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La compréhension des écarts entre le travail attendu et le travail réel de l’infirmière en GMF constitue la base d’une réflexion visant à déterminer les améliorations à mettre en place. Remémorons-nous avant tout qu’il est normal, dans une certaine mesure, d’observer des écarts entre ces deux pôles du travail. Ces écarts peuvent être en grande partie attribuables aux éléments incorrigibles abordés par Castang (2012) ainsi que par Brangier et Drouin (2013), soit qu’il est impossible de prescrire le travail dans tous ses détails et qu’il est toujours légèrement redéfini par l’infirmière au regard des particularités de chaque situation clinique. On sait aussi que le RC, qui fait partie intégrante de la pratique infirmière, explique une partie de ces variations inévitables.

On peut diviser en deux catégories distinctes les avenues de solution qui ont le potentiel de diminuer les écarts répertoriés : le TIP et les autres éléments de la situation de travail (le contexte). Selon l’approche employée dans cette étude, soit l’AEF, on doit avant tout s’assurer que le TIP est suffisamment précis pour orienter le travail réel et suffisamment flexible pour laisser place à l’unicité des situations de travail. En ce sens, il doit aussi tenir minimalement compte des exigences du travail réel. En d’autres mots, il doit s’arrimer le plus possible au contexte du travail réel de l’infirmière et non l’inverse. Toutefois, une fois que le TIP est optimal, on doit agir sur les autres éléments de la situation de travail qui entravent sa pleine réalisation (ex : le manque de connaissance, les problèmes au niveau de la collaboration interprofessionnelle ou le manque de communication). D’ailleurs, ce sont les conditions associées aux écarts répertoriés dans la présente étude qui permettront d’identifier ces éléments clés.

Selon la logique précédemment décrite, il faut dans un premier temps questionner la validité du TIP. Cette remise en question s’applique à chacune des prescriptions retrouvées

aux différentes étapes du cheminement de la clientèle MA-TNCM. Il est d’abord nécessaire de s’assurer que les prescriptions décrites sont facilement intelligibles. Il est important d’éviter toute ambiguïté, car lorsque la prescription est imprécise ou incomplète, l’infirmière la redéfinit automatiquement du mieux qu’il peut. L’utilisation de l’échelle GDS, qui n’est pas décrite de façon cohérence d’une prescription à l’autre, en est un bon exemple. Les prescriptions liées aux suivis initiaux souffrent aussi de plusieurs imprécisions. En effet, elles ne permettent pas de savoir à quel moment et de quelle manière l’infirmière devrait effectuer ces suivis. Les lacunes de ces prescriptions ont évidemment un effet sur la pratique infirmière réelle. En ce sens, on peut aussi affirmer que lorsque le TIP est bien déterminé, il agit comme un support important au déploiement du RC.

Ensuite, le TIP doit également tenir compte des contraintes propres à la situation de travail. En ce sens, il est clair qu’une prescription qui n’est pas adaptée aux réalités du travail de l’infirmière ne pourra pas être exécutée adéquatement par cette dernière. À titre d’exemple, on pourrait parler du fait qu’il est demandé aux infirmières d’intervenir en profondeur dans chacune des thématiques reliées au MA-TNCM lors des rencontres de suivi. Or, la durée restreinte des rencontres, la complexité des thématiques à aborder et le manque d’expérience de l’infirmière rendent la réalisation de cette prescription presque inatteignable. Dans cette situation, il serait probablement nécessaire d’ajuster soigneusement le TIP. À cet effet, on pourrait mieux cibler les interventions essentielles associées à ces thématiques afin de réduire et préciser le travail qui est attendu de la part des infirmières. De cette manière, on éviterait que la prescription soit grandement compromise par les éléments identifiés précédemment. De plus, une fois que le TIP du suivi sera mieux circonscrit, les infirmières pourront utiliser leur RC pour juger de l’application de la prescription et de son intensité beaucoup plus aisément. Bref, pour chaque prescription émise, il faut s’assurer que les différents éléments récurrents de la situation de travail comme la surcharge de travail des professionnels, le roulement du personnel infirmier, la disponibilité variable des médecins et le degré variable de l’expérience de l’infirmière soient bien pris en considération. Précisons par ailleurs qu’il est possible qu’une prescription soit pertinente dans un contexte donné et ne le soit plus dans un autre. Il se peut, par exemple, que l’on demande à l’infirmière d’effectuer du repérage actif dans un GMF et que, dans un autre établissement qui est surchargé sur le plan du

travail, elle doive se limiter aux plaintes émanant de la clientèle. Il est donc important de bien adapter le TIP à chaque milieu clinique.

