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6.4 Travail réel de l’infirmière

6.4.4.4 Suivi ponctuel

Il est pertinent de relever qu’une trentaine de suivis ponctuels ont été listés dans la collecte de données, soit les entretiens et les périodes d’observation. Ces suivis ont été amorcés par les différents professionnels impliqués dans le parcours de clientèle MA- TNCM. Le plus souvent, il s’agit d’intervenants du CLSC qui communiquent avec l’infirmière. Il arrive aussi que la demande de proches amène ce type de suivi. Divers sujets font l’objet de suivis ponctuels. Un proche peut par exemple appeler l’infirmière par rapport à des inquiétudes sur les SCPD ou sur la conduite automobile de la personne atteinte. Les intervenants du CLSC peuvent joindre l’infirmière de GMF pour l’informer d’une détérioration de la situation à domicile d’une personne atteinte ou pour proposer l’introduction d’une nouvelle approche ou d’une nouvelle médication. Une infirmière énonce un exemple clair de suivi ponctuel :

Quand l’infirmière du CLSC est allée au domicile du patient au mois de juillet, elle m’a appelée tout de suite après en me disant que ce client avait vraiment des besoins, que c’était insalubre chez lui et qu’il faudrait peut-être le rencontrer. (Participante A)

Précisons qu’il arrive régulièrement que ces suivis nécessitent plusieurs démarches de la part de l’infirmière. Ainsi, les suivis ponctuels occupent une place importante dans la pratique auprès de la clientèle MA-TNCM des infirmières participantes.

6.4.5 Coordination des ressources

Dans tous les parcours analysés et observés, les infirmières participantes ont agi à titre de responsables de la continuité et de la coordination des soins et services. L’évaluation des besoins de ressources est effectuée systématiquement par toutes les

participantes, et ce, dès les premiers contacts avec la clientèle MA-TNCM. Pour ce faire, les infirmières ont dressé un portrait des ressources déjà en place et ont recueilli diverses informations telles que le degré d’autonomie de la personne atteinte, le degré d’implication de l’aidant et la présence de SCPD. Elles ont par la suite discuté avec la clientèle des ressources disponibles appropriées à leur situation. Dans les entretiens et les périodes d’observation, aucune infirmière n’a utilisé une liste de ressources pour soutenir sa pratique. Le tableau 12 présente les références hors GMF effectuées par les infirmières lors de la collecte de données.

Tableau 12. Liste des références effectuées par les participantes

Références répertoriées lors de la collecte de données

- Demande au soutien à domicile (via une fiche de continuité remplie et faxée par l’infirmière) - Référence à la société d’Alzheimer de l’Estrie (le plus souvent via le formulaire de référence créé dans le cadre du Plan Alzheimer Estrie)

- Demande de répit pour le proche aidant (via l’intervenant du CLSC impliqué au dossier)

- Demande d’évaluation de la part d’une infirmière de première ligne spécialiste en SCPD (via l’intervenant du CLSC impliqué au dossier)

- Référence à la Coopérative de services à domicile de l'Estrie pour de l’aide à l’entretien ménager - Référence à la popote roulante pour la préparation de repas

- Référence à l’organisme « le réseau d’amis de Sherbrooke » pour de l’accompagnement lors de rendez-vous

- Référence à la police de Sherbrooke pour l’installation d’un bracelet de sécurité

- Demande d’évaluation par une nutritionniste (via l’intervenant du CLSC impliqué au dossier) - Référence au pharmacien communautaire pour introduire le système de gestion des médicaments DISPILL

Les infirmières interrogées ont réalisé un suivi de la plupart des références effectuées en GMF. À cet effet, elles ont questionné la clientèle sur la mise en place des différents services. Elles ont également consulté les notes informatisées du CLSC dans le RSIPA25 et les notes médicales de la clinique de mémoire dans Omnimed. Une infirmière discute de cet aspect :

Comme il [la personne atteinte] a été référé à la clinique de mémoire, je l’ai laissé dans mes patients à suivre. J’ai regardé environ chaque mois dans Omnimed pour voir s’il avait été vu par un médecin de la clinique. (Participante E)

25 RSIPA est l’acronyme de : « Réseau de services intégrés pour les personnes adultes ». Ces réseaux de services permettent l’accès au dossier informatisé dans les GMF intra-muros seulement.

De plus, durant la collecte de données, les infirmières ont quelquefois appelé les intervenants du CLSC afin d’assurer le suivi optimal des références. Ces différentes démarches ont parfois demandé un niveau considérable d’implication de la part des infirmières. En effet, elles ont dû faire parfois plusieurs appels pour retrouver les intervenants au dossier et bien comprendre la situation actuelle du dossier. D’autant plus que, en dehors du suivi des références, les participantes ont communiqué régulièrement avec les intervenants du CLSC, et ce, pour diverses raisons telles que la dégradation des fonctions cognitives, le besoin de relocalisation, le besoin d’informations complémentaires pour l’évaluation ou l’amorce d’une nouvelle molécule. Rappelons également que les appels de ces intervenants ont aussi engendré un nombre considérable de suivis ponctuels.

Dans un autre ordre d’idée, les infirmières ont fait le pont entre les différents professionnels du GMF. Outre leurs liens constants avec les médecins traitants, elles ont également mobilisé le pharmacien et le travailleur social de leur GMF. Ceux-ci ont répondu aux questions des infirmières et ont parfois été impliqués directement dans le dossier d’un patient. Par exemple, les participantes ont souvent fait appel au pharmacien du GMF pour lui demander d’effectuer la demande de médicament d’exception d’un client. Une des infirmières participantes en discute :

J’ai appelé la pharmacienne et je lui ai parlé de la nouvelle prescription et de la condition du patient. Quand il a des composantes cardiaques, c’est contre-indiqué ce médicament-là. On s’est donc dit qu’il faudrait attendre les résultats de l’ECG et de l’Holter avant de commencer la médication. J’ai envoyé une note au médecin pour lui expliquer et il était bien d’accord avec ça. (Participante D)

Quant aux travailleurs sociaux, ils ont accompagné les infirmières dans la gestion de divers problèmes comme le refus de traitement, la détresse par rapport à un diagnostic et la discussion sur la mise en place de mesures légales (mandat en cas d’inaptitude, procuration bancaire).

Les infirmières participantes agissent également à titre de référence pour la clientèle MA-TNCM. D’ailleurs, chacune d’entre elles a énoncé ce rôle à la clientèle dès la rencontre d’évaluation initiale :

Après mon évaluation, je donne toujours ma carte au proche et au patient, en disant que s’il y a quoi que ce soit, ils doivent m’appeler sans hésiter. (Participante A)

Finalement, la majorité des infirmières interrogées se sont organisées pour que la clientèle MA-TNCM ait un suivi de planifié afin d’assurer la continuité des soins. Pour ce faire, elles se sont assurées que les médecins répondent à leur évaluation et propose une conduite à tenir qui est claire. Pour ne pas oublier aucun client, elles ont utilisé différents systèmes personnalisés comme le fait de se laisser des notes sur leur bureau ou de se programmer des alertes sur leur ordinateur. Une des infirmières participantes discute de sa façon de faire :

Je peux voir si le médecin a lu mon courriel, alors s’il ne l’a pas lu, je peux le savoir et tenter de l’attraper entre deux rendez-vous. Comme ce matin, j’ai parlé avec le médecin d’un cas dont j’attendais son retour depuis deux semaines. (Participante F)

6.4.6 Raisonnement clinique

Rappelons d’abord que le RC devient manifeste lorsqu’un professionnel explicite les raisons qui l’ont amené à effectuer une intervention plutôt qu’une autre (Psiuk, 2012). Beaucoup de traces du raisonnement clinique des participantes ont émergé de la collecte de données. Les mots « hypothèse », « raisonnement », « réflexion » et « jugement » ont été employés à plusieurs reprises par les infirmières lors des entretiens. Le rôle déterminant du RC dans le déploiement de l’intervention a aussi été identifié par la majorité des infirmières lors des périodes d’observation. En effet, elles ont indiqué que les interventions avec la clientèle MA-TNCM demandent globalement un niveau de RC élevé. Une des infirmières participantes a clairement abordé cet aspect lors des entretiens :

Ce n’est vraiment pas comme les suivis de diabète où les glycémies et les laboratoires nous disent que la situation va bien. Avec cette clientèle-là, on ne peut pas se fier à des chiffres. Il faut être alerte pour comprendre la situation et intervenir correctement pour le patient. (Participante E)

Les infirmières participantes ont fait référence à plusieurs éléments qui influencent le déploiement de leur RC. Ces éléments sont le TIP, le contexte de la pratique infirmière et les éléments de la situation de travail tels que les particularités de la clientèle et du GMF. Les infirmières prennent donc en considération ces différents paramètres pour émettre des hypothèses et structurer leur action.