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Intérêts et contraintes de l’utilisation d’un quadrillage comme support d’analyse

1.2 Un besoin de construire une mémoire sur les feux : la base Prométhée

1.2.4 Intérêts et contraintes de l’utilisation d’un quadrillage comme support d’analyse

Du point de vue analytique, l’utilisation d’un quadrillage géométrique (ici le maillage DFCI) présente une série d’avantages notables par rapport à un maillage par unités administratives.

L’intérêt est tout d’abord méthodologique, car la base de données est déjà recensée à cette résolution pour la très grande majorité des feux (1981 à 2006). Cet aspect pratique est non négligeable puisque hormis un travail minime de conversion des coordonnées géographiques de certains feux (1973 à 1980), il existe une adéquation entre le recensement des données et l’échelle à laquelle elles sont analysées.

L’information est en outre uniformément échantillonnée dans l’espace, ce qui évite le recours à une donnée relative pour rendre comparables les unités spatiales entre elles. Avec une information recensée au niveau communal par exemple, la comparaison de chiffres bruts serait contrainte par les différences de superficie entre les communes. L’utilisation de la densité de feux par km² d’espace communal ou par km² de forêt serait ainsi indispensable pour commenter les résultats.

Cette adéquation nous donne aussi la possibilité d’éviter les conséquences trop importantes de l’agrégation de l’information. Si un lissage des données existe toujours dans le choix d’une résolution, cet effet est d’autant plus grand que la résolution est large. Or, le niveau communal présente l’inconvénient d’agréger des « réalités » de terrain parfois très disparates qui impliquent des logiques totalement différentes en ce qui concerne les incendies de forêt. Une même commune a ainsi plusieurs visages (centres-villes, périphéries urbaines, forêt, plan d’eau, espaces agricoles, etc.) qui n’impliquent pas du tout les mêmes conditions d’éclosion et de propagation du phénomène. Même si cette « réalité » est également faussée par l’utilisation d’un carroyage comme support d’analyse, il s’en rapproche par sa relative finesse (2 km x 2 km) et par l’étendue du terrain d’étude (des Pyrénées-Orientales aux Alpes-Maritimes, et de la Corse à l’Ardèche). Aussi, l’agrégation de l’information, en plus d’être limitée par le carroyage, est surtout équivalente pour chaque maille, et ce, pour l’ensemble de la zone d’étude. L’intérêt principal d’un quadrillage est alors de figer les effets contraignants de l’agrégation de l’information. Il rend l’analyse plus objective en permettant de limiter un des biais inhérents à une analyse spatiale. L’utilisation d’un carroyage présente néanmoins quelques contraintes qu’il convient de présenter. Le maillage DFCI induit d’abord un fort morcellement des données sur les feux.

En effet, parce que le maillage est relativement fin et que l’on souhaite également discrétiser la base annuellement, l’effectif de feux par maille se retrouve souvent très limité. L’échantillonnage de l’information est ainsi extrême en comparaison avec une échelle communale qui présente l’avantage de pouvoir analyser chaque unité administrative avec un nombre conséquent d’individus statistiques. En outre, dans une recherche de corrélation statistique entre la répartition des feux et l’agencement du substrat, ce carroyage ne permet plus l’accès pratique aux informations communales, départementales et régionales distribuées par les grands organismes d’Etat. C’est le cas des données de l’INSEE sur les masses communales de population (et sur leur évolution). C’est aussi le cas pour les superficies boisées échantillonnées aux niveaux régionaux et départementaux par l’Institut Forestier National (IFN). En effet, si beaucoup de mailles sont complètement comprises dans les unités administratives, d’autres sont au contraire réparties sur les limites. Ceci nous oblige à reconstruire une information de l’occupation du sol à partir de CORINE Land Cover en mesurant, par exemple, les linéaires de routes et les surfaces occupées par chaque classe dans chaque maille de 2 km x 2 km.

