Chapitre IV : Réalisation de biocapteurs et étude de la détection de l’ADN par effet de champ
IV.2. Détection de l’hybridation de l’ADN par effet de champ avec des nanostructures obtenues par une
IV.2.3. Suivi de la bio-fonctionnalisation
La bio-fonctionnalisation des puces obtenues par une technologie descendante a été réalisée avec le
protocole APTES. Les caractérisations par microscopie à fluorescence et par des mesures électriques sont
présentées dans les deux parties suivantes.
IV.2.3.1. Caractérisations par microscopie à fluorescence
Nous avons réalisé dans un premier temps des analyses par microscopie à fluorescence afin de valider le
procédé d’immobilisation de l’ADN. Pour cela, après l’étape d’hybridation avec l’ADN cible, les échantillons
ont tout d’abord été caractérisés, par microscopie d’épifluorescence. Par cette méthode de
caractérisation, l’observation d’un contraste de fluorescence permet de confirmer la présence des
fluorophores, et donc de l’ADN cible, en surface des échantillons. Pour identifier cette présence à
l’hybridation, il est nécessaire d’écarter l’hypothèse d’une simple adsorption. Pour cela, en observant les
zones où l’ADN sonde n’a pas été déposé (en dehors de la goutte), une absence de fluorescence permet
de garantir l’absence d’adsorption non spécifique. L’ADN sonde étant localisé au centre de l’échantillon
grâce au dépôt de goutte (IV.1.3.2 page 157), il est fondamental d’observer le bord de la goutte pour
confirmer l’hybridation et de fait le greffage. Un cliché de microscopie d’épifluorescence est présenté sur
la Figure IV-10 après hybridation avec l’ADN cible.
Figure IV-10 : Image par microscopie d’épifluorescence d’une puce après hybridation avec l’ADN cible
complémentaire (grossissement × 10). Le contraste de de fluorescence délimite clairement la zone où l’ADN
cible a été hybridé ainsi que la région où la goutte d’ADN sonde a été préalablement déposée.
Cette image illustre clairement la zone où l’ADN cible a été hybridé grâce au contraste de fluorescence. Ce
net contraste en forme de goutte permet de confirmer que l’ADN sonde a bien été greffé localement et
que l’hybridation s’est correctement déroulée. De plus, cette région bien délimitée confirme que le
phénomène d’adsorption non spécifique de l’ADN cible est limité ce qui témoigne donc de l’efficacité du
rinçage après l’étape d’hybridation. Toutefois, le faible grossissement (× 10) ne permet pas de visualiser
directement la fluorescence provenant des nanostructures. Par conséquent, nous avons aussi réalisé des
analyses, au moyen d’un microscope confocal, qui dispose d’un grossissement plus important jusqu’à ×
63 et d’une meilleure résolution. Les images obtenues sont présentées sur la Figure IV-11.
nanonets de silicium
166
Figure IV-11 : Image par microscopie confocale d’une puce après hybridation avec l’ADN cible complémentaire.
L’image (a) a été réalisée avec un grossissement × 63 tandis que les images (b), regroupant 3 nanostructures,
dispose d’un zoom supplémentaire de 3,5. Le rectangle blanc délimite la zone utilisée pour déterminer l’intensité
de fluorescence de référence.
Le contraste de fluorescence des différentes images de la Figure IV-11 montre que l’ADN cible est
correctement hybridé et que l’ADN sonde a bien été greffé sur tous les NRs (D, E, F, J, K, L, P, Q et R).
Cependant, la résolution spatiale du microscope confocal ne permet pas de visualiser la fluorescence en
provenance des NFs en raison de leur trop petite largeur (60 𝑛𝑚). Par ailleurs, afin de réaliser une analyse
comparative de l’intensité de fluorescence, nous avons normalisé l’intensité moyenne de chacun des NRs
les plus larges (F, L et R) avec l’intensité prise en dehors du dispositif dont la zone est indiquée sur la Figure
IV-11(b). Grâce à cette normalisation, une comparaison entre les différents rapports peut être envisagée
pour chaque NR. Ainsi, l’intensité normalisée de fluorescence évolue de 0,80 pour F à 0,60 pour L et enfin
0,38 pour R lorsque la longueur du canal passe de 6 𝜇𝑚 à 2 𝜇𝑚 puis 1 𝜇𝑚. Par conséquent, ceci signifie
que le taux de greffage et/ou d’hybridation est dépendant de la longueur du canal avec une efficacité
réduite par la diminution de la longueur.
Au premier abord, ce résultat parait surprenant puisque les nanostructures sont toutes recouvertes du
même diélectrique (oxyde d’hafnium) et devrait donc présenter une intensité de fluorescence
comparable. Toutefois, la géométrie est différente ce qui se traduit par une accessibilité à la surface
dépendante de la longueur du canal. En effet, comme expliqué auparavant (IV.2.1 page 161) et illustré sur
la Figure IV-7, les dispositifs sont encapsulés dans 400 𝑛𝑚 de SiO2 puis une petite fenêtre est ouverte
au-dessus des nanostructures pour permettre leur bio-fonctionnalisation localisée. Ainsi, la taille des fenêtres
diminue avec la longueur des nanostructures atteignant des dimensions (1 − 2 𝜇𝑚) pour lesquelles les
tensions de surface vont s’opposer à la pénétration des liquides jusqu’au fond des cavités, diminuant de
fait l’efficacité du greffage et de l’hybridation. Par conséquent, un moins bon greffage et/ou une moins
167
bonne hybridation se traduit alors par une intensité de fluorescence inférieure. Bien que non imagé, on
peut supposer que le même phénomène se retrouve pour les NFs.
En conclusion, bien que l’observation ne soit faite que pour les NRs, nous pouvons confirmer que le
procédé de bio-fonctionnalisation s’est correctement déroulé. Par ailleurs, il semble que le taux de
greffage et d’hybridation diminuent lorsque la longueur des nanostructures diminue. Nous allons à présent
nous intéresser à la détection de l’hybridation de l’ADN par effet de champ.
IV.2.3.2. Caractérisations électriques
Afin d’évaluer la sensibilité des transistors à chacune des étapes du procédé de fonctionnalisation, leurs
caractéristiques électriques ont été mesurées avant fonctionnalisation (0), puis après silanisation avec
l’APTES (1), greffage de l’ADN sonde (2) et après hybridation avec l’ADN cible complémentaire (3). Les
caractéristiques de transfert d’un transistor à NR (D) sont présentées sur la Figure IV-12(a) pour chacune
des étapes.
D’après la Figure IV-12(a), nous constatons qu’au cours de la bio-fonctionnalisation, les courbes 𝐼𝑑− 𝑉𝑔 se
décalent selon l’axe des abscisses tandis que leur allure (pente sous le seuil, courant On et Off) reste
globalement similaire. Ce résultat démontre qu’un couplage électrostatique par effet de champ a bien lieu
entre ce qui se passe à la surface du dispositif et le canal du transistor. Nous allons désormais nous
intéresser au sens du décalage de ces courbes ce qui permet d’en déduire la charge équivalente, positive
ou négative, des espèces ajoutées après chacune des étapes. Pour rappel, un décalage vers des tensions
de grilles positives est attendu lorsque des charges négatives sont immobilisées à la surface du transistor
car un potentiel de grille plus important est alors nécessaire pour contrebalancer les charges négatives.
Naturellement, un décalage négatif sera obtenu pour des charges positives.
Après silanisation (de (0) à (1)), nous observons un décalage de la courbe vers des tensions de grille
positives, puis un décalage négatif après greffage de l’ADN sonde (de (1) à (2)) et enfin de nouveau un
décalage positif après hybridation avec l’ADN cible complémentaire (de (2) à (3)). Toutes ces variations
sont en accord avec les travaux réalisés par Chu et al sur NF unique (Chu et al., 2013).
Selon leur étude, un décalage positif est observé lors de la silanisation avec l’APTES en raison du caractère
électronégatif des oxygènes situés juste au-dessus du canal. Le surprenant décalage négatif suite au
greffage de l’ADN (étant chargé négativement, le décalage devrait être positif) est quant à lui justifié par
le greffage du glutaraldéhyde qui intervient entre la silanisation et l’ADN sonde. En effet, grâce à une
mesure intermédiaire qu’ils ont réalisé après le greffage du glutaraldéhyde, ils ont montré que le
glutaraldéhyde induit un important décalage négatif, supérieur au décalage positif induit ensuite par le
greffage de l’ADN sonde. Il en résulte alors un décalage négatif pour l’ensemble des deux étapes
(glutaraldéhyde/ADN sonde). Enfin, suite à l’hybridation avec l’ADN cible complémentaire, un décalage
positif est observé en raison de la charge négative portée par chacun des 19 nucléotides. Ce résultat
montre donc clairement que les capteurs à effet de champ sont sensibles à l’hybridation de l’ADN cible. A
partir de ces observations, nous pouvons en déduire un schéma récapitulatif, illustré Figure IV-12(b), des
charges équivalentes apportées par les molécules ajoutées au cours de la bio-fonctionnalisation.
nanonets de silicium
168
Figure IV-12 : (a) Evolution des caractéristiques de transfert d’un NR (D) avant fonctionnalisation (0), après
silanisation (1), après greffage de l’ADN sonde (2) et après hybridation avec l’ADN cible complémentaire (3). La
tension de drain appliquée est de 0,1 𝑉. (b) Schéma récapitulatif des charges équivalentes portées par l’ajout de
molécules au cours de la bio-fonctionnalisation.
