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Les causalités sous-jacentes à la propagation des feux de forêt

1.3 Les causalités des feux de forêt articulées dans les échelles spatiales et temporelles

1.3.1 Les causalités sous-jacentes à la propagation des feux de forêt

Les causalités mécaniques qui agissent dans la propagation du phénomène sont le champ de recherche privilégié des physiciens et des climatologues. Les physiciens s’intéressent depuis une cinquantaine d’années aux feux de forêt, principalement en Australie (McArthur, 1966) et aux États-Unis (Byram, 1959). Trois grandes phases de réflexions se sont succédé : l’approche statistique, l’approche empirique qui domine encore largement les travaux validés sur le terrain (Drouet, 1976), et enfin plus récemment une approche plus physique (Porterie, 2000). La modélisation physique cherche des solutions mathématiques pour les mécanismes complexes impliqués dans la propagation de feu. Cette approche physique peut être issue d’une démarche théorique. Une formulation théorique capable d'une réponse directe, pratique et vraiment prophétique de la variabilité de comportement de feu est encore à venir (Alexander et al. 1998). Elle dépendra de la nature, de la finesse et de la quantité de données à disposition (peuvent-elles être toutes aisément acquises dans le monde réel ?). Cette formulation est aussi très gourmande en calcul, sa réalisation dépend ainsi de la disponibilité de ressources informatiques très puissantes qui dépasse les capacités actuelles de nos ordinateurs. Par conséquent, la modélisation du feu à vocation opérationnelle est actuellement limitée aux modèles semi-empiriques ou empiriques.

Les modèles empiriques sont construits par la mise en corrélation des caractéristiques de feux observés (en laboratoire et sur des feux expérimentaux) avec des variables facilement mesurables qui décrivent l'environnement du site (biomasse, conditions météorologiques, topographie). Les relations observées sont ensuite soumises à la connaissance théorique déjà acquise pour d’une part les valider (ou les invalider) et d’autre part faire évoluer les modèles théoriques. Les modèles empiriques ne devraient pas être extrapolés au-delà de la gamme des données utilisées pour leur développement (et donc à une autre échelle que celle de la parcelle et de l’heure). Cependant, cette règle logique est rarement respectée parce qu’« il est plus judicieux

d’utiliser un modèle pauvre qu'aucun modèle du tout » (Morvan et al., 2004, p. 3). Ce n'est pas la

faiblesse unique des modèles empiriques puisque les facteurs exogènes ne peuvent pas être contrôlés dans l’espace (contrairement à une expérience en laboratoire). En effet, il est difficile de savoir si la corrélation observée entre des variables est naturelle (c'est-à-dire robuste) ou circonstancielle (Cheneyet al., 1993). Sur le terrain, les causalités qui interagissent proviennent d’échelles beaucoup plus petites (au sens géographique donc plus globales) et il est très difficile localement de faire la part des choses.

D’autre part, la non-linéarité des interactions entre les variables perturbe la lisibilité de ces règles déterministes. La non-linéarité des interactions entre des éléments de nature variable (physique, climat, Homme) limite fortement les prétentions prédictives entretenues par certains chercheurs. Enoncée d’une façon plus triviale, « la non-linéarité signifie que le fait de jouer

modifie les règles du jeu : l’importance du frottement dépend du palet qui, à son tour, dépend du frottement » (Gleick, 1989). Néanmoins, les modèles empiriques ont tendance à être plus

performants que les modèles semi-physiques (Rothermel, 1972) car ils sont construits à partir d’observations de terrain. Un modèle empirique peut être vu comme une rapide (et intrinsèquement incomplète) réponse au problème spécifique de la prédiction du comportement du feu.

Des solutions plus fondamentales sont en cours de validation en France (Porterie,