Pour terminer cette présentation de la base Prométhée et du maillage DFCI, nous proposons une série de cartes portant sur l’émergence7 du phénomène entre 1973 et 2006. Ces quelques représentations graphiques de l’activité incendiaire historique dans le Sud-est de la France peuvent donner au lecteur une bonne idée de son hétérogénéité spatiale. La première carte (Figure 9) représente la fréquence des feux durant cette période. La base de données Prométhée a été synthétisée par maille DFCI de 4 km² (Figure 6 et Figure 8) pour donner une vision cartographique pertinente de la répartition spatiale du phénomène. En Corse, cette répartition se structure nettement autour des centres urbains, dans les arrières-pays anthropisés et le long des axes de communications qui les relient. La mise à feu est localement extrême puisqu’une zone de 4 km² a fait émerger près de 400 feux de forêt en 34 ans (proche périphérie d’Ajaccio). Sur le continent, la concentration locale des incendies est bien différente. D’abord, elle se porte au maximum sur ≈ 150 feux (jonction A7 / A8 à la hauteur de Septèmes-les-Vallons). Ensuite, la répartition spatiale est plus diffuse en raison probablement d’une anthropisation plus généralisée du territoire par les structures urbaines. Néanmoins, le littoral provençal et celui de la Côte d’Azur se distinguent du centre de la région par un net gradient Nord / Sud. Celui-ci correspond sans aucun doute à la concentration humaine du littoral qui répond à la même structuration spatiale.

7 Le terme d’émergence évoque la complexité du phénomène incendiaire qui sera étudiée dans ses dimensions

Il faut en outre distinguer l’importance des carrefours de communication entre les différents pôles urbains. L’espace végétal qui articule les agglomérations marseillaise, aixoise et celle de l’Étang-de-Berre est ainsi remarquable. Cet espace est très fortement occupé non seulement par les habitations, mais surtout par les zones de chalandise qui gravitent autour de zones commerciales comme celle de Plan-de-campagne. Les mouvements pendulaires y sont extrêmes et à ces derniers, s’associent les déplacements estivaux vers le littoral. Dans l’espace maralpin (Alpes-Maritimes), l’émergence des feux de forêt est surtout centrée dans l’arrière-pays niçois (Vence, Colomars) et sur les hauteurs de Cannes. On distingue pourtant un couloir continental d’éclosion de feux qui borde en son Nord l’axe autoroutier reliant le centre du Var au littoral maralpin (A8). On devine le rôle structurant de l’occupation humaine importante entre Draguignan, Cannes, Vence, Nice et Menton. Enfin, cette répartition maralpine du phénomène incendiaire semble correspondre parfaitement aux limites posées par le climat méditerranéen qui sont étroites vers Nice8. La structuration spatiale de l’émergence des feux de forêt apparaît donc

liée à la présence humaine massive dans un contexte climatique opportun. Le feu de forêt émerge ainsi des interactions spatiales entre l’Homme et la nature, faisant de ce phénomène un objet de recherche géographique tout à fait intéressant.

Pour donner une vision plus générale de l’espace méditerranéen français, la base de données Prométhée a également été synthétisée à une résolution départementale (Figure 10). Les données sont représentées sous forme de densités (sur la fréquence et les surfaces brûlées) pour rendre comparable des départements aux superficies bien différentes. En ce qui concerne la densité de feux, le Var et surtout les deux départements corses (Haute-Corse et Corse du Sud) se distinguent nettement. La concentration des feux y est bien supérieure qu’ailleurs, jusqu’à quatre fois si on les compare au Vaucluse, à l’Hérault ou encore à l’Aude. Ensuite, une continuité entre la vallée du Rhône et la Côte d'Azur semble apparaître malgré la résolution des données (départements). Enfin, si on considère uniquement la densité de surface brûlée depuis 1973, la Haute-Corse est nettement différenciable des autres départements9.

Pour continuer la description du phénomène, il convient désormais d’aborder les différentes causalités qui mènent à son émergence et à sa diffusion spatiale. Ces mécanismes non linéaires sont articulés dans une large gamme d’échelles spatiales et temporelles ce qui, on le verra, complique sérieusement les ambitions prévisionnistes que d’aucun souhaiterait avoir.

8 Vence se situe ainsi à la limite du climat méditerranéen.

9 Pour être plus précis dans notre raisonnement, il faudrait en réalité relativiser les surfaces brûlées effectives par

1.3 Les causalités des feux de forêt articulées dans les échelles spatiales et