Dans un deuxième temps, soit après avoir terminé l’analyse de la validité du TIP, il convient de se pencher sur les autres éléments de la situation de travail (le contexte) qui entravent la pleine réalisation du travail attendu. Comme mentionné plus haut, ces éléments seront identifiés à partir des conditions associées aux écarts qui ont été discutées dans les résultats de cette étude. On doit d’abord réaliser que ces conditions ne sont pas toutes facilement corrigibles, c’est-à-dire qu’il est aisé de modifier certaines d’entre elles alors que pour d’autres elles sont presque immuables. Il faudrait donc s’attarder particulièrement aux éléments de la situation de travail sur lesquels on peut intervenir efficacement, et ce, de façon réaliste. Par exemple, il est plus facile d’améliorer un espace de travail ou un niveau de collaboration interprofessionnel que d’agir sur le roulement du personnel infirmier ou sur la complexité des cas rencontrés. De manière générale, il existe plusieurs façons d’intervenir sur ces éléments afin d’améliorer la correspondance entre le travail attendu et le travail réel. D’ailleurs, il faut parfois user de créativité pour influencer la situation de travail. En effet, si parfois la seule mise en place d’une formation pourra affecter suffisamment la situation, d’autre fois, on devra combiner plusieurs éléments afin d’obtenir un impact significatif. Il n’existe donc pas de solution universelle et systématique pour réduire les écarts répertoriés surtout lorsque l’on considère le fait que chaque situation de travail est unique. C’est d’ailleurs pourquoi nous présentons dans cette discussion des pistes de réflexion plutôt que des recommandations formelles.

Malgré le caractère singulier de chaque situation de travail, plusieurs éléments sont essentiels afin que l’infirmière puisse exécuter adéquatement son travail attendu. En effet, selon Brangier et Drouin (2013) ainsi que Castang (2012), l’infirmière se doit de posséder les connaissances, les habiletés et les moyens nécessaires pour y parvenir. Il est donc primordial, pour chacune des prescriptions émises, de se demander si chacun de ces éléments s’y retrouve. Cette réflexion nous ramènera sans aucun doute à des éléments de la situation de travail qui avaient déjà été décrits lors de la collecte de données, par contre, elle permettra également d’identifier de nouveaux éléments. Au sujet des connaissances, on insiste sur le fait que l’infirmière ne doit pas seulement connaître la prescription, mais qu’elle doit aussi saisir l’ensemble des raisons qui sous-tendent son application. Cet aspect

est essentiel afin de lui permettre de déployer un RC adapté à chaque situation de travail. En effet, le manque de connaissances peut amener l’infirmière à réaliser des interventions inadéquates. Somme toute, l’infirmière doit être en mesure d’appliquer minutieusement le TIP tout en étant capable de l’ajuster adéquatement lorsque cela est nécessaire. De plus, on doit ultimement s’assurer que le TIP est diffusé adéquatement auprès des infirmières et des médecins des GMF. Cet aspect est primordial, car il est évidemment impossible pour les infirmières d’appliquer des prescriptions qui leur sont inconnues! On croit également que la diffusion du TIP auprès des médecins permettrait de favoriser la mise en place d’un travail de collaboration. En appui à cette présomption, on pourrait rappeler le fait que les médecins qui n’avaient pas assisté aux formations du PAQ ne demandaient pas la contribution de l’infirmière dans le suivi de la médication MA-TNCM.

En guise de conclusion pour cette section, nous présentons le tableau 14 qui présente une amorce de réflexion sur les éléments à ajuster à l’étape du repérage. Ce même exercice a été reproduit pour chacune des étapes du cheminement de la clientèle et est présenté à l’annexe N afin de ne pas trop alourdir le texte. Il est important d’insister sur le caractère exploratoire de cet exercice. Il ne s’agit en aucun cas de présentation de recommandations formelles, mais bien de pistes de solution possibles pour réduire les écarts répertoriés.

Tableau 14. Réflexions sur le repérage

Écart Réflexion : TIP Réflexion : autres éléments de la situation de travail R epér age Très peu de repérages ont été effectués par les infirmières participantes.

- Il faut se demander si on veut vraiment voir le nombre de repérages réalisé en GMF augmenter (volonté organisationnelle).

- Il faut se demander si le repérage actif comme il est prescrit tient compte de la surcharge de travail des professionnels en GMF.

- diffusion adéquate de ce TIP aux

infirmières (formations, message courriel, midi-conférence, …). - formation destinée aux infirmières pour les sensibiliser à l’importance du repérage précoce.

- promotion de la pratique infirmière MA-TNCM en GMF auprès de la population générale (avec des affiches dans la salle d’attente des GMF ou des brochures, …).

- accès à deux ou trois questions rapides pour effectuer le repérage actif de la clientèle jugée à risque. - Autres.

7.5 Forces et limites