200511), mais, pour l'instant, l’intérêt le plus apparent d'une approche physique est sa

contribution à la compréhension des mécanismes fondamentaux agissant dans la propagation des feux, aidant ainsi la conception expérimentale et l'interprétation des essais sur le terrain (Burrows, 1994). L'analyse statistique du comportement des feux en Europe comprend deux types d'équations basées sur les données de terrain : les descriptions simples de la propagation d’un feu (Perez et Valette, 1995 ; Carrega et Napoli, 1998) et des modèles dont les relations fonctionnelles sont soutenues par le raisonnement physique chaque fois que c’est possible. Dans l’ensemble, la motivation principale de la modélisation empirique du comportement des feux en Europe est d’acquérir une capacité directe de prévision (à court terme) avec des variables facilement mesurables en utilisant des équations qui reflètent les conditions réalistes et qui produisent des évaluations les plus robustes possible (qui minimisent la part d’incertitude). Une des limites fondamentales de la démarche empirique est que la très grande majorité des expérimentations qui servent de références sont conduites de l'Automne au Printemps (pour des raisons évidentes de sécurité). Ceci implique que l'application des modèles résultants est intrinsèquement limitée puisqu’ils répondent à des situations modérément dangereuses. Sur le terrain en été, les utilisateurs doivent garder en tête que l’estimation du modèle est souvent sous représentative du comportement du feu auquel ils font face.

11 B. Porterie, N. Zekri, J.P. Clerc, J.C. Loraud, Un réseau de Petit Monde local à sites pondérés pour les feux de

Les multiples causalités physiques s’inscrivent simultanément dans plusieurs échelles qui vont de la parcelle à la planète. Les causalités physiques progressivement établies s’emboîtent ainsi dans les échelles. Localement, elles permettent de comprendre la prédisposition à la combustion de certaines plantes (liée à la capacité de stockage de l’eau), de comprendre la relation entre l’humidité d’une plante et son inflammabilité, entre la morphologie d’un végétal et sa combustion (liée à la quantité d’éléments fins, moyens, grossiers qui le composent) (Trabaud, 1989). Un schéma synthétique du phénomène incendiaire est proposé ci-après.

À méso-échelle, la causalité mécanique fait écho à la relation entre la masse du combustible et la puissance du feu, entre la topographie d’une parcelle et sa vélocité, mais aussi à l’importance des turbulences aérologiques qui orientent la propagation. Elle concerne également certains phénomènes climatiques comme le foehn que P. Carrega illustre dans son article sur le feu de Cagnes-sur-mer d’août 2003 : « L’écoulement du flux général d’altitude

étant perturbé par le relief des Préalpes de Grasse et les reliefs du Haut Var, il en résulte un foehn d’ouest à ouest-sud-ouest drainant dans sa subsidence de l’air d’altitude pauvre en vapeur d’eau se réchauffant par compression » (Carrega, 2005, p. 4). Le foehn conditionne donc

localement l’orientation et la vélocité du feu. Sa mesure comme d’autres causalités assez bien établies permet une certaine anticipation sur le comportement des incendies. À ces niveaux, les modèles (semi-empiriques) sont assez robustes pour permettre une projection dans le temps de quelques heures. On peut dire d’un modèle qu’il est robuste lorsque la part d’incertitude (les causalités non établies) est suffisamment faible pour que ses effets sur les résultats espérés soient minimes.

A une échelle globale, la variabilité du climat conditionne fortement le phénomène feu. Il s’agit alors d’étudier les « phénomènes mécaniques liés à la météorologie (sécheresse,

température et vent) » (Chevrou, 1995, p. 34). Le climat et ses variations chronologiques

affectent autant son éclosion que son comportement en influençant principalement la vitesse des vents (ainsi que son orientation générale) et la variation du taux d'humidité de la végétation (ce sont les deux variables explicatives les plus centrales). Le stress hydrique du substrat végétal est fortement corrélé à son inflammabilité et à sa combustibilité et par conséquent tend à expliquer la répétition et le comportement du feu (Viegas et al., 1991). Le vent joue un rôle clef très largement admis pendant la propagation de front de flamme (Rothermel, 1972). L’anticyclone, lorsqu’il s’installe, s’établit sur une large part du bassin méditerranéen. Les vents, eux aussi, agissent à des échelles au moins régionales. Il faut faire une distinction nécessaire entre les vents issus des situations météorologiques (foehn, Mistral, etc.) et les vents locaux produits par la combustion. Pour l’aérologie, il y a donc une structuration spatiale et chronologique en échelles évidente.

Le phénomène El Niño influence globalement la récurrence et l’intensité des feux (la France est peu concernée par ce phénomène). C’est une anomalie climatique qui se produit presque tous les trois ans, lorsque les alizés, qui soufflent d’est en ouest sur le Pacifique, perdent de leur vigueur et forment une énorme masse d’air chaude.

