L’espace euclidien R n
3.2 Limite des valeurs d’une fonction
3.2.5 Propri´ et´ es de la limite
Les propri´et´es de la limite des valeurs d’une fonction d´ependent bien sˆur des fonctions consid´er´ees et des propri´et´es des limites des suites convergentes.
Formulons l’hypoth`ese g´en´erale suivante, valable dans tout ce paragraphe. Hypoth`ese. Dans ce paragraphe, sauf mention explicite du contraire, a) J d´esigne un ´el´ement de N0,
b) f , g, f1, . . . , fJ sont des fonctions d´efinies sur une mˆeme partie A non vide de Rn,
c) ξ est un ´el´ement de A− ou ∞, cette derni`ere possibilit´e n’´etant envisag´ee que si A n’est pas born´e,
d) on a lim x→ξf (x) = a, lim x→ξg(x) = b et lim x→ξfj(x) = aj, ∀j ∈ {1, . . . , J}.
Th´eor`eme 3.2.5.1 a) Si c1, . . . , cJ, a1, . . . , aJ sont des nombres complexes, il vient lim x→ξ J X j=1 cjfj(x) = J X j=1 cjaj.
Si c1, . . . , cJ, a1, . . . , aJ −1 sont des nombres complexes, si aJ est ´egal `a ∞ et si cJ diff`ere de 0, alors il vient
lim x→ξ J X j=1 cjfj(x) = ∞. b) Si a1, . . . , aJ sont des nombres complexes, il vient
lim x→ξ J Y j=1 fj(x) = J Y j=1 aj.
Si les aj diff`erent tous de 0 et si l’un au moins est ´egal `a ∞, il vient lim x→ξ J Y j=1 fj(x) = ∞.
c) Si a est un nombre complexe, si b diff`ere de 0 et si g ne s’annule en aucun point de A, on a lim x→ξ f (x) g(x) = a b ou 0
suivant que b est un nombre complexe ou ∞.
Preuve. Cela r´esulte imm´ediatement des propri´et´es correspondantes des suites convergentes.
Th´eor`eme 3.2.5.2 Si J appartient `a N0, si f1, . . . , fJ sont des fonctions r´eelles sur A ⊂ Rn, si f est une fonction d´efinie sur une partie A0 de RJ contenant l’ensemble de variation des f1, . . . , fJ et si on a
lim
y→(a1,...,aJ)f (y) = c ou lim
y→∞f (y) = c
suivant que les aj sont tous des nombres r´eels ou non, alors il vient lim
x→ξf (f1(x), . . . , fJ(x)) = c.
Preuve. Si la suite xm de A converge vers ξ, la suite (f1(xm), . . . , fJ(xm)) est en effet une suite de A0 qui converge vers (a1, . . . , aJ) ou ∞ suivant que les aj sont tous des nombres r´eels ou non.
Proposition 3.2.5.3 On a lim x→ξf (x) = a si a ∈ C, ∞ si a = ∞, lim x→ξ|f | (x) = |a| si a ∈ C, ∞ si a = ∞, lim x→ξ < = f (x) = < = a si a ∈ C.
De plus, si f , f1, . . . , fJ sont des fonctions r´eelles et si les a, a1, . . . , aJ sont des nombres r´eels, il vient
lim x→ξ f+ f− (x) = a+ a− , lim x→ξ sup inf {f1(x), . . . , fJ(x)} = sup inf {a1, . . . , aJ}.
Proposition 3.2.5.4 Si a diff`ere de b, il existe un voisinage V de ξ tel que x ∈ V ∩ A ⇒ f (x) 6= g(x).
En particulier, si a diff`ere du nombre complexe c, il existe un voisinage V de ξ tel que c 6∈ f (V ∩ A).
Si f et g sont des fonctions r´eelles et si a < b, il existe un voisinage V de ξ tel que
x ∈ V ∩ A ⇒ f (x) < g(x).
En particulier, si f est une fonction r´eelle et si r ∈ R v´erifie a < r (resp. a > r), il existe un voisinage V de ξ tel que f (V ∩ A) ⊂ ]−∞, r[ (resp. ]r, +∞[).
Proposition 3.2.5.5 Si, pour tout voisinage V de ξ, il existe x ∈ V ∩ A tel que f (x) = c, on a a = c.
Si f est une fonction r´eelle et si, pour tout voisinage V de ξ, il existe un point x de V ∩ A tel que f (x) ≤ c, on a a ≤ c.
Continuit´e
4.1 D´efinition
4.1.1 G´en´eralit´es
D´efinitions. Soit f une fonction d´efinie sur une partie non vide A de Rn. Cette fonction f est continue en x0 ∈ A si limx→x0f (x) existe et vaut, par cons´equent, f (x0). Un tel point x0 ∈ A est appel´e point de continuit´e de f .
Si f n’est pas continu en x0 ∈ A, on dit que f est discontinu en x0 ou que x0 est un point de discontinuit´e de f .
On peut aussi, en recourant aux limites restreintes, introduire des notions de continuit´e partielle; il s’agit alors de bien sp´ecifier les parties A0 de A consid´er´ees. Ici, nous n’allons introduire que les notions suivantes: une fonction f d´efinie sur une partie non vide A de R est
continue `a droite en x0 ∈ A si limx→x
0+f (x) existe et vaut f (x0), continue `a gauche en x0 ∈ A si limx→x
0−f (x) existe et vaut f (x0).
Cela ´etant, le crit`ere par les limites restreintes donne le r´esultat suivant: la fonction f d´efinie sur A ⊂ R est continue en x0 ∈ A si et seulement si elle est continue `a droite et `a gauche en x0.
D´efinition. La fonction f est continue sur A si elle est d´efinie sur A et con-tinue en tout point de A.
L’ensemble des fonctions continues sur A est not´e C0(A). Par d´efinition, on a donc les crit`eres suivants.
Crit`ere 4.1.1.1 (en “ε, η”) Une fonction f d´efinie sur A ⊂ Rn est continue sur A si et seulement si, pour tout x ∈ A et tout ε > 0, il existe η > 0 tel que
Crit`ere 4.1.1.2 (par les suites) Une fonction f d´efinie sur A ⊂ Rn est con-tinue sur A si et seulement si, pour tout x ∈ A et toute suite xm de A qui converge vers x, on a f (xm) → f (x).
D´efinition. On est aussi amen´e `a consid´erer la notion suivante: une fonction f d´efinie sur A ⊂ Rn est uniform´ement continue sur A si, pour tout ε > 0, il existe η > 0 tel que
(x, y ∈ A, |x − y| ≤ η) ⇒ |f (x) − f (y)| ≤ ε. Bien sˆur, on a alors le r´esultat que voici.
Proposition 4.1.1.3 Toute fonction uniform´ement continue sur A ⊂ Rn est continue sur A.
Remarques. a) La r´eciproque de cette proposition est fausse. Ainsi, on v´erifie ais´ement que la fonction f : ]0, +∞[ → R x 7→ 1/x est continue. Cependant f n’est pas uniform´ement continu sur ]0, +∞[ car on a
|f (1/m) − f (1/(m + 1))| = 1, ∀m ∈ N0, alors que la suite 1/m − 1/(m + 1) converge vers 0.
b) Nous en ´etablirons cependant une r´eciproque partielle fort importante au para-graphe 4.2.3.
c) Ceci nous permet d’insister sur le fait qu’on ne peut permuter impun´ement les quantificateurs ∃ et ∀. A cet ´egard, remarquons qu’une permutation suppl´ementaire de ces quantificateurs conduirait aux fonctions f d´efinies sur Rnpour lesquelles il existe η > 0 tel que, pour tout ε > 0, on aurait
(x, y ∈ Rn, |x − y| ≤ η) ⇒ |f (x) − f (y)| ≤ ε.
Cependant cette notion ne pr´esente aucun int´erˆet car on a tˆot fait d’´etablir qu’il s’agit l`a d’une fonction constante sur Rn.
Remarque. Soient n, n0 et n00 des ´el´ements de N0 tels que n = n0+ n00. Si ν est une permutation de {1, . . . , n}, alors, `a tout x ∈ Rn, on associe les points
x0 = (xν(1), . . . , xν(n0)) ∈ Rn0, x00= (xν(n0+1), . . . , xν(n)) ∈ Rn00.
Inversement, `a y ∈ Rn0 et z ∈ Rn00, on peut associer un point x de Rn tel que x0 = y et x00 = z.
De plus, si I est un intervalle de Rn, on v´erifie ais´ement que les ensembles I0 = { x0 : x ∈ I} et I00= { x00: x ∈ I} sont des intervalles de Rn0 et Rn00 respectivement.
Il s’ensuit que si f est une fonction d´efinie sur I, on peut lui associer une fonction F d´efinie sur I0× I00 par F (x0, x00) = f (x) pour tout x ∈ I.
Cela ´etant, on v´erifie de suite que, si f est continu sur I, on a lim x→x0 f (x) = lim x0→x0 0 lim x00→x00 0 F (x0, x00) = lim x00→x00 0 lim x0→x0 0 F (x0, x00)
pour tout x0 ∈ I◦. Remarquons bien que la continuit´e de f sur I est essentielle, ne serait-ce que pour assurer un sens aux limites
lim x00→x00 0 F (x0, x00) et lim x0→x0 0 F (x0, x00)
pour tout x0 ∈ I0◦et tout x00 ∈ I00◦ respectivement. La continuit´e de f en x0 ne suffit pas!
4.1.2 Exemples fondamentaux
Voici tout d’abord un exemple pathologique qui montre bien que la continuit´e d’une fonction est en fait une propri´et´e tr`es sp´eciale.
Exemple. La fonction f d´efinie sur ]0, 1[ par f (x) = 0 si x est irrationnel,
f (x) = 1/q si x est ´egal `a p/q avec p, q ∈ N0 premiers entre eux,
est continue en tout point irrationnel de ]0, 1[ et discontinue en tout point rationnel de ]0, 1[. Pour tout ε > 0, il existe N ∈ N0 tel que ε ≥ 1/N . Cela ´etant, il existe au plus 1 + · · · + N points rationnels x de ]0, 1[ tels que f (x) ≥ ε. D`es lors, si x0 est un point irrationnel de ]0, 1[, il existe bien sˆur un nombre r > 0 tel que l’intervalle [x0− r, x0+ r] ne contienne aucun de ces points rationnels, donc tel que |f (x) − f (x0)| ≤ ε pour tout x ∈ ]0, 1[ tel que |x0− x| ≤ r et ainsi f est continu en x0. Par contre, si y0 est un point rationnel de ]0, 1[, on a f (y0) > 0 bien qu’il existe une suite ym de nombres irrationnels appartenant `a ]0, 1[ qui converge vers y0, donc tels que la suite f (ym) = 0 converge vers 0. Cela ´etant, y0 est un point de discontinuit´e de la fonction f .
Il convient de pouvoir d´ecider rapidement si une fonction est continue ou non. Pour ce faire, nous allons proc´eder en deux ´etapes:
a) nous allons d’abord donner des exemples fondamentaux de fonctions continues (cette liste sera augment´ee au chapitre 6, lors de l’´etude des fonctions ´el´ementaires), b) nous allons ensuite ´etablir des th´eor`emes qui permettent d’engendrer des fonctions continues `a partir de fonctions continues.
Exemples fondamentaux. a) La fonction 0 est continue sur Rn. b) La fonction χRn est continue sur Rn.
c) Pour tout j ∈ {1, . . . , n}, la fonction [·]j est continue sur Rn. Cela r´esulte aussitˆot de
d) Pour toute partie non vide A de Rn, la fonction d(·, A) est continue sur Rn. En particulier la fonction |·| est continue sur Rn. Cela r´esulte aussitˆot de
|d(x, A) − d(y, A)| ≤ |x − y| , ∀x, y ∈ Rn.
Remarque. On v´erifie de suite que ces exemples fondamentaux de fonctions continues sont aussi des exemples de fonctions uniform´ement continues sur Rn.