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La subordination conditionnelle

Dans le document Arabi Juba (Page 150-154)

7. LA SYNTAXE DE LA PHRASE COMPLEXE

7.3.6. La subordination conditionnelle

La subordination conditionnelle établit un lien entre deux états de fait, de telle façon que l’un d’eux représente la condition nécessaire pour que s’accomplisse l’autre (Cristofaro 2003 : 160). En AJ, toute subordonnée conditionnelle est composée d’une protase introduite par

la conjonction conditionnelle kan « si » (glosé COND) qui dérive de l’arabe soudanais *kan « si », et d’une apodose. On distingue quatre types de subordonnées conditionnelles : la subordonnée potentielle, contrefactuelle, concessive scalaire et concessive universelle.

7.3.6.1. La subordonnée conditionnelle potentielle

Dans une subordonnée conditionnelle potentielle, le locuteur présuppose que l’état de fait décrit par la protase est réalisable. La protase de la subordonnée conditionnelle potentielle est toujours introduite par la conjonction conditionnelle kan et son verbe peut apparaître sous sa forme non-marquée (50), précédé par la marque non- ponctuelle gi= (51, cf. 5.2.) ou, plus rarement, par la marque irréelle bi= (52, cf. 5.3.). En ce qui concerne le verbe de l’apodose, il est précédé par la marque d’irréel bi=.

(50) kan úmon ja áynu kéda fi nas félan kwes-ín COND 3PL venir voir comme ça EXS gens en fait bien-PL2 « S’ils viennent voir, il y a des gens vachement bien. »

(51) íta kan gi=rówa behenák íta bi=ligó 2SG COND NPONC=aller par là bas 2SG IRR=trouver ras táki kúlu ábyad

tête POSS.2SG tout blanc

« Si tu passes par-là-bas, tu finiras par avoir la tête toute blanche (à cause de la poussière). »

(52) úo kan ma b=ámulu imtihán de 3SG COND NEG IRR=faire examen PROX.SG úo ma bi=dákal fi=jáma

3SG NEG IRR=entrer dans=université

« S’il ne passe pas cet examen, il ne rentrera pas à l’université. » Comm on l’a déjà noté (cf. 5.2, ex 14), les locuteurs monolingues d’AJ ont tendance à employer gi= pour marquer l’apodose d’une phrase conditionnelle potentielle pour insister sur le caractére réalisable du procés exprimé dans la proposition principale.

(53) kan íta g=wónusu ačóli ána gi=fáhimu COND 2SG NPONC=discuter acholi 1SG NPONC=comprendre lakín ána ma bi=rúdu

mais 1SG NEG IRR=répondre

7.3.6.2. La subordonnée conditionnelle contrefactuelle

Dans une subordonnée conditionnelle contrefactuelle, le locuteur présuppose que l’état de fait décrit par la protase soit non réalisé ou irréalisable, c’est-à-dire contraire aux faits. La protase d’une conditionnelle contrefactuelle est marquée par la combinaison de la marque conditionnelle kan et de l’auxiliaire d’antériorité kan (cf. 5.4.1.), son verbe apparaît alternativement sous sa forme non-marquée ou précédé par la marque non-ponctuelle gi=. Le verbe de l’apodose, pour sa part, est toujours marqué par la combinaison de l’auxiliaire d’antériorité kan et de la marque irréelle bi= (cf. 5.3.).

(54) kan kan úo ágara kwes kan uo bi=nája COND ANT 3SG étudier bien ANT 3SG IRR=réussir « S’il avait étudié à fond, il aurait réussi (dans la vie). » (55) kan kan dubát ta ješ ma kárabu kúlu

COND ANT sergent.PL POSS armée NEG détruire tout kan nína bi=tówar guwám

ANT 1PL IRR=développer vite

« Si les sergents de l’armée n’avaient pas tout détruit, on se serait développé rapidement. »

(56) kan kan íta gi=híbu ána COND ANT 2SG NPONC=aimer 1SG íta ma bi=ámulu zey de 2SG NEG IRR=faire comme PROX.SG

« Si tu m’aimais (vraiment), tu n’aurais pas agi comme ça. »

