologique de l’indi- vidu qui repose sur les quatre principes de base suivants : l’insertion du parcours de vie dans un moment socio-historique, la temporalité des événements de vie, le principe des vies liées et la capacité d’agir des acteurs sur leur vie (Elder, 1994).

Cette approche constitue désormais un champ à part entière de la sociologie, depuis l’ouvrage fondateur de Elder (1999). Si d’un point de vue théorique, ces principes s’expliquent facilement, la question de l’opérationnalisation et de la confrontation de ces concepts à des données empiriques se pose rapidement. En effet, étant donné que la notion de parcours constitue la fondation de cette approche, celle-ci néces- site impérativement, dans le cadre d’une analyse quantitative, de récolter ou d’avoir

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à disposition des données longitudinales. Les données longitudinales sont des don- nées qui comportent des informations sur plusieurs moments de la vie des individus.

Celles-ci existent en sciences sociales sous deux formes principales : d’un côté, les données de suivi, comme les enquêtes de panel qui suivent un ensemble d’individu sur plusieurs mois ou plusieurs années et, d’un autre côté, les données rétrospec- tives qui, à l’aide de questions sur le parcours d’un individu depuis un point donné jusqu’au moment de l’enquête, permettent de reconstruire la trajectoire des indi- vidusa posteriori. Nous reviendrons à cette question de l’importance des données longitudinales dans l’étude des parcours de vie.

Une analyse quantitative requiert également que les hypothèses soient testables à partir de données grâce à une phase d’opérationnalisation. En même temps que l’opérationnalisation s’effectue, il est évidemment nécessaire de s’intéresser de concert aux types de méthodes statistiques qui seront utilisées pour mettre en œuvre cette opérationnalisation. Nous proposerons dans les chapitres ultérieures plusieurs méthodes correspondant au travail d’opérationnalisation qui est fait dans ce chapitre. Bien que les chapitres traitant des méthodes statistiques soient séparés du chapitre présent, il est nécessaire de garder à l’esprit que la formalisation et l’opérationnalisation de concepts sociologiques en vue d’une analyse quantitative consistent en un aller-retour permanent entre méthodes et concepts.

1.1 Parcours de vie

1.1.1 Théorie

Le premier des principes du paradigme du parcours de vie que nous avons évo- qué plus haut, celui de l’insertion des parcours de vie individuels dans des moments socio-historiques, consiste à considérer l’effet majeur que produit sur le déroulement de sa vie le contexte socio-historique dans lequel naît et grandit l’individu. Dans le travail fondateur d’Elder (1999), celui-ci démontre par exemple les effets de la grande dépression des années 1930 sur le parcours de vie des individus nés ou ayant grandi durant cette période. Ces individus, qui sont liés entre eux par le hasard de leur année de naissance indépendamment de leur origine sociale, forment une cohorte qui a subi les effets de ce contexte socio-historique. Le concept de cohorte se distingue de celui de génération par le caractère arbitraire du regroupement d’individus. Une génération est supposée avoir une conscience d’elle-même et d’un destin commun, à l’instar de la classe sociale (Chauvel, 2002). La cohorte ne pré- suppose pas, quant à elle, un tel sentiment d’appartenance et consiste uniquement en un groupe d’individus ayant vécu le même événement (naissance, mariage, di- vorce etc.) dans un laps de temps défini (année, décennie etc.). Dans le cas du travail d’Elder (1999), on parlera par conséquent de cohortes de naissance.

Le deuxième principe, celui de la temporalité des événements de vie, déclare qu’il est important de prendre en compte le moment auquel un événement se pro- duit dans une trajectoire de vie. En d’autres termes, un événement provoque des effets différents en fonction du moment où il se produit et selon sa position par rap- port à des événements antérieurs ou postérieurs. Cette temporalité des événements détermine en partie l’influence qu’un événement ou qu’une séquence d’événements peut avoir sur le déroulement futur d’une trajectoire de vie. La prise en compte des

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événements postérieurs peut également permettre une meilleure compréhension de l’occurrence d’un certain type d’événements. Pour illustrer ce principe, Sapin et al.

(2007) proposent un exemple concret : perdre son conjoint alors que les enfants sont en bas âge n’a, de toute évidence, pas le même impact que si la perte intervient alors que les enfants ont déjà quitté le foyer parental ; l’événement « perte d’un conjoint »change d’impact suivant les événements qui se sont produits auparavant.

Le moment absolu, par opposition au moment relatif aux événements, est égale- ment important ; dans le cadre d’une trajectoire de vie, la seule mesure absolue possible est l’âge. Ainsi, de manière absolue, le décès d’un parent durant l’enfance ou lorsqu’on est déjà adulte et indépendant n’a pas le même impact sur l’individu et sur sa trajectoire. Pour résumer le principe de la temporalité, le moment absolu d’un événement correspond à sa place dans une trajectoire en terme d’âge, tandis que le moment relatif met son occurrence en relation avec les autres événements qui l’entourent.