Cette masse, de la taille des États-Unis, habituellement bloquée par les vents près de l’Indonésie, s’échappe vers les côtes du Pérou, puis repart en sens inverse. Ce mouvement est une des phases d’un système de fluctuation du climat appelé ENSO (El Niño Southern

Oscillation) qui serait responsable des dérèglements climatiques sur toute la planète en 1997-

1998. Ces fluctuations climatiques ont provoqué de grands changements dans la direction des vents, entraînant des courants d'air plus violents : les feux de forêt sont donc plus fréquents et se propagent rapidement (USA, Australie, Indonésie). La durée d'El Niño est en général d’environ 18 mois. Ce délai passé, les eaux froides se propagent vers l’ouest. C’est alors la fin du phénomène qui peut être suivi de son inverse, la Niña. De juillet à septembre 1997, l’Indonésie a connue une série de feux extrêmes, conséquences d’un phénomène El Niño très intense. De Sumatra à Java sans oublier Bornéo, Sulawesi ou Irian Jaya, un incendie gigantesque a ravagé en septembre 1997 près de 800 000 hectares de végétation.

Source : National Centers for Environmental Prediction, (US)

Figure 12. Diagramme des températures anormales des surfaces océaniques [ºC] observées en décembre 1997 lors du phénomène El Niño

Les différentes causalités peuvent également se distinguer les unes des autres par la durée de leurs effets. Ces causalités éphémères, mais très répétitives sont principalement d’ordre mécanique. C’est par exemple le cas du mégot de cigarette qui déclenche un feu, qui est certes d’origine humaine, mais dont l’action relève aussi d’un acte mécanique. C’est aussi le cas des transferts de chaleur (le rayonnement) qui est à la base de la mécanique de propagation. Les turbulences aérologiques s’inscrivent à l’échelle de la parcelle et sont naturellement fluctuantes. Elles perturbent fortement la lisibilité de la direction générale d’un front de feu. Les effets des précipitations sont également immédiats sur l’inflammabilité des plantes. Ils s’étalent aussi plus durablement dans le temps. C’est ainsi que l’on peut vérifier leur portée sur les plantes plusieurs jours après les précipitations (en fonction de leur importance) avant qu’elles ne retrouvent leur stress hydrique initial.

A l’image des précipitations, d’autres causalités agissent de quelques heures à quelques jours. L’effet de foehn12 par exemple se déploie sur quelques heures, principalement en fin de journée, en conditionnant fortement la propagation du feu (Carrega et Napoli, 2002 ; Carrega, 2005). Les flux de population sont très fluctuants à l’échelle de la journée et se concentrent sur quelques créneaux horaires particuliers (en début et en fin de journée). Les vents, lorsqu’ils se mettent en place, le font non seulement à une échelle au moins régionale, mais souvent sur plusieurs jours. Les épisodes venteux en Provence peuvent ainsi s’installer à l’échelle de la semaine (voire deux semaines).

Ces causalités que l’on peut qualifier de persistantes sont surtout d’ordre climatique. Cette persistance temporelle des causalités peut également s’intégrer dans des échelles beaucoup plus larges. La saisonnalité méditerranéenne influence fortement la quantité mensuelle de feux que l’on peut enregistrer (Figure 13).

Figure 13. Un pourcentage de feux par mois en PACA entre 1973 et 2006 conforme à la définition de climat méditerranéen

Cette persistance à long terme des causalités concerne aussi des processus lents, comme l’étalement urbain en périphérie des massifs forestiers, qui sont observables sur quelques années et vraiment mesurables sur une décennie, voire sur plusieurs selon les territoires. Un autre processus lent est la repousse végétale qui est continue dans le temps, mais invisible à un instant

t. Elle est fondamentale puisque son intensité conditionne la répétitivité pluri annuelle du feu.

En outre, les écosystèmes méditerranéens actuels résultent pour la plupart des activités humaines (Barberoet al., 1990).

12 C

ARREGA P. 2003. Le risque d’incendie en forêt méditerranéenne semi-urbanisée : le feu de Cagnes-sur-Mer (31 août 2003), L’Espace Géographique, 4, pp. 305-314

CARREGA P.,NAPOLI A. 2002. Climat, Fœhns et incendies de forêts, Publications de l'Association Internationale de Climatologie, Vol. 14, pp. 35-43. 0 5 10 15 20 25

janv. févr. mars avr. mai juin juil. août sept. oct. nov. déc.

