L’espace euclidien R n
2.3 Suites dans R n
2.3.6 Suites de Cauchy
Position du probl`eme. Soit (xm)m∈N
0 une suite de Rn. Comment faire pour d´eterminer si cette suite converge? Recourir `a la d´efinition de la convergence d’une suite est utopique car, ne connaissant pas la limite ´eventuelle a priori, on devrait tester tous les points de Rn pour v´erifier s’il y en a un vers lequel la suite converge! Il convient plutˆot d’appliquer des crit`eres de convergence. L’objet de ce paragraphe est d’´etablir de tels crit`eres.
Une premi`ere r´eponse est donn´ee par le r´esultat suivant.
Th´eor`eme 2.3.6.1 Toute suite num´erique r´eelle, croissante et major´ee con-verge vers la borne sup´erieure de l’ensemble de ses ´el´ements.
De mˆeme, toute suite num´erique r´eelle, d´ecroissante et minor´ee converge vers la borne inf´erieure de l’ensemble de ses ´el´ements.
Preuve. Consid´erons d’abord le cas d’une suite xm num´erique r´eelle, croissante et major´ee. D´esignons par x la borne sup´erieure de l’ensemble de ses ´el´ements. Tout revient `a d´emontrer que xm → x. Or, pour tout ε > 0, vu le crit`ere 2.2.7.3 relatif aux bornes sup´erieure et inf´erieure, il existe un ´el´ement de { xm : m ∈ N0}, c’est-`a-dire un ´el´ement xM de la suite, tel que |xM − x| ≤ ε. On en d´eduit aussitˆot que
m ≥ M ⇒ |xm− x| = x − xm ≤ x − xM ≤ ε, ce qui suffit.
Le cas d’une suite num´erique r´eelle, d´ecroissante et minor´ee xmse traite de mˆeme. On peut cependant aussi proc´eder comme suit: la suite num´erique r´eelle −xm est croissante et major´ee donc converge vers la borne sup´erieure de { −xm : m ∈ N0} qui est l’oppos´e de la borne inf´erieure de l’ensemble { xm : m ∈ N0}. D’o`u la conclusion.
Voici ´egalement un lemme th´eorique relatif aux suites num´eriques r´eelles. Lemme 2.3.6.2 Si une sous-suite d’une suite num´erique r´eelle croissante (resp. d´ecroissante) converge, alors la suite converge.
Preuve. Soit xm une suite num´erique r´eelle croissante dont la sous-suite xk(m) converge. Comme toute suite convergente est born´ee, il existe C tel que xk(m) ≤ C pour tout m ∈ N0. Cela ´etant, la suite xm est major´ee car on a alors xm ≤ xk(m) ≤ C pour tout m ∈ N0. D’o`u la conclusion par la proposition pr´ec´edente.
Dans le cas d’une suite num´erique r´eelle d´ecroissante, on peut soit proc´eder de mani`ere semblable, soit remarquer que la suite −xm est croissante.
Une deuxi`eme r´eponse, fondamentale, repose sur la notion de suite de Cauchy. D´efinition. Une suite (xm)m∈N
0 de Rn est de Cauchy si, pour tout ε > 0, il existe un nombre r´eel M tel que
p, q ≥ M ⇒ |xp− xq| ≤ ε. Le r´esultat suivant est `a la base du crit`ere de Cauchy.
Proposition 2.3.6.3 Si une suite de Cauchy admet une sous-suite convergente, elle converge.
Preuve. Soit xk(m) une sous-suite convergente d’une suite de Cauchy xm; d´ esi-gnons par x sa limite. Pour tout ε > 0, il existe donc des nombres M1 et M2 tels que
m ≥ M1 ⇒ xk(m)− x≤ ε/2 p, q ≥ M2 ⇒ |xp− xq| ≤ ε/2. D’o`u la conclusion car on a alors
m ≥ sup{M1, M2} ⇒ |xm− x| ≤xm− xk(m)+xk(m)− x≤ ε.
Crit`ere 2.3.6.4 (Cauchy) Une suite de Rn converge si et seulement si elle est de Cauchy.
Preuve. La condition est n´ecessaire. De fait, si la suite xm de Rnconverge vers x, pour tout ε > 0, il existe M tel que
m ≥ M ⇒ |xm− x| ≤ ε/2, donc tel que
p, q ≥ M ⇒ |xp− xq| ≤ |xp− x| + |x − xq| ≤ ε.
La condition est suffisante. Vu la proposition pr´ec´edente, il suffit, ´etant donn´e une suite xm de Cauchy dans Rn, d’en extraire une sous-suite convergente.
Donnons d’abord une construction d’une telle sous-suite. Pour k(1), on prend le premier entier k ∈ N0 tel que
p, q ≥ k ⇒ |xp− xq| ≤ 10−1.
Ensuite, on construit les k(m) au moyen de la r´ecurrence suivante: si k(1), . . . , k(m − 1) sont d´etermin´es, on prend pour k(m) le premier entier k strictement sup´erieur `a k(m − 1) tel que
p, q ≥ k ⇒ |xp− xq| ≤ 10−m.
Il est bien certain que la suite xk(m) ainsi construite est une sous-suite de la suite xm.
Prouvons `a pr´esent que cette sous-suite converge. Il suffit pour cela d’´etablir que, pour tout j ∈ {1, . . . , n}, la suite [xk(m)]j des j-`emes composantes converge. Or, pour tout m ∈ N0, on a
[xk(m)]j = [xk(m)− xk(m−1)]j + . . . + [xk(2)− xk(1)]j + [xk(1)]j. De plus, la suite Sm,j,+ d´efinie par
Sm,j,+ = [xk(m)− xk(m−1)]j++ . . . + [xk(2)− xk(1)]j++ [xk(1)]j+
pour tout m ∈ N0 est croissante et major´ee par xk(1)+ 1, comme on le v´erifie ais´ement, elle est donc convergente. De mˆeme, la suite Sm,j,− d´efinie par
Sm,j,− = [xk(m)− xk(m−1)]j−+ . . . + [xk(2)− xk(1)]j−+ [xk(1)]j−
pour tout m ∈ N0 est croissante et major´ee parxk(1)+ 1 donc converge. Au total, la suite
Sm,j,+− Sm,j,− = [xk(m)]j, converge. D’o`u la conclusion.
Remarques. a) Dans Rn, il y a donc identification entre les suites convergentes et les suites de Cauchy. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas cherch´e `a ´etablir les propri´et´es des suites de Cauchy.
b) Il convient de remarquer qu’en g´en´eral, Sm,j,+ (resp. Sm,j,−) n’est pas la partie positive (resp. n´egative) de [xk(m)].
Exercice. Etablir le principe du choix de Bolzano-Weierstrass:, `a savoir la propri´et´e suivante: toute suite de R contient une sous-suite monotone. En particulier, de toute suite born´ee de R, on peut extraire une sous-suite convergente.
Suggestion. Soit rm une suite de R. Appelons pivot de cette suite tout entier m ∈ N0 tel que rn < rm pour tout n > m. S’il y a une suite de pivots, nous pouvons les noter xk(m) avec k(m) < k(m+1) pour tout m ∈ N0et la suite rk(m) ainsi obtenue est strictement monotone. S’il n’y a qu’un nombre fini de pivots, il existe k(1) ∈ N strictement plus grand que chacun des pivots. D`es lors, k(1) n’est pas un pivot et il existe k(2) > k(1) tel que rk(2) ≥ rk(1). Comme k(2) n’est pas un pivot, il existe k(3) > k(2) tel que rk(3) ≥ rk(2). Et ainsi de suite. Le cas particulier r´esulte aussitˆot du th´eor`eme 2.3.6.1.
Le crit`ere de Cauchy r´esulte aussitˆot de la proposition 2.3.6.3.