Le principe des vies liées met l’accent sur le fait qu’un parcours de vie individuel ne devrait pas être considéré de manière isolée. En effet, le parcours de vie d’un individu est toujours relié au parcours de vie des autres individus insérés dans son réseau de relations interpersonnelles. Ce principe met ainsi en évidence l’influence que peut avoir par exemple la trajectoire des parents sur celles des enfants, la trajectoire du mari sur celle de la femme ou, en dehors du réseau familial, celles des collègues, des relations amicales etc. L’insertion de l’individu dans un réseau de relations interpersonnelles implique donc la prise en compte des événements se produisant dans ce réseau en raison de leur influence probable sur le parcours de vie de l’individu.

Le dernier des principes évoqués plus haut, la capacité d’agir des individus, traduit l’idée que le parcours de vie n’est pas uniquement soumis aux contraintes imposées par les structures sociales et le contexte socio-historique, mais qu’il est également influencé par les actions décidées par l’individu ou ceux qui l’entourent.

Cette possibilité d’agir de l’individu est à mettre en relation avec la perception subjective que l’individu a de son propre parcours de vie et l’évaluation qu’il fait des différents événements qui le jalonnent. On peut ainsi opposer deux interpréta- tions d’un événement de vie. D’un côté, il existe une vision macro qui évalue si, au regard de la structure et des normes sociales, un événement peut être consi- déré comme une transition et, le cas échéant, comme une transition normative ou non-normative. D’un autre côté, les événements de vie sont également évalués par l’individu lui-même. Celui-ci attribuera un sens aux différents événements, et considérera peut-être certains événements comme desturning points, des moments décisifs de son parcours de vie (Hareven et Masaoka, 1988). Cette perception sub- jective, et par conséquent difficile à identifier, provoque des conséquences sur les choix ou les compromis opérés par l’individu. Les individus ne sont pas définis de manière statique par leur socialisation primaire, mais ils font face à des processus de socialisation secondaires qui s’opèrent tout au long du parcours de vie et qui sont associés aux transitions de vie et à l’hétérogénéité de leurs insertions sociales (Lahire, 2001).

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1.1.2 Analyse quantitative des parcours de vie

Comme nous l’avons vu jusqu’ici, le paradigme du parcours de vie implique une vision longitudinale de l’individu centrée sur les différentes trajectoires de vie.

Comme dans la plupart des domaines sociologiques, les méthodes empiriques qui sont mises en œuvre peuvent être classées dans deux catégories. Dans la première catégorie se trouvent les méthodes que l’on nomme « qualitatives » et qui utilisent comme matière première des entretiens individuels ou des récits de vie (Giele et Elder, 1998). La deuxième catégorie, celle qui nous intéresse plus particulièrement dans ce travail, contient les méthodes dites « quantitatives », utilisées pour analy- ser des données d’enquête par questionnaire ou des données administratives. Pour l’étude des parcours de vie, ces méthodes sont utilisées pour analyser des données longitudinales, un type de données particulier que nous évoquons maintenant plus en détails.

La matière première de toute analyse quantitative est l’information disponible sous la forme de données. Dans le cas des parcours de vie, les données nécessitent d’être longitudinales. Nous verrons plus loin dans cette section ce que sont des don- nées longitudinales et les formes qu’elles peuvent prendre. Si l’intérêt se porte sur les trajectoires individuelles, ces données nécessitent également d’être individuelles.

En général, lorsqu’on s’intéresse à une trajectoire de vie particulière, trois ques- tions se posent : ce que l’on mesure, comment on le mesure et comment on le représente. La première question revient à délimiter l’information qui sera repré- sentée par une trajectoire ; par exemple une trajectoire de cohabitation serait une partie du parcours de vie individuel qui ne concerne que les différentes personnes avec lesquelles un individu a cohabité au cours de sa vie. La deuxième question est celle de la manière de mesurer ce qui constitue réellement la trajectoire. Plusieurs possibilités sont envisageables ; on peut s’intéresser par exemple aux différentsétats dans lequel l’individu se trouvera à chaque moment de sa trajectoire. Mais on peut également s’intéresser à la trajectoire en terme d’événements : soit sous la forme d’un événement unique dont on va chercher à expliquer le risque qu’il se produise, soit sous la forme d’une séquence d’événements, dans laquelle on pourra chercher la récurrence de certains schémas. Enfin, on peut également avoir à disposition une caractéstique de l’individu soit quantitative, soit ordinale, et vouloir expliquer ou décrire son évolution avec le temps. Chacune de ces approches implique un type de méthode particulier.

