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La réduplication adverbiale

Dans le document Arabi Juba (Page 174-181)

8. ADVERBES ET AUTRES PARTIES DU DISCOURS

8.1.5. La réduplication adverbiale

La réduplication adverbiale est particulièrement productive comparée à la réduplication nominale (cf. 3.4.) et verbale (cf. 4.3.3.). Sur le plan morphologique, la réduplication adverbiale est totale, par conséquent, elle met en jeu la copie de la totalité d’un adverbe. Sur le plan sémantique, la réduplication est essentiellement utilisée pour intensifier les adverbes de manière et de degré comme on peut le voir dans les exemples suivants : (82) banát bi=rákabu ákil guwám~guwám

fille.PL IRR=cuisiner nourriture vite~vite

« Les filles vont préparer la nourriture à toute vitesse. » (83) ána bíga zalán sehí~sehí

1SG devenir fâché correct~correct « Je me suis beaucoup fâché. »

(84) íta bágder fáhim úo šwéya~šwéya yáni 3SG pouvoir comprendre 3SG peu~peu c’est-à-dire « Tu peux le comprendre un tout petit peu, en fait. »

La réduplication adverbiale peut aussi impliquer un glissement sémantique sans changement de classe lexicale, comme c’est le cas pour l’adverbe de manière sáwa « ensemble » qui acquiert le sens distributif de « équitablement, de la même façon » quand il est redupliqué, comme on peut le voir en (85).

(85) gísim gurús de sáwa~sáwa diviser argent PROX.SG ensemble~ensemble « Partage équitablement cet argent. »

Enfin, dans une minorité de cas, la réduplication adverbiale implique un changement de classe lexicale, comme c’est le cas pour l’adverbe de manière baráu « seul » qui est réinterprété avec le sens adjectival de « diffèrent, divers » quand il est rédupliqué.

(86) gabil-át tánna baráu~baráu tribu-PL1 POSS.1PL seul~seul « Nos tribus sont différentes. »

8.2.L

ES MARQUEURS DU DISCOURS

Les marqueurs du discours constituent une classe fermée d’éléments énonciatifs extraphrastiques, morphologiquement invariables et prosodiquement isolés. À la différence des adverbes, les marqueurs du discours ne peuvent pas modifier d’autres classes lexicales, mais ils jouent à l’évidence une fonction importante dans l’enchaînement syntaxique et la cohérence discursive. Tous les marqueurs du discours de l’AJ ont un étymon arabe.

− fa « donc »

Le marqueur fa dérive de l’arabe soudanais *fa « donc, alors » et il joue une fonction logique de connecteur conséquentiel entre deux propositions. fa apparaît entre les deux propositions qu’il connecte. Sur le plan prosodique, il est toujours isolé et il correspond à une unité intonative mineure comme on peut le voir en (87-88).

(87) ána kélim gále / áwal mára ána ja héna // 1SG parler dire premier fois 1SG venir ici fa / ána ma árif zol //

donc 1SG NEG connaître homme

« J’ai dit : c’est la première fois que je viens ici, donc, je ne connais personne. »

(88) mobitél / šábaka mar-át fi=júba káab // Mobitel réseau fois-PL1 dans=Juba mauvais fa / úma tái / ána bíu le=úo sudáni // donc mère POSS.1SG 1SG acheter à=3SG Sudani

« (La puce de la compagnie) Mobitel, de temps en temps, le réseau est mauvais à Juba, donc, ma mère, je lui ai acheté (une puce) Sudani. » − almihím « bref »

Le marqueur almihím dérive du syntagme adjectival *al=muhimm « DEF=important » de l’arabe soudanais. En AJ, almihím est généralement utilisé pour réduire le sens de la proposition qui le précède en introduisant la proposition qui le suit. Sur le plan prosodique, almihím est toujours isolé et il correspond à une unité intonative mineure.

(89) zol de ísim to tatamá // min=awlád ta homme PROX.SG nom POSS.3SG Tatama de=fils.PL POSS moró // almihím / tatatmá de kamán gi=géni henák // Moró bref Tatama PROX.SG aussi NPONC=rester là-bas « Cet homme s’appelle Tatama, de la tribu des Moro, bref Tatama aussi habite là-bas. »

− félan « en fait »

félan dérive de l’adverbe de manière *fi‘lan « réellement, en fait » de l’arabe soudanais. En AJ, félan est syntaxiquement libre et il établit un lien entre une proposition et la situation discursive générale. D’un point de vue prosodique, félan peut correspondre à une unité intonative mineure (90) ou peut être intégré dans une unité intonative majeure (91).