Périodes sèches

Ces perturbations récurrentes, en particulier les incendies, conduisent à la persistance et à l’extension de stades arbustifs très stables dans le temps (Trabaud et Lepart, 1980). Les espèces végétales sont également en perpétuelle évolution. Cette évolution, conditionnée par les changements climatiques globaux, est ,elle aussi, continue mais elle s’inscrit sur une temporalité bien plus longue (pluri décennale, voire centennale). Selon la capacité des essences forestières à s’adapter aux nouvelles conditions climatiques, le réchauffement de la planète pourrait modifier le panorama forestier mondial (selon la FAO soit l’Organisation des Nations Unies pour

l'alimentation et l'agriculture). L’aire de répartition de toute espèce végétale dépend en grande

partie des régimes de température et de précipitations, de sorte que le changement climatique a de grandes chances d'entraîner une nouvelle distribution des essences forestières. Ces dernières tendent à se déplacer vers les plus hautes latitudes et altitudes en raison du réchauffement de la planète (Andrasko, 1990). Dans ce contexte, les habitats des arbres dans l’hémisphère nord peuvent s’étendre à 100 km plus au nord, tandis que leurs frontières méridionales pourraient bouger d’un même ordre de grandeur pour chaque degré dépassant les températures régionales actuelles. Par ailleurs, la modification du champ pluviométrique entraîne une intensification de la sécheresse dans les espaces déjà secs et dans le même temps une intensification de l’humidité là ou la pluviométrie est déjà importante.

L'une des rares prédictions qui semblent certaines sur l'effet du réchauffement du globe est que « le changement climatique régional aura un impact considérable sur les incendies des

espaces naturels, et l'envergure de la réaction sera plus ou moins proportionnelle (avec un

coefficient 2) à l'ampleur du changement » (Main, 1987, p. 126)13. La causalité entre la

variabilité du phénomène (son intensité et sa récurrence) et les changements climatiques est donc probable mais difficilement analysable en raison de la faible mémoire que l’on a des feux (34 ans pour nous). Les techniques de dendrochronologie peuvent palier dans une certaine mesure à cette étroitesse mnésique.

13

Main A..Climatic change and its impact on nature conservation in Australia. In G. Pearlman, éd. Greenhouse: planning for climate change. Sydney, Australie, CSIRO, 1987

C’est ainsi qu’après des années d’étroites collaborations, des archéologues suédois et des paléo-écologues de Montpellier14 viennent de montrer que, contrairement aux idées reçues, le climat a davantage d’impact sur la dynamique des feux de forêt que les pratiques humaines15. C’est ce qu’ils ont constaté sur une période de 10 000 ans couvrant le Mésolithique et le Néolithique dans le piedmont suédois de la chaîne scandinave, à hauteur du cercle polaire.

Les chercheurs franco-suédois ont démontré dans un article publié dans la revue internationale Ecology que la présence répétée, dense et durable de populations de chasseurs- cueilleurs n’a eu aucune conséquence sur la fréquence des incendies dans la forêt boréale, et que les changements de fréquence des feux seraient naturellement déterminés par des changements climatiques. L’analyse de charbons piégés dans les sédiments de trois lacs leur a permis de reconstituer la fréquence des feux dans cette zone durant les 10 derniers millénaires depuis le retrait glaciaire et de la comparer avec l’occupation humaine des lieux. La comparaison des données paléo-écologiques et des données de l’archéologie régionale soulignait donc une indépendance chronologique entre la fréquence des feux et les occupations humaines. Cette homogénéité du régime des incendies suggère une absence de processus locaux, moteur du déclenchement et de la propagation des feux. Elle démontre en revanche l’importance des mécanismes de contrôle régionaux, voire supra-régionaux, des incendies.

Le transfert à la région méditerranéenne contemporaine est tentant. Cela suppose d’envisager de la même façon l’interaction des chasseurs-cueilleurs du Néolithique avec leur environnement et celle des sociétés modernes. Cela est sûrement discutable, car on peut supposer un effet de seuil au dessus d’une certaine densité humaine et un effet de la technicité de nos sociétés qui offrent peut-être plus de possibilités de mise à feu. La question mérite néanmoins d’être posée puisque si avec une faible mémoire des feux, le rôle de l’homme semble évident, il serait bon de nuancer cette situation à l’échelle du millénaire. Or, dès les périodes glaciaires, des feux se sont propagés dans les régions méditerranéennes avec ou sans présence humaine. Le réchauffement climatique post-glaciaire a accru la fréquence, la sévérité et les surfaces des feux naturels dans un cadre supportable par les écosystèmes (Carcaillet et al., 2007).