Types de données d’enquête

Nous commencerons par la distinction la plus basique, celle qui sépare les don- néestransversaleset les donnéeslongitudinales. Etant donné que nous nous intéres- sons aux parcours de vie individuels, nous nous limitons au cas des micro-données, c’est-à-dire des données individuelles.

Les données transversales, en anglaiscross-sectional, sont des données récoltées à un moment précis et qui n’informent que sur la situation des individus à l’instant de la récolte. Il s’agit d’un type de données très courant car il ne requiert pas de suivi des individus, mais leur désavantage est évident : sans suivi des individus, on ne possède pas d’information sur leurs trajectoires de vie, et on reste limité dans les hypothèses auxquelles on peut répondre. En revanche, les enquêtes transversales

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peuvent se répéter, ce qui est par exemple le cas de l’Enquête suisse sur la santé.

On ne dispose toujours pas d’un suivi individuel, mais on peut distinguer les effets de période des effets d’âge ou de cohorte, ce qui ne serait pas possible avec une enquête transversale unique.

Pour illustrer la différence entre ces trois effets de période, d’âge et de cohorte, nous prendrons le travail de Chauvel (2002) qui propose une analyse comparée des cohortes de naissances successives du XXème siècle et l’impact de la récession éco- nomique survenue après les trente glorieuses. Ici, l’effet de cohorte, qui représente l’impact différent de la récession sur chaque cohorte, est bien distingué d’un effet de « période » qui agit, quant à lui, sur tous les individus au même moment, peu importe leur cohorte. Chauvel (2002) démontre ainsi que l’entrée dans la vie pro- fessionnelle durant la période de plein-emploi provoque une socialisation au monde du travail différente de l’entrée sur le marché du travail en période de crise. L’effet d’âge quant à lui représente l’évolution de l’impact de la crise au cours de la vie des individus.

Des données transversales, c’est-à-dire récoltées à un moment précis, pourraient permettre d’estimer un effet de cohorte simplement en comparant les différentes cohortes. Mais, avec des données transversales, rien ne permet de distinguer un effet de cohorte d’un effet d’âge étant donné que la cohorte de naissance est par définition liée à l’âge. L’effet de période, quant à lui, est tout simplement invéri- fiable puisque des données transversales ne donnent des informations que pour une seule période.

En sciences sociales, les données longitudinales proviennent généralement de deux types d’enquête : les enquêtes de panel ou les enquêtes rétrospectives. Les enquêtes par panel sont en général menées à intervalles réguliers, comme l’année, sur le même ensemble d’individus. Le même questionnaire est administré à chaque intervalle, ce qui permet d’avoir, en théorie, des trajectoires individuelles aussi longues que le nombre de fois que l’enquête est répétée. Dans la pratique, ce type d’enquêtes souffre beaucoup d’un phénomène d’attrition due à la fois à la diffi- culté de retrouver les individus qui déménagent ou qui migrent et à la difficulté de convaincre les répondants de se soumettre régulièrement au questionnaire.

Le deuxième type d’enquête est l’enquête rétrospective, dans laquelle on de- mande à chaque individu de retracer sa trajectoire depuis un point précis de sa vie, comme la naissance, jusqu’au moment de l’enquête. L’avantage indéniable de ces enquêtes est de mettre à disposition des trajectoires très complètes et à moindre coût, puisque le questionnaire n’est administré qu’une fois. On évite ainsi les pro- blèmes d’attrition ainsi que l’attente indispensable avant qu’une enquête par panel dispose d’assez de vagues pour analyser des parcours de vie. En revanche, les ques- tions rétrospectives se limitent à des trajectoires dont il est facile de se souvenir, telles que les trajectoires de cohabitation ou les trajectoires sentimentales ; obtenir certaines informations, comme le revenu ou l’état de santé à chaque âge, est sensi- blement plus difficile. Ces questionnaires se basent essentiellement sur la mémoire des répondants ; suivant leur âge au moment de l’administration du questionnaire, des problèmes de mémoire peuvent empêcher une récolte de données fiables. Notons également que si le problème de l’attrition ne se pose pas avec ce type d’enquête, celui du biais de sélection par rapport à la mortalité peut être problématique ; à un

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âge donné, le fait que certains individus soient encore vivants peut être le résultat d’un taux de mortalité différencié.

Les données longitudinales, sur lesquels se basent toute analyse quantitative des parcours de vie, peuvent être représentées sous de nombreuses formes suivant le type de méthode que l’on souhaite utiliser (Ritschard et al., 2009). Dans la suite de ce chapitre, nous décrivons les représentations les plus courantes des parcours de vie et les méthodes qui leur sont associées.

