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Cette étude présente plusieurs forces. D’emblée, elle fournit des données empiriques sur un sujet qui est peu documenté, soit la pratique infirmière en GMF auprès de la clientèle MA-TNCM. Elle se démarque aussi par l’utilisation de son cadre de référence qui permet de décrire de façon méthodique et détaillée cette pratique. L’AEF n’est pas une approche qui est régulièrement utilisée pour analyser le travail des différents professionnels de la santé, son utilisation est toutefois clairement justifiée dans cette étude. Cette approche a par ailleurs permis d’émettre des pistes de solution pour faciliter le déploiement de la pratique infirmière dans un tel contexte. On a ainsi pu présenter plusieurs éléments descriptifs en y intégrant des éléments interprétatifs importants.

Une attention particulière a également été portée à la rigueur scientifique du processus de recherche, notamment sur le plan de la validité interne de l’étude. À cet effet, les périodes d’observation de la collecte de données ont été utilisées par l’étudiante- chercheuse pour valider et nuancer les propos obtenus lors des entretiens. On a ainsi évité les conclusions hâtives et maximisé la richesse des données obtenues. En ce sens, plusieurs conditions associées aux écarts nommées par les participantes lors des entretiens ont pu être rediscutées lors des périodes d’observation. L’analyse secondaire des entretiens de l’étude- mère (Vedel, Couturier et al., en cours), la triangulation des données par plusieurs sources de collectes et la confrontation des résultats obtenus avec l’étude de Vedel (Vedel et al., 2012) ont aussi permis d’assurer la validité interne de la présente étude. L’avis du directeur de maîtrise et de la collaboratrice, qui a été sollicité tout au long de la présente recherche, a aussi pu favoriser la description juste de la pratique infirmière dans un tel contexte.

Finalement, l’étudiante-chercheuse a pris soin de recueillir les informations portant sur le travail réel de l’infirmière en tentant de se distancer de toute subjectivité afin d’obtenir une représentation fidèle de ce travail. La confirmabilité de ces données était importante pour assurer la cohérence des comparaisons entre le travail attendu et le travail réel de l’infirmière. Pour ce faire, l’usage de l’entretien d’explicitation, qui est une technique d’entretien axée sur la description, a contribué à obtenir des données les plus objectives possible. De plus, la description détaillée des méthodes et procédures employées a permis de rendre compte de la confirmabilité des données obtenues.

7.5.2 Limites

Quelques limites demeurent. D’abord, il est clair que la complexité de la situation de travail ne permet pas de décrire exhaustivement l’ensemble des paramètres impliqués dans la pratique infirmière en GMF auprès de la clientèle MA-TNCM. Il est possible de présenter qu’une parcelle de la réalité de cette pratique. En tenant compte de cette évidence et du fait que les périodes d’observation ont été relativement courtes, on ne peut exclure la possibilité que des informations quelque peu importantes, au sujet de la pratique infirmière, nous aient échappées. L’utilisation du cadre de référence qui permet de décrire méthodiquement la pratique a cependant limité l’impact de ce constat. De plus, vu l’hétérogénéité de l’échantillon et son petit nombre, il est fort possible que la saturation des données ne soit pas pleinement atteinte dans cette étude. Toutefois, comme les infirmières interrogées effectuent cette pratique depuis plusieurs années, elles ont été en mesure de délivrer une quantité de détails importants à son propos. Rappelons que cette recherche exploratoire visait à établir une esquisse générale de la pratique infirmière dans le contexte du PAQ. De futures recherches seraient alors nécessaires pour en détailler des aspects plus spécifiques.

Il faut dire aussi que la façon d’utiliser l’AEF dans cette étude ne comportait pas que des avantages. On a par exemple choisi de se limiter au TIP écrit. En laissant de côté les attentes de la clientèle, les prescriptions verbales des responsables des GMF et les autres types de prescriptions, on a obtenu une vision qui n’est pas tout à fait complète du travail attendu de l’infirmière dans un tel contexte. On pourrait aussi apporter un bémol supplémentaire concernant la collecte de données elle-même, car en utilisant l’AEF, l’étudiante-chercheuse s’est intéressée davantage aux données descriptives qu’aux données interprétatives. Or, il aurait été intéressant d’approfondir les données interprétatives. On aurait pu par exemple effectuer un autre entretien avec les participantes, mais en étant cette fois focalisé sur les éléments qui pourraient expliquer les écarts rencontrés, notamment en recueillant l’avis des participantes par rapport à ceux-ci.

De plus, l’utilisation d’un concept complexe comme le raisonnement clinique nous a seulement permis de survoler superficiellement son implication dans la pratique infirmière auprès de la clientèle MA-TNCM en GMF. Les méthodes prévues pour explorer cet aspect n’étaient probablement pas suffisantes et nous croyons qu’il aurait été trop ambitieux de vouloir explorer plus en profondeur cet aspect. Il faut aussi dire que la

définition du RC proposée par Côté et St-Cyr Tribble (2012) est assez décontextualisées de la pratique clinique. Il aurait été pertinent d’analyser ce concept dans son contexte.

Dans un autre ordre d’idée, il est clair que la spécificité du milieu de recherche et le petit nombre de participants à l’étude limitent la transférabilité des résultats. D’autant plus que plusieurs auteurs soulignent la présence d’une variabilité parfois importante de la pratique infirmière d’un GMF à l’autre (D'Amour et al., 2009; Gauthier, 2008; Gosselin et al., 2016; OIIQ & FMOQ, 2005; Trahan et al., 2005). On pourrait quand même prétendre que si cette étude était répliquée dans un milieu avec des caractéristiques semblables, les résultats obtenus seraient globalement similaires à ceux de la présente étude avec quelques variations. Il faut aussi rappeler que la pratique infirmière n’est pas statique, car elle varie selon plusieurs paramètres qui sont continuellement en interaction les uns avec les autres et qui varient dans le temps. Il est donc nécessaire d’interpréter les résultats de la présente étude avec prudence. C’est d’ailleurs pourquoi il n’est pas envisageable d’émettre des recommandations générales et universelles à partir des résultats de l’étude.

Le statut d’infirmière de l’étudiante-chercheuse a peut-être engendré un certain biais de désirabilité sociale. Ce biais a tenté d’être réduit en insistant auprès des participantes sur le fait qu’il ne s’agit en aucun cas d’une évaluation, car ce sont eux les expertes de cette étude. De plus, l’usage de l’entretien d’explicitation qui a été appuyé par la description de vraies histoires de cas a permis de réduire cet impact.

Finalement, il est possible que le devis de recherche descriptive interprétative employé dans l’analyse des écarts rencontrés ait entrainé une certaine confusion dans la présentation des résultats. Il aurait été pertinent de séparer les hypothèses émises par l’étudiante-chercheuse des données issues des entretiens et des périodes d’observation.