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Intérêt des nanofils de silicium pour la bio-détection par effet de champ

Chapitre I : Du transistor au biocapteur à base de nanonets de silicium

I.5. Les biocapteurs à ADN

I.5.4. Intérêt des nanofils de silicium pour la bio-détection par effet de champ

Depuis les années 2000, les biocapteurs à effet de champ composés de nanofils de silicium ont attiré

l’intérêt des chercheurs. En raison de leur diamètre comparable avec de nombreuses macromolécules

biologiques, ces nanostructures offrent la possibilité de développer des transducteurs à l’échelle

moléculaire qui sont un lien direct avec le monde biologique. De plus, comme nous l’avons vu

précédemment, les NFs de Si présentent un rapport surface sur volume très important pour lequel la

proportion d’atomes en surface est similaire à celui dans le volume. Ces nanostructures sont ainsi

dominées par les effets de surface les rendant ultra-sensibles à leur environnement électrique extérieur.

Prenons l’exemple illustré en Figure I-21(a) d’un NF de Si dopé P sur lequel de l’ADN (chargé négativement)

est immobilisé. Lorsque ces espèces chargées interagissent avec la surface du NF, les porteurs majoritaires,

constitués par les trous, sont attirés à la surface du NF. Pour un NF avec un diamètre à l’échelle

nanométrique, l’ensemble de son volume peut être affecté par cette perturbation électrostatique

améliorant ainsi la sensibilité (Gao et al., 2010). Cette particularité est un avantage majeur par rapport aux

films minces dans lesquels l’interaction se déroule uniquement à sa surface (Figure I-21(b)).

A noter que, dans le cas d’un semi-conducteur de type N, les électrons sont eux repoussés de la surface

vers le cœur du NF créant cette fois-ci une zone de désertion. Enfin, l’oxyde natif (SiO2) qui recouvre

naturellement les NFs de Si peut être fonctionnalisé aisément avec des molécules biologiques (Noor and

Krull, 2014). Cette caractéristique favorise alors l’immobilisation des récepteurs qui est indispensable pour

la réalisation d’un biocapteur.

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Figure I-21 : Comparaison de l’effet électrostatique de l’ADN (chargé négativement) sur un (a) NF et (b) une

couche mince de silicium dopé P.

Une année après la réalisation du premier transistor à NF de Si, le groupe de Lieber présenta en 2001 leurs

premiers résultats de détection d’espèces chargées par effet de champ avec des NFs de Si (Cui et al.,

2001b). Après avoir fonctionnalisé les NFs, les transistors à effet de champ élaborés présentaient une

sensibilité aux variations de pH suite à des phénomènes de protonation et dé-protonation. De plus,

l’immobilisation de récepteurs biologiques leur a permis de détecter en temps réel, rapidement et surtout

sans marqueur des protéines chargées jusqu’à des concentrations de l’ordre de 1 𝑝𝑀. Toutes ces

perturbations électrostatiques de la surface des NFs impliquent une modification de la répartition des

porteurs mobiles au sein des NFs ce qui engendre des variations du courant dans le transistor. En 2004, le

même groupe (Hahm and Lieber, 2004) présenta le premier capteur à ADN par effet de champ à base de

NF de Si (Figure I-22(a)). Grâce à la charge négative portée par le groupement phosphate de chaque

nucléotide, ils sont parvenus à détecter sélectivement l’ADN sans marqueur avec une limite de 10 𝑓𝑀.

Cette avancée majeure reçut immédiatement un véritable succès.

De nombreux groupes ont travaillé sur l’amélioration du seuil de détection de l’hybridation de l’ADN

comme l’illustre la Figure I-22(b). Cette liste non-exhaustive montre une diminution du seuil de détection

de l’ordre d’une décade tous les deux ans entre 2004 et 2013. Même si les variations dans les méthodes

d’élaboration des biocapteurs ne permettent pas une comparaison directe d’un groupe à l’autre, cette

Figure I-22(b) témoigne de l’attractivité que suscitent les biocapteurs à NFs de Si. Un constat intéressant

nécessite d’être apporté sur le choix de la technique d’élaboration des NFs de Si. Malgré un premier

biocapteur à ADN fabriqué avec une approche ascendante (Hahm and Lieber, 2004), il semblerait que

l’approche descendante soit favorisée dans la littérature probablement en raison d’une production

possible à grande échelle compatible avec l’industrie de la microélectronique (partie I.3.5, page 23).

Substrat

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Figure I-22 : (a) Détection en temps réel de l’hybridation de l’ADN par mesure du courant d’un transistor à effet

de champ à base d’un NF de Si (Hahm and Lieber, 2004). La flèche marque le point de départ de l’injection de

60 𝑓𝑀 d’ADN complémentaire. L’insert représente une image de microscopie à balayage du biocapteur. (b)

Limite de détection de l’hybridation de l’ADN par effet de champ à l’aide de biocapteurs à NFs de Si d’après 11

références (Bunimovich et al., 2006; Chu et al., 2013; Gao et al., 2013, 2012, 2011, 2007; Hahm and Lieber, 2004;

Li et al., 2005, 2004; Wenga et al., 2013; Zhang et al., 2009, 2008).

L’amélioration du seuil de détection est le fruit de nombreuses recherches menées dans la littérature pour

améliorer en amont la sensibilité des transistors à NFs de Si. Ces améliorations, énoncées sur la Figure

I-23 (Noor and Krull, 2014; Shen et al., 2014), reposent aussi bien sur les propriétés intrinsèques des NFs

que sur la qualité du contrôle électrostatique du transistor.

Figure I-23 : Stratégies rencontrées pour améliorer les performances des FETs à NFs de Si pour la biodétection.

Les paramètres qui sont dirigés vers le bas doivent être diminués tandis que ceux dirigés vers le haut doivent être

augmentés pour améliorer les performances de la détection. Cette liste non-exhaustive a été réalisée à partir de 9

références (Elfström et al., 2007; Gao et al., 2012; Kim et al., 2007; Li et al., 2011, 2005; Pregl et al., 2013; Reddy

et al., 2011; Shen et al., 2014; Sun et al., 2016).

Tout d’abord, nous allons nous intéresser aux paramètres qui sont propres aux NFs à savoir le diamètre,

la longueur, le dopage et le nombre de NFs (paramètres indiqués en orange sur la Figure I-23). Plusieurs

groupes (Elfström et al., 2007; Gao et al., 2010; Li et al., 2011, 2005) ont étudié l’influence du diamètre

des NFs de Si sur la sensibilité des biocapteurs. Toutes les analyses convergent vers le même résultat. La

réduction du diamètre du NF engendre une augmentation du rapport surface sur volume le rendant ainsi

plus sensible à son environnement électrique extérieur. Le dopage doit être aussi ajusté minutieusement

selon le diamètre des NFs. En effet, la meilleure sensibilité est attendue lorsque les porteurs mobiles du

(a) (b)

2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014

10

-17

10

-16

10

-15

10

-14

10

-13

10

-12

10

-11

10

-10 Wenga et al Gao et al Chu et al Gao et al Gao et al Zhang et al Zhang et al Gao et al Li et al Hahm et al Li et al Bunimovich et al

Descendante

Ascendante

Limite de dé

tection

(M)

Années

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canal sont affectés sur l’ensemble du volume du NF par les charges apportées par l’ADN (Gao et al., 2010).

Pour cela, un faible dopage est nécessaire car moins de porteurs sont disponibles pour pouvoir écranter

les charges apportées par l’ADN. Par conséquent, ils vont devoir parcourir une distance plus importante

dans le NF pour assurer l’électroneutralité. Par ailleurs, une étude menée sur la détection d’un antigène a

montré que l’augmentation de la longueur des NFs améliore la sensibilité des capteurs en raison d’une

augmentation de la résistance du canal (Kim et al., 2007). Le nombre optimal de NFs, configurés en

parallèle, résulte quant à lui d’un compromis entre sensibilité, reproductibilité et stabilité. Un nombre

important de NFs en parallèle permet logiquement d’augmenter le courant dans le dispositif (Pregl et al.,

2013) et donc d’améliorer le rapport signal sur bruit de la biodétection. Selon Shen et al (Shen et al., 2014),

l’utilisation de plusieurs NFs offrent une meilleure stabilité et reproductibilité puisque les dispositifs sont

moins sensibles à des fluctuations de dopage, propriétés communes aux nanonets. Néanmoins, Li et al (Li

et al., 2011) ont observé une diminution de la sensibilité lorsque le nombre de NFs pontant la source et le

drain augmente. Selon leurs travaux, les espèces biologiques se retrouvent réparties sur plusieurs NFs au

lieu d’un seul ce qui se traduit par une variation plus faible de courant dans le biocapteur.

Par ailleurs, les NFs de Si sont souvent encapsulés dans une couche protectrice dite de passivation qui doit

être choisie et réalisée de façon judicieuse. En effet, d’une part, cette couche passivante doit être

compatible avec le procédé d’immobilisation du récepteur (ADN sonde). D’autre part, elle doit être stable

chimiquement vis-à-vis d’éventuels ions, molécules, autres espèces biologiques présents dans l’analyte.

Le dioxyde de silicium est traditionnellement utilisé puisqu’il peut être formé facilement grâce au silicium

provenant du NF. Néanmoins, ce dernier présente une permittivité relativement faible (𝜀𝑟 = 3,9) et peut

engendrer des courants de fuites à travers la couche en raison d’une incorporation des ions (Noor and

Krull, 2014). Son remplacement par un matériau avec une haute permittivité diélectrique telle que

l’alumine (Al2O3, 𝜀𝑟 = 9 ) ou l’oxyde d’hafnium (HfO2, 𝜀𝑟 = 25 ) (Robertson, 2004) permet de réduire ces

courants de fuite tout en conservant la sensibilité des NFs (Reddy et al., 2011). De plus, nous avons

mentionné sur la Figure I-23 que la pente sous le seuil du transistor (𝑆𝑆) joue aussi un rôle important sur

la sensibilité des NFs. Sun et al (Sun et al., 2016) ont récemment montré que la sensibilité des

nanostructures au pH (nanorubans et nanofils) augmente considérablement lorsque 𝑆𝑆 diminue. Comme

nous l’avons vu précédemment (partie I.1.2.3 de la page 10), ce paramètre dépend de la qualité de

l’interface entre le silicium et le diélectrique et peut donc être optimisé lors du dépôt de la couche de

passivation. Enfin, il est intéressant de préciser que le mode de fonctionnement du transistor peut aussi

contribuer à améliorer considérablement la sensibilité. Gao et al ont proposé une méthode originale de

détection d’un antigène en opérant dans le régime sous le seuil du transistor (Gao et al., 2010). En effet,

dans ce régime de fonctionnement, de faibles variations de charges en surface des NFs engendrent des

variations exponentielles du courant. Il en résulte alors une amélioration par trois ordres de grandeur de

la limite de détection.

Suite à cet état de l’art réalisé sur les différentes méthodes de détection de l’hybridation de l’ADN, un

bilan comparatif de ces diverses techniques est présenté dans la partie suivante.

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