Séquences d’état

L’introduction des méthodes d’analyse de séquences comme l’optimal matching (Kruskal, 1983) en sciences sociales au début des années 80 (Abbott, 1983) a po- pularisé la représentation des trajectoires de vie comme des séquences d’états. Une séquence d’état est une représentation discrète d’une trajectoire à l’aide d’une suc- cession d’indicateurs catégoriels représentant l’état dans lequel se trouve l’individu à chaque unité de temps. Ainsi, une trajectoire d’activité professionnelle peut être représentée, pour chaque individu, par une variable par année qui indique l’activité de l’individu. La méthode d’optimal matching est ensuite utilisée, en conjonction avec une méthode de classification non-supervisée, pour regrouper les séquences individuelles les plus proches et ainsi créer des typologies. De nombreux travaux portant sur les trajectoires professionnelles (Abbott et Hrycak, 1990; McVicar et Anyadike-Danes, 2002), familiales (Elzinga et Liefbroer, 2007; Widmer et al., 2003;

Müller et al., 2008; Widmer et al., 2009; Widmer et Ritschard, 2009) ou encore de mobilité (Stovel et Bolan, 2004) ont été produits ces dernières années. Dans la plupart des cas, ces articles établissent des typologies de trajectoires, puis évaluent la probabilité d’être dans un des types ainsi formés en fonction de plusieurs facteurs explicatifs. Le travail de Müller et al. (2011) s’intéresse quant à lui à l’impact sur la santé mentale en fonction du type de trajectoire de cohabitation, d’activités et de relations sentimentales dans un échantillon de personnes avec des troubles psy- chiatriques importants. Ce type de méthode a comme atout principal de proposer une vision globale du parcours de vie, en s’intéressant à toute une série d’états caractérisant les trajectoires plutôt qu’en se focalisant sur un événement unique.

De plus, les outils récents d’analyse de séquences, comme TraMineR (Gabadinho et al., 2009), permettent désormais d’utiliser d’autres méthodes comme les analyses de variance ou les arbres de séquences (Studer et al., 2009, 2010).

Séquences d’événements

Comme nous l’avons déjà évoqué, la trajectoire de vie d’un individu est ponctuée d’événements ; nous nous intéresserons plus loin à la définition exacte d’un événe- ment dans le cadre des parcours de vie. Une trajectoire de vie peut être représentée par une succession d’états ; mais elle peut également être représentée par une suite d’événements, ce qui présente quelques avantages. Le premier avantage est celui de la concision par rapport à une séquence d’états : si chaque passage d’un état à un autre est considéré comme un événement, qui serait dans ce cas particulier une transition, il suffit alors de dater chaque transition pour représenter l’intégralité de l’information présente dans la séquence d’états. Un autre avantage est la pos- sibilité de mélanger des événements appartenant à différentes trajectoires, ce qui

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est difficile avec les séquences d’états étant donné qu’il faut définir un état pour chaque combinaison d’événements. Les méthodes utilisées pour traiter les séquences d’événements sont principalement issues du domaine de la fouille de données (data mining) (Müller et al., 2010a). Il s’agit des méthodes de fouille de motifs séquentiels fréquents (Agrawal et Srikant, 1995; Mannila et al., 1997), à partir desquelles une méthode d’extraction de règles d’association séquentielles a été développée (Müller et al., 2010b) : cette méthode sera détaillée puis appliquée à des données réelles dans les chapitres suivants. L’avantage de cette méthode, dans une perspective d’accumulation d’effets, est qu’elle permet d’identifier des accumulations en terme d’événements. Autrement dit, il est possible d’évaluer à quel point le risque de subir un événement est modifié par les événements qui se sont déjà produits : il s’agit ainsi d’une manière d’opérationnaliser le principe de temporalité dans les parcours de vie. Les modèles théoriques que cette méthode opérationnalise sont exposés dans la suite de ce chapitre

Mesures répétées

Il est possible d’utiliser des modèles de régression longitudinaux lorsque la tra- jectoire est définie par une suite de valeurs numériques. Souvent utilisé par exemple en psychologie, ce type de modèles peut prendre des noms différents suivant le do- maine d’application. Ces méthodes consistent à expliquer une variable dépendante numérique observée de manière répétée. On s’intéresse en particulier à l’effet de variables indépendantes sur le niveau moyen de la variable dépendante ainsi que sur son évolution à travers le temps. Contrairement à l’analyse de séquences, ce type de méthodes n’est pas pénalisé par la présence de données fortement non- balancées ; c’est le cas par exemple des données de panel, dans lesquelles certains individus peuvent être interrogés à des âges très différents. Un autre avantage de cette méthode est qu’elle permet également, moyennant l’utilisation de logiciels spécialisés, d’estimer des modèles dont la variable dépendante est ordinale plutôt que numérique. Cet ensemble de méthodes est particulièrement adapté à l’iden- tification de processus d’accumulation car elles permettent d’estimer les modèles théoriques qui seront exposés plus loin dans ce chapitre. Le chapitre 5 sera quant à lui consacré exclusivement à une présentation techniques des modèles de régression longitudinaux.