14

Centre de Bio-Archéologie et d’Écologie (UMR 5059 CNRS-UM2-EPHE) 15

Carcaillet C., Bergman I., Delorme S., Hörnberg G. & Zackrisson O.: Long-term fire frequency not linked to prehistoric occupations in northern Swedish boreal forest. Ecology, 88(2), 2007, pp. 465-477

Dans l’étude au sein de la forêt boréale, les chercheurs ont montré que même si les chasseurs-cueilleurs du Mésolithique et du Néolithique ou les éleveurs des périodes plus récentes auraient pu déclencher (accidentellement ou volontairement) des incendies de végétation, les conditions de propagation étaient, au départ, naturellement réunies (biomasse et climat). Les communautés humaines qui se sont succédé n’ont objectivement pas modifié les régimes de feux. Si le nombre de feux semble lié au mode d’occupation des sols, les surfaces brûlées paraissent, sur le long terme en tout cas, fortement conditionnées par les variations climatiques et donc celles du combustible. Sur des périodes plus courtes, cette corrélation semble également valide. A ce sujet, des chercheurs américains16 ont récemment compilé une base de données de grands feux de forêt occidentaux récents aux États-Unis depuis 1970 et l'ont comparée aux données de climat de la région. Leurs résultats montrent une grande activité incendiaire accrue dans les années 80 avec des saisons de feux de forêt plus longues et un nombre accru d’événements. Les chercheurs ont trouvé que les grands feux se sont produits environ quatre fois plus souvent pendant la période 1987-2003 que pendant la période 1970-1986.

Figure 14 Variations corrélées de la température moyenne et du nombre de grands feux de forêt dans l’Ouest des

Etats-Unis

Ainsi, « l'augmentation des grands feux de forêt semble être la conséquence d'une chaîne de réactions liées au réchauffement climatique » (Cayan et al., 2006). Une telle conclusion à partir d’une fenêtre temporelle si courte semble un peu hâtive. Plus raisonnablement, ils démontrent que la variation de la température moyenne de la période de mars à octobre (période de croissance végétale dans l’ouest des États-Unis) est fortement corrélée (R² = 0,76) à la fréquence des grands feux de forêt (Figure 14). Cependant, on peut légitimement se poser la question des déterminants : la croissance de la température augmente-t-elle celle des plantes, diminue-t’elle leur niveau d’humidité, celui de l’atmosphère et celui des sols ? Il faudrait une régression multiple sur des données valables pour s’en assurer (ce qui n’existe pas encore à notre connaissance).

16 Scripps Institution of Oceanography et University of California, San Diego

Déjà, nous ne sommes plus dans la causalité au sens mécanique, mais dans la corrélation statistique. Comme le souligne Henri Atlan17, les méthodes probabilistes et statistiques ne sont pas des substituts à la connaissance des mécanismes et des lois causales qui produisent les phénomènes. Il indique ainsi que « le possible que quantifie le calcul des probabilités n’est pas

le même que le possible singulier de l’événement unique » (Note prise par J.H. Dobois lors d’un

séminaire d’Henri Atlan).

En d’autres termes, corrélation ne veut pas dire causalité. Ce n’est pas la corrélation qui établit la relation de causalité. Un test statistique ne permet en général que d’éliminer une hypothèse non significative, avec une certaine probabilité quand le test est négatif. Mais un test positif ne permet pas d’affirmer une hypothèse, il permet seulement de ne pas l’éliminer. La corrélation entre la variabilité climatique et l’intensité des manifestations des incendies peut venir étayer les mécanismes physiques établis. Mais dans le cas des feux américains, la généralisation spatio-temporelle (les États unis sur 30 ans) d’une causalité connue à grande échelle spatiale (au sens géographique donc très localement) et mesurable sur une fenêtre temporelle très courte (la minute) implique une marge d’erreur de 25 %. La corrélation à 75 % de validité permet seulement de ne pas exclure un lien entre la température estivale et les feux.