Par ailleurs, nous nous sommes intéressés à une possible réutilisation du biocapteur. Pour cela, nous avons
procédé, dans un premier temps, à la déshybridation de l’ADN cible complémentaire. Cette étape (4) a été
réalisée en immergeant les échantillons dans deux bains consécutifs d’EDI maintenus à 60°𝐶 pendant
5 𝑚𝑖𝑛. Cette température, légèrement au-dessus de la température de fusion de l’ADN (53°𝐶), permet de
séparer les brins d’ADN tout en assurant l’intégrité du silane et en limitant la possible hydrolyse des liaisons
siloxanes (Serre, 2014). Dans un second temps, une fois les échantillons caractérisés électriquement, nous
avons procédé à la réhybridation avec l’ADN cible complémentaire dans les mêmes conditions que
précédemment. Cette dernière correspond à l’étape notée (5). Suite à ces étapes supplémentaires, nous
avons reporté sur la Figure IV-13 la tension de seuil du précédent transistor à NR (D) à chacune des étapes
de bio-fonctionnalisation depuis l’étape d’avant la fonctionnalisation jusqu’à la réhybridation.
Pour les étapes (0) à (3), nous retrouvons les décalages observés précédemment : une augmentation de
(0) à (1), diminution de (1) à (2) et augmentation de (2) à (3). Ensuite, lors de la déshybridation ((3) à (4)),
nous observons une diminution de la tension de seuil ce qui est en accord avec un retrait des charges
négatives provenant de l’ADN cible. Enfin, les charges négatives apportées par l’ADN cible durant la
réhybridation rehausse logiquement la tension de seuil.
Ces variations obtenues après déshybridation puis réhybridation confirment, d’une part, que les
transistors à NR sont bien sensibles aux charges négatives apportées par l’ADN cible. D’autre part, cela
montre que les biocapteurs pourraient être éventuellement réutilisés. Cependant, il est important de
remarquer que la tension de seuil après déshybridation est inférieure à celle obtenue après greffage de
l’ADN sonde (Figure IV-13). Ce décalage pourrait provenir d’une hydrolyse partielle des liaisons siloxanes
lors de la déshybridation dans l’EDI (Serre, 2014) avec pour conséquence, la détérioration du silane qui
implique la diminution du nombre d’ADN sondes présents en surface. Ainsi, lors de la réhybridation, une
moins grande quantité d’ADN cible peut s’hybrider en surface ce qui est confirmé par décalage plus faible
de tension de seuil lors de la réhybridation (5) par rapport à l’hybridation (3) (Figure IV-13).
-5 0 5 10
10
-1510
-1310
-1110
-910
-710
-5Dispositif D
NR
W=0,5 m
I d
(A
)
Vg (V)
(3)
(2)
(1)
(0)
(a)
169
Figure IV-13 : Evolution de la tension de seuil du précédent transistor à NR (D) après chaque étape de
bio-fonctionnalisation. Les étapes sont indexées comme suit : avant fonctionnalisation (0), après silanisation (1),
greffage de l’ADN sonde (2), hybridation avec l’ADN cible complémentaire (3), déshybridation (4) et enfin après
réhybridation avec l’ADN cible (5).
Nous pouvons conclure que ces transistors obtenus par une technologie descendante sont capables de
détecter l’hybridation de l’ADN par effet de champ. Nous pouvons aussi ajouter que, d’un point de vu
fondamental, les étapes de silanisation à l’APTES et de greffage du glutaraldéhyde avec de l’ADN sonde
sont équivalentes à l’apport respectif de charges équivalentes négatives et positives.
Toutes ces précédentes interprétations déduites au cours de la bio-fonctionnalisation sur un NR (D) ont
été confirmées sur les six dispositifs les plus longs à NF et NR (A, B, C, D, E et F) comme cela est présenté
sur la Figure IV-14 où les décalages de tension de seuil sont de même signe pour une étape donnée. Il
convient de nous intéresser à présent de l’influence de la géométrie des nanostructures sur la détection
de l’hybridation de l’ADN.
Figure IV-14 : Evolution de la tension de seuil des six dispositifs les plus longs (A, B, C, D, E et F) après chaque
étape de bio-fonctionnalisation. Les étapes sont indexées comme suit : avant fonctionnalisation (0), après
silanisation (1), greffage de l’ADN sonde (2) et hybridation avec l’ADN cible complémentaire (3).
0 1 2 3 4 5
1
2
3
4
5
6
7
8 Dispositif D
NR
W=0,5 m
V
th(V)
Etape
V
Hybri thV
Réhybri th 0 2 4 6 8 0 1 2 3 0 2 4 6 8 0 1 2 3 0 1 2 3Dispositif A
1 NF
Dispositif B
2 NFs
Dispositif C
6 NFs
Etape
Dispositif D
W=0,5 m
Ten
sion de seuil,
V
th(
V)
Etape
Dispositif E
W=1 m
Etape
6µmDispositif F
W=2 m
3µmnanonets de silicium
170
IV.2.4.Influence de la géométrie des nanostructures sur la détection de
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Conception, étude et modélisation d’une nouvelle génération de transistors à nanofils de silicium pour applications biocapteurs
(Page 180-185)