1.1.3 Opérationnalisation de la temporalité

Les principes du parcours de vie sont faciles à décrire théoriquement, mais posent des questions méthodologiques importantes lorsque l’on cherche à les opé- rationnaliser. Comme nous l’avons évoqué plus haut, toute analyse des parcours de vie qui veut éviter de tomber dans l’écueil de la confusion des effets d’âge, de cohorte et de période tout en prenant en compte la dynamique temporelle des par- cours de vie se doit d’utiliser des données longitudinales et des méthodes adaptées.

Le principe de l’importance du contexte socio-historique de socialisation est tradi- tionnellement opérationnalisé par la description d’un effet de cohorte (Elder, 1999).

Le principe de temporalité, quant à lui, est souvent testé par les méthodes d’ana- lyse de séquences d’état telles que l’optimal matching. Une approche plus récente

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consiste à proposer une approche du parcours de vie comme une séquence d’évé- nements et d’utiliser des méthodes issues de la fouille de données (data mining) pour les analyser. Etant donné l’importance que revêt la notion d’événements asso- ciée au principe de temporalité dans le paradigme du parcours de vie, nous axerons notre discussion sur la définition des événements de vie et sur les différents modèles théoriques de la temporalité dans les séquences d’événements.

Définir les événements de vie

Pour définir les événements de vie, une première distinction peut être opérée entre des événements de vie que l’on pourrait qualifier d’« extraordinaires » et col- lectifs, tels que des catastrophes naturelles, des accidents de grande ampleur ou des guerres, et des événements plus ordinaires et individuels, comme le divorce de ses parents, la mort d’un conjoint ou la perte d’un emploi. On opère ici une distinction des plus basiques en fonction d’un premier critère objectif qui regroupe la rareté et la cible de l’événement. Dans le cadre de ce travail, nous nous intéresserons en particulier à des événements individuels et susceptibles d’être vécus par une partie conséquente de la population. Le fait que ces événements de vie soient considérés comme étant individuels n’exclut pas qu’ils puissent avoir une influence en dehors de l’individu concerné.

Parmi ces événements de vie individuels, il est encore possible de faire une dis- tinction entre deux grandes catégories : les événements normatifs et les événements non-normatifs. En premier lieu, les événements « normatifs » sont des événements attendus et structurés par les institutions (Sapin et al., 2007). Ils ont leur place dans une trajectoire de vie standardisée et sont des marqueurs des différentes périodes de transition qui jalonnent une vie.

Le départ du foyer parental est, par exemple, un événement considéré comme constitutif de la transition vers l’âge adulte. On considère ces événements comme

« normatifs » car leur non-occurrence, ou leur occurrence à un moment du par- cours de vie qui n’est plus adéquat, est considéré socialement comme un écart à la norme. Notons que ces normes ne sont pas figées mais historiquement et sociale- ment construites ; ainsi, avec l’allongement de la durée des études et les problèmes d’entrée sur le marché du travail, ce qui constituait la tranche d’âge normale pour quitter le foyer parental s’est sensiblement décalé dans le temps. De même, le fait même de quitter le foyer parental est propre à notre type de société mais ne consti- tue pas forcément un événement standard, et donc normatif, pour toute société.

L’événement non-normatif est un événement marquant d’une trajectoire de vie, mais qui ne fait pas partie du système structuré d’étapes et de transitions. Contrai- rement à l’événement normatif, et justement parce qu’il se situe en dehors de l’« at- tendu », ce type d’événement n’est pas forcément le marqueur d’une transition, dans le sens du passage d’un statut social à un autre, mais peut être un des éléments d’un

« tournant de vie » (turning point) (Wheaton et Gotlib, 1997). On peut prendre comme exemple de ce type d’événements les accidents ou les problèmes de santé touchant un proche, ou un licenciement.

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Choisir les événements de vie d’intérêt

Comme nous l’avons vu, même après une tentative de délimitation du concept d’événement de vie, il reste encore une grande dose d’interprétation personnelle dans le choix de ce qui peut être considéré par un individu comme un événement de vie notable ou non. La question de la sélection des événements de vie d’intérêt n’est pas triviale, et plusieurs solutions ont été proposées pour essayer d’y répondre.

Le premier outil pour la récolte de données concernant les événements de vie a vu le jour dans les travaux de Holmes et Rahe (1967). Cet outil consiste en une liste contenant 43 événements contenant des événements négatifs ainsi que positifs. Des événements positifs sont inclus car ils peuvent également nécessiter une réadapta- tion de l’individu après un changement important tel que la naissance d’un enfant.

C’est cette notion de réajustement après un événement significatif qui a donné le nom de social re-adjustement rating scale à cet outil. Comme on le constate, ce ne sont pas les individus qui définissent eux-même ce qu’ils considèrent comme des événements de vie, mais ils les choisissent parmi une liste pré-établie. Ce choix s’ex- plique par le fait que récolter des informations à partir de questions ouvertes sur les événements de vie, et ceci dans le but d’évaluer leur impact, se heurte au problème de la variabilité du ressenti de l’événement chez les individus (Brown, 1989). Il est en effet difficile d’uniformiser la notion d’événements de vie entre les individus, étant donné que chacun peut évaluer la sévérité et la signification émotionnelle d’un événement de manière différente.

Formalisation

La formalisation et l’opérationnalisation du concept de temporalité est relati- vement simple dès lors qu’on utilise un modèle statistique qui prend en compte l’aspect longitudinal des données. Suivant les méthodes utilisées, il est possible de tester le rôle du temps, c’est-à-dire du moment ou se produit l’événement, dans l’atténuation, ou l’aggravation, de l’impact. Nous resterons pour l’instant à un niveau purement conceptuel dans lequel nous formaliserons trois grands modèles théoriques de l’impact des événements sur une variable ou une trajectoire. Ces trois modèles théoriques ont été formalisés en épidémiologie (Ben-Shlomo et Kuh, 2002) et s’appliquent donc en particulier au domaine de la santé. Il est en revanche possible d’adapter ces modèles à une perspective sociologique ; on se rend alors compte qu’ils comportent de nombreuses similitudes avec des modèles théoriques développés indépendamment de l’épidémiologie. La particularité de l’épidémiologie est de se préoccuper principalement du rôle desexpositionsà des facteurs de risque sur l’occurrence d’une maladie. Dans une perspective sociologique, nous utiliserons plutôt ces modèles dans une perspective d’événements de vie dans les trajectoires individuelles. Ceci est parfaitement possible si l’on remplace le concept de facteurs de risque par celui d’événements de vie et que l’on choisit comme événement à expliquer quelque chose d’autre qu’une maladie. On est alors face à des modèles applicables à plusieurs problématiques de la sociologie des parcours de vie.

La temporalité dans le contexte d’un parcours de vie contenant des événements ordonnés pose plusieurs questions différentes. Premièrement, il y a , simplement, la question du moment du parcours auquel se produit l’événement. Deuxièmement, il y a la question de l’ordre entre les événements : on peut ainsi s’intéresser à l’ordre

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entre différentes transitions vers l’âge adulte comme le départ de chez les parents, le premier emploi, le premier mariage etc., et essayer d’identifier les individus qui sortent de ce schéma normatif pour certaines cohortes. Finalement, la question de l’enchaînement des événements est peut-être la plus complexe à traiter : quels sont les événements ou les séquences d’événements qui augmentent significativement le risque qu’un autre événement se produise, en comparaison avec ceux qui n’ont pas subi ces événements « prédicteurs ». C’est notamment à cette question que répond l’algorithme de recherche de règles d’association entre événement que nous présentons dans le chapitre trois.

L’accumulation de risques

Dans ce modèle, le risque qu’une maladie se déclare est augmenté par chaque exposition à un facteur de risque. Comme nous l’évoquions plus haut, il est parfai- tement raisonnable de transposer ce modèle à la sociologie des parcours de vie en remplaçantmaladie etfacteurs de risqueparévénements. Ainsi, ce modèle postule que l’occurrence de chaque événement, A, B et C, ajoute un risque supplémen- taire qu’un événement « cible », l’événement D, se produise (Figure 1.1, à gauche).

Pour prendre un exemple concret, le risque qu’un étudiant arrête des études uni- versitaires peut être dû à l’accumulation de plusieurs événements : un conflit, une rupture sentimentale, des problèmes familiaux etc. Dans ce modèle, on ne spéci- fie pas de relations entre ces événements contribuant aux facteurs de risque. En revanche, Ben-Shlomo et Kuh (2002) proposent une variante dans laquelle les évé- nements contributeurs ont une cause commune (Figure 1.1, à droite) ; dans le cas précédent, on pourrait imaginer que la cause commune serait l’apparition d’une maladie psychiatrique comme un trouble du comportement qui rendrait difficile les relations avec autrui.

A B C

D

A B C

D E

temps temps

Figure1.1 – Modèle d’accumulation de risques, deux variantes

Le terme d’accumulation de risques prend ici une autre signification que dans l’accumulation d’avantages ou de désavantages. L’accent n’est pas mis dans ce modèle sur un processus temporel qui se traduirait par une suite d’événements, mais plutôt sur l’accumulation de risques dissociés les uns des autres du point de vue de la temporalité.

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L’enchaînement de risques

Le modèle de l’enchaînement de risques est similaire au modèle précédent dans sa spécification d’une relation entre l’exposition à des facteurs de risque au cours de la vie et l’apparition d’un événement. La différence réside surtout dans le fait que, dans ce modèle, chaque exposition, ou événement, est en fait un facteur de risque pour l’apparition d’un autre événement (d’où la notion d’ « enchaînement » de risque). Pour ce modèle également, deux variantes existent (Kuh et Ben-Shlomo, 2004). Dans la première variante (Fig. 1.2, en haut), les événements s’enchaînent jusqu’à l’occurrence de l’événement final, mais en dehors de l’avant-dernier évé- nement, aucun événement n’augmente directement le risque de l’événement final.

La deuxième variante relâche cette contrainte, et propose que chaque événement influence l’événement suivant, en plus d’influencer directement le risque que l’évé- nement final se produise (Fig. 1.2, en bas).

A B C D

A B C D

temps

Figure 1.2 – Modèle d’enchaînement de risques, deux variantes

Le passage de la notion d’exposition à des facteurs de risque au concept d’évé- nements de vie permet de voir que l’approche de type parcours de vie en épidémio- logie, même si elle est déconnectée de la sociologie des parcours de vie en terme d’articles cités et de collaborations, en est finalement très proche et se pose les mêmes questions.

Les périodes critiques

Le modèle des périodes critiques (Kuh et Ben-Shlomo, 2004) se centre plus par- ticulièrement sur la question de la temporalité en terme de moment d’occurrence durant la trajectoire. Il y aurait ainsi certaines périodes critiques dans une trajec- toire, qui correspondraient à des moments propices pour un effet plus grand d’un événement. En terme de santé, par exemple pour les épidémiologues, la période de gestation de la mère est une période critique pour la santé future de l’enfant.

Il en est de même pour certaines périodes du développement psychologique et la future santé mentale. Le même principe peut être transposé aux trajectoires de formation ou de travail qui comportent un certain nombre de périodes critiques.

On peut penser par exemple aux effets fortement négatifs que peut entraîner une maladie grave ou un accident lors d’une année de scolarité importante ou à certains moments critiques d’une carrière professionnelle.

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1.2 Matthew effect et effets cumulés

Nous nous sommes intéressés jusqu’ici au concept d’événements et de tempo- ralité dans le parcours de vie ; nous passons maintenant au concept de l’accumu- lation d’avantages ou de désavantages. Une des questions principales à laquelle peut répondre l’analyse de données longitudinales est celle d’une certaine systé- matique dans les processus qui influencent le déroulement des trajectoires de vie.

En d’autres termes, on cherche à identifier quels facteurs ont une influence sur les trajectoires, et à travers quel type de processus cette influence s’exerce. L’inverse est également vrai : on peut évaluer à quel point un type de trajectoire de vie peut avoir une influence sur un facteur, comme le niveau d’éducation ou le type de structure familiale.

1.2.1 Conceptualisation des processus d’accumulation

Dans ce travail, nous nous intéressons en particulier à des processus d’accumu- lation d’avantages ou de désavantages au cours de la vie en tant que générateurs d’inégalité croissante entre les individus avec l’âge. La description de ce type de processus dans le cadre de la sociologie remonte sans doute aux travaux de Merton sur leMatthew Effect. CeMatthew effect1est évoqué pour la première fois par Mer- ton (1968) dans une analyse de la production scientifique. Merton met en évidence le fait que ce sont les auteurs les plus réputés qui gagnent le plus de reconnais- sance lorsque leur nom figure sur un article collectif au détriment des auteurs les moins connus (Merton, 1968, 1988). Cet « effet Matthieu » est un processus social, puisqu’il s’appuie sur la reconnaissance des pairs, qui pousse à l’accroissement des inégalités entre scientifiques. Avec le temps, de plus en plus de renommée est ac- cordé à celui qui en a déjà, tandis que les co-auteurs n’en accumulent pas. L’écart se creuse ainsi et produit quelques carrières ascensionnelles, les « étoiles montantes » du domaine, pour beaucoup de carrières « stagnantes ».

Ce processus social d’accroissement des inégalités avec le temps a ensuite été réutilisé par Dannefer (1987) comme outil conceptuel pour comprendre les pro- cessus de différentiation qui s’opèrent à l’intérieur des cohortes de naissance, par opposition aux analyses qui s’intéressent aux différences statiques entre cohortes de naissance. Cette différentiation, Dannefer la désigne par le terme d’hétérogénéi- sation (Dannefer, 2003, 2009) : il observe en effet que la variabilité d’une caracté- ristique individuelle augmente à l’intérieur d’une cohorte avec le vieillissement des individus. Ces caractéristiques peuvent concerner par exemple l’état de santé (Ross et Wu, 1996), le statut social ou la situation économique (O’Rand et Henretta, 1999). L’interrogation principale est alors : comment expliquer cette hétérogénéité croissante avec l’âge ?

Dannefer propose une conceptualisation du vieillissement qui prend en compte les processus sociaux à l’oeuvre dans cet accroissement de la variabilité et qu’il nomme l’accumulation d’avantages et de désavantages, ou plus simplement les ef- fets cumulés. L’âge est donc en partie conceptualisé comme le résultat de processus

1. Merton l’a nommé ainsi en raison des paroles de Jésus rapportées dans l’évangile selon Matthieu : « Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas, on ôtera même ce qu’il a. » (Matthieu, 25 :29)

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sociaux de différentiation et d’hétérogénéisation, en plus des mécanismes biolo- giques du vieillissement physique. Dannefer (2003, p.327) définit le concept d’effets cumulés comme : « la tendance systémique à la divergence interindividuelle d’une caractéristique donnée (par exemple le revenu, la santé ou le statut) au cours du temps2». Dans cette définition sont contenus les deux principes fondamentaux de ce concept.

Le principe de la tendance systémique postule que la divergence n’est pas qu’une simple extrapolation au cours du temps des caractéristiques individuelles d’origine mais qu’elle est le résultat de l’interaction de processus complexes. Il s’agit donc de dépasser une explication de cette hétérogénéité croissante par un seul processus biologique d’accentuation des différences interindividuelles et de tenter de mettre en évidence le rôle que jouent les processus sociaux. Le deuxième principe est contenu dans le terme de divergence interindividuelle. Ceci implique que les effets cumulés ne peuvent pas être considérés qu’au niveau d’un individu mais qu’ils sont propres à des groupes, comme par exemple une cohorte, à l’intérieur desquels les individus peuvent être comparés (Dannefer, 2003, p.327).

Le concept d’effets cumulés s’intègre aisément dans le paradigme du parcours de vie en raison de l’importance qu’il accorde à l’idée de temporalité, aux événe- ments de vie et, de manière plus générale, à la notion de trajectoire de vie. Les quatre principes décrits plus haut sur lesquels repose le paradigme du parcours de vie s’intègrent ainsi particulièrement bien à ceux sur lesquels repose le concept d’effets cumulés. Prendre en compte le contexte socio-historique de l’individu ou de la cohorte d’intérêt, c’est accorder aux événements de vie directement liés à des mouvements sociaux, des guerres ou des crises économiques un rôle à jouer dans un processus d’effets cumulés. Ainsi, on peut considérer qu’il existe par exemple un désavantage de base en termes de santé pour les enfants nés durant un conflit armé, en raison du rationnement et du stress infligés aux parents et aux enfants.

L’introduction du concept d’effets cumulés permet alors de faire l’hypothèse qu’en plus de ce désavantage de base, une accumulation d’effets négatifs va faire croître l’inégalité initiale au cours de la vie. Ainsi, l’inégalité de base en termes de santé peut provoquer, à moyen et à long terme, toute une série de problèmes médicaux liés à ce déficit de base. La trajectoire de santé ne serait évidemment pas la seule à être influencée ; il faudrait également prendre en compte les trajectoires liées à la formation et à l’emploi. Pour ces trajectoires également, l’inégalité de départ, par exemple en termes d’éducation ou de formation, peut provoquer une série de désavantage qui fera croître cette inégalité à travers le temps.

La temporalité joue également sans conteste un rôle dans l’importance d’un événement dans un parcours de vie tout comme dans les processus d’accumulation d’effets. Pour reprendre l’exemple du décès du conjoint évoqué plus haut, le moment de la vie où advient cet événement est un facteur important dans le déroulement futur du parcours de vie en raison justement de l’accumulation d’avantages ou de désavantages qui peut en découler. Un exemple peut-être plus parlant est celui du décès d’un parent ; dans ce cas de figure, la temporalité joue un rôle majeur dans l’influence que peut avoir cet événement sur la trajectoire future de l’individu. La perte d’un ou des deux parents durant des périodes critiques du parcours de vie de l’enfant fera certainement plus de dégâts à long terme que si elle se produit lorsque

2. Traduction personnelle

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