(90) ána / félan / rówa kartúm // 1SG en fait aller Khartoum « Au fait, je suis allé à Khartoum. »

(91) fi félan láyba g=álabu kúra kwes // EXS en fait joueur.PL NPONC=jouer ballon bien « Il y a effectivement de bons joueurs de football. » − másalan « par exemple »

Le marqueur másalan dérive de l’arabe soudanais *masalan « par exemple » et il est employé pour insister sur la portée d’exemple que revêt une proposition. Il est syntaxiquement libre et prosodiquement isolé comme on peut le voir dans les exemples suivants :

(92) kan íta / másalan / b=ágra sabá / úo b=ágra bilél // COND 2SG par_exemple IRR=étudier matin 3SG IRR=étudier de_nuit « Si, par exemple, tu étudies le matin, lui étudie le soir. »

(93) másalan / zey árabi ta juba de // par_exemple comme arabe POSS Juba PROX.SG « Par exemple, comme l’arabe de Juba. »

− tában « évidemment »

Le marqueur tában dérive de l’adverbe de manière *ṭab‘an « naturellement, évidemment » de l’arabe soudanais. En AJ, tában est utilisé pour renforcer l’évidentialité d’une proposition. Il est syntaxiquement libre et, sur le plan prosodique, il peut correspondre à une unité intonative mineure (94) ou être intégré dans une unité intonative majeure (95).

(94) tában / íta árif harak-át tómon // évidemment 2SG savoir action-PL1 POSS.3PL « Évidemment, tu connais leurs stratégies. » (95) úo tában ikisái henák //

3SG évidemment chirurgien là-bas « Il est bien chirurgien là-bas. » − yáni « c’est-à-dire, en fait »

Le marqueur yáni dérive de l’arabe soudanais *ya‘ni « ça veut dire, c’est-à-dire ». Comme dans sa langue lexificatrice, l’AJ utilise yáni pour connecter deux propositions en insistant sur le fait que la proposition qui le suit fournit une information complémentaire à celle exprimée par la précédente. yáni apparaît généralement entre les deux propositions qu’il connecte et il correspond à une unité intonative mineure.

(96) ána éndu múškila ma=jamá del // 1SG avoir problème avec=groupe PROX.PL yáni / íta árif úmon g=ámulu šenú // c’est-à-dire 2SG savoir 3PL NPONC=faire quoi

« J’ai un problème avec ces gens, c’est-à-dire, tu connais ce qu’ils font. » (97) yála kalám táni / yáni/ mustešfa-yát

ensuite discours deuxième c’est-à-dire hôpital-PL1 ta juba ma fógo ey hája // POSS Juba NEG y.ANAPH chaque chose

« Ensuite, il y a un autre problème, c’est-à-dire, il n’y a rien dans les hôpitaux de Juba. »

Dans quelques occurrences, yáni apparaît après les deux propositions qu’il connecte. Dans ce cas, il correspond à une unité intonative majeure comme on peut le voir dans l’exemple suivant : (98) núbi del géni héna min=zamán //

Nubi PROX.PL rester ici de=autrefois

úmon kamán éndu terík gedím šwéya / yáni // 3PL aussi avoir histoire ancien peu c’est-à-dire « Les Nubi habitent ici depuis longtemps. C’est-à-dire, ils ont aussi une histoire plus ou moins longue. »

– waláhi « pour de vrai, vraiment »

L’interjection waláhi dérive de l’interjection *waḷḷahi « par dieu » de l’arabe soudanais. En AJ, waláhi est utilisé pour renforcer la véracité de la proposition qui le suit. waláhi est toujours prosodiquement isolé et il correspond à une unité intonative mineure.

(99) waláhi / júba séme náman behenák // pour de vrai Juba beau extraordinairement

« Bien évidemment, Juba est extraordinairement belle. » (100) waláhi / de áhsan hája //

pour de vrai PROX.SG meilleur chose « C’est vraiment la meilleure chose (à faire). »

8.3.L

ES IDÉOPHONES

Les idéophones constituent une classe de lexèmes fermée et morphologiquement invariable. D’un point de vue fonctionnel, les idéophones ne constituent pas un syntagme en soi car ils intensifient toujours un adjectif. L’AJ présente un nombre assez restreint d’idéophones dérivés de l’arabe soudanais qui modifient surtout des adjectifs de couleur comme on peut le voir dans les exemples suivants :

(101) hámer tang rouge IDEOPH « Rouge intense. » (102) ábyad bang blanc IDEOPH « Blanc éblouissant. » (103) ásfar kar jaune IDEOPH « Jaune éclatant. »

Bien que les idéophones présentent un haut dégrée de spécialisation sémantique, le même adjectif peut être modifié par deux idéophones différents comme dans le cas de jedíd « nouveau » dans les exemples (104-105). (104) jedíd leng nouveau IDEOPH « Très nouveau. » (105) jedíd kurt nