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Suivre et mesurer la variabilité du climat pour tenter d’anticiper le phénomène

1.3 Les causalités des feux de forêt articulées dans les échelles spatiales et temporelles

1.3.2 Suivre et mesurer la variabilité du climat pour tenter d’anticiper le phénomène

Les conditions climatiques déterminent les périodes d'intensification des saisons de feux, c'est-à-dire les périodes où un pic d'activité est observé. Ces pics d'activités coïncident dans la plupart des cas avec la (les) saison(s) sèche(s). Selon le type de climat, les feux de forêt (et de broussailles) sont surtout concentrés pendant les mois d'été comme en région méditerranéenne, ou pendant l’hiver (climat tempéré) et le printemps.

Les variables climatiques sont donc étudiées pour évaluer les dangers d’incendies. Elles sont depuis plusieurs années implémentées dans les indices météorologiques d’incendies. De tels indices sont construits pour faire le lien entre la variabilité observée du climat et le comportement potentiel des feux. Pour ce faire, les chercheurs produisent des indicateurs numériques ou qualitatifs tirés de la combinaison de variables météorologiques. Selon les versions, les indices sont par exemple spécifiques à la caractérisation du potentiel d’éclosion, en se concentrant sur les éléments les plus fins de la végétation qui sont les plus enclins à être initialement enflammés au début d’un feu. D'autres cherchent à modéliser l'influence des variables météorologiques sur le comportement potentiel d’un feu.

Dans les indices les plus complexes, la recherche a abouti à la définition de systèmes d'évaluation composés de sous modèles. Dès lors, ils sont à même de fournir des estimations tant sur l'occurrence probable de feux que sur leur comportement potentiel. En Europe, il n'y a pas d'approche uniforme pour l'évaluation du danger d’incendies lié à l’état de l’atmosphère (plusieurs projets européens ont cet objectif). Plusieurs méthodes, souvent bien différentes les unes des autres (nombre, nature et poids des variables prises en compte et méthode de calcul), ont été développées dans les pays méditerranéens. Une revue détaillée de ces indices peut être trouvée dans les travaux d’A.Camia (Camia, 1999).

Les conditions météorologiques et la sécheresse de la végétation ont des relations complexes qui dépendent non seulement du statut passé et présent des variables météorologiques, mais aussi du type de la végétation et de sa structure (continuité horizontale et verticale). En outre, elles dépendent des caractéristiques de la topographie et des propriétés physiques des sols du territoire étudié. La topographie agit principalement sur trois facteurs clefs dans la propagation des feux : les conditions atmosphériques, la végétation et le comportement de feu. Trois variables topographiques participent au développement de feux. Il s’agit de l’altitude, de la pente et de l’orientation.

L'altitude conditionne d’abord assez fortement les conditions atmosphériques (pluviométrie, température, humidité). Ainsi, les altitudes les plus hautes impliquent une diminution dans la température et une augmentation des pluies, ces deux facteurs déterminant l’humidité de l’air et des plantes. De fait, l'altitude agit aussi sur le développement de la végétation dont la densité tend à décroître à mesure que l’altitude augmente. L’altitude est donc un indicateur intéressant, mais qui implique néanmoins trop de causalités différentes pour être suffisant. Ce propos s’appuie sur les travaux d’une équipe de l’UMR ESPACE20 qui indique que

« l’altitude est un facteur d’ordre implicite, car elle influe sur la fréquentation, les conditions biogéographiques et climatiques ou les pratiques agricoles. Elle est prise en compte au travers d’autres facteurs » (Césari et al., 2004, p. 24).

Ensuite, L’orientation conditionne l’ensoleillement et l’exposition au vent des parcelles. Elle détermine pour une grande part la variabilité du stress hydrique de la végétation. Les parcelles exposées au Sud subissent des températures moyennes plus élevées que les autres, et donc conservent généralement moins l’eau. L’humidité ambiante et celle des plantes y sont donc inférieures. En raison de cette sensibilité plus accrue à la sécheresse, la biomasse tend à y être plus réduite. L’orientation conditionne l’exposition des parcelles au vent. Or, surtout dans le Sud-est de la France, le vent joue un rôle majeur dans la propagation du feu en apportant les flux conséquents d’air nécessaires au processus de combustion (Figure 17). Il participe aussi sur une échelle de temps plus longue à la prédisposition du substrat à l’éclosion du feu et à sa propagation. « Une plus grande exposition au vent est un facteur aggravant du feu. Par ailleurs,

le vent est un facteur de dessèchement de la végétation, favorisant un état de stress hydrique »

(Césari et al., 2004, p. 24).

Enfin, le rôle de la pente semble nul en ce qui concerne la répartition des feux dans l’espace (Césari et al., 2004). A l’inverse, il est prépondérant dans la propagation du feu. Le gradient de pente est ainsi directement proportionnel à l’intensité du front de flamme et à sa vitesse (McArthur, 1967). En effet, une pente forte induit une plus grande proximité entre les flammes et la ligne de séchage21, ce qui augmente le transfert thermique puisque le préchauffage de la végétation est plus rapide. Le feu est ainsi accéléré (Figure 18).

20 Césari V. ; Durieux L. ; Prosper-Laget V., Cartes de risque d’éclosion de feux : méthodologie et application à la

zone PAREFEU, Rapport final du projet PAREFEU, juin 2004, 65p.

21 La ligne de séchage est la ligne virtuelle où le rayonnement d’une flamme se confronte à la végétation. Cette ligne

Figure 17. Répartition de l’énergie produite par le feu et celle utilisée pour sa propagation Structurellement, la pente accélère également la vitesse de vent. En général, on considère que la vitesse de propagation est multipliée par deux sur une pente de 10 degrés par rapport à un terrain plat, et par quatre sur une pente de 20 degrés (McArthur, 1967). A l’inverse, la vitesse de propagation est significativement réduite lorsque le front de feu avance à contre-pente. En 1990, D. Icona a proposé un tableau synthétique (Figure 18) pour rendre plus intelligible la causalité existante entre la pente la vitesse du feu.

Pente en feu (%) Prochaine pente (%) Facteur multiplicatif

0 0 1.0 0 10 2.2 0 30 3.0 0 60 6.0 10 0 0.5 10 10 1.0 10 30 1.4 10 60 3.0 60 0 0.2 60 10 0.5 60 30 1.0 60 60 7.0 Source : Icona, 1990

Figure 18. Influence de la pente sur la vélocité du feu

L’interaction entre le relief et le vent régule en quelque sorte la propagation du phénomène. Cette causalité est largement intégrée dans les modèles prédictifs du comportement de feux.

Les causalités, au sens scientifique du terme c'est-à-dire reproductibles, sont donc d’ordres mécanique et climatique. Elles s’articulent dans les échelles spatiales et temporelles. Elles sont étroitement liées les unes aux autres, mais cette articulation des interactions, qui est en outre scalaire, rend le phénomène localement très variable.

Ces causalités physiques sont un champ de recherche très prolifique, car elles peuvent être reproduites. Les causalités humaines de l’éclosion ne sont pas du même ordre, bien qu’elles soient une porte d’entrée possible pour la compréhension du problème auquel se confrontent quotidiennement les sociétés méditerranéennes. C’est donc seulement par le prisme des corrélations statistiques qu’il est possible d’envisager le poids des structures spatiales anthropiques sur l’activité incendiaire. Cela étant, rappelons que la corrélation n’est pas synonyme de causalité et qu’ainsi le déterminisme au sens statistique (comme l’illustre un fort coefficient de détermination) peut ne pas induire des prévisions physiques robustes.