7.3.6.3. La subordonnée concessive scalaire

Les subordonnées concessives scalaires expriment une relation conditionnelle entre une protase et une apodose, et présentent les mêmes combinaisons d’aspect et de mode que les subordonnées conditionnelles ordinaires (Haspelmath et König 1998 : 566). La différence sémantique entre subordonnées scalaires et subordonnées conditionnelles réside dans le fait que l’apodose des subordonnées concessives scalaires exprime la condition la plus extrême pour l’achèvement de l’état de fait décrit par la protase. L’AJ a grammaticalisé la marque concessive scalaire sála (glosée CONC) à partir de l’interjection idiomatique *in šā’ aḷḷah « si dieu veut » de

l’arabe soudanais41. Si la protase de la concessive scalaire est une phrase verbale, alors elle est introduite par sála suivi par la marque conditionnelle kan (cf. 7.3.6) comme on peut le voir dans les exemples (57-58).

(57) sála kan ána kélim gále júluk CONC COND 1SG parler dire père.ARG úo ma b=árif júluk de šenú 3SG NEG IRR=savoir père.ARG PROX.SG quoi

« Même si je dis père, il ne pourrait pas savoir ce que père veut dire. » (58) sála kan úmon rówa gudéle zátu fi láiba kwes CONC COND 3PL aller Gudele CONTR EXS joueur.PL bien « Même s’ils vont à Gudele, il y a de bons joueurs là-bas. »

Au contraire, si la protase n’est pas une proposition verbale, alors sála est la seule marque introduisant la subordonnée concessive comme on peut le voir dans les exemples (59-60).

(59) sála fi=médresa tómon úo bi=wónusu CONC dans=école POSS.3PL 3SG IRR=discuter hája ta árabi júba

chose POSS arabe Juba

« Même dans leur école, il parlerait un peu en arabe de Juba. » (60) sála úo lomíngi íta ma b=ágder zúlum úo

CONC 3SG idiot 2SG NEG IRR=pouvoir vexer 3SG « Même s’il est idiot, tu ne peux pas le vexer. »

7.3.6.4. La subordonnée concessive universelle

Les subordonnées concessives universelles impliquent aussi une relation conditionnelle entre une apodose et une protase et elles présentent les mêmes combinaisons d’aspect et de mode que les subordonnées conditionnelles ordinaires. À la différence des concessives scalaires (cf. 7.3.6.3.), l’apodose des concessives universelles a une portée maximale sur l’achèvement de l’état de fait

41 Il est important de souligner que la marque concessive sála est aussi attestée en (ki-

)nubi (Wellens 2005 : 278) et qu’elle représente un trait morphosyntaxique innovant par rapport à la langue lexificatrice, étant donné que les subordonnées concessives de l’arabe soudanais sont normalement introduites par le morphème *ḥatta « même ». De ce fait, on peut penser qu’en JA, sála soit le résultat d’un processus de grammaticalisation précoce qui a eu lieu avant la séparation du (ki-)nubi (cf. 1.1.2.).

décrit par l’apodose. En AJ, comme en arabe soudanais, la protase d’une concessive universelle est toujours introduite par la marque conditionnelle kan (cf. 7.3.6). En même temps, l’élargissement de la portée de la condition de la protase sur l’état de fait de l’apodose est signalé par la réduplication des adverbes (cf. 9.2.2.1.) ou des pronoms interrogatifs (cf. 9.2.2.2.), comme wen~wen « où que » en (61) et de šenú~šenú « quoi que » en (62).

(61) kan íta rówa wen~wen ána bi=rówa ma=íta COND 2SG aller où~où 1SG IRR=aller avec=2SG « Où que tu ailles, je viendrai avec toi. »

(62) kan hukúma ámulu šenú~šenú COND gouvernement faire quoi~quoi wéde de ma bi=géru situation PROX.SG NEG IRR=changer

« Quoi que le gouvernement fasse, cette situation ne changera pas. »

7.4.L

A RELATIVISATION

Une proposition relative est utilisée pour restreindre l’ensemble des référents potentiels d’une tête nominale. L’AJ se caractérise par la présence de plusieurs stratégies morphosyntaxiques de relativisation, leur occurrence repose sur des facteurs de variation sociolinguistique et de spécialisation fonctionnelle. De ce fait, la proposition relative peut être soit juxtaposée, soit introduite au moyen de pronoms personnels explétifs ou des relateurs invariables al et abú.

Dans le document Arabi Juba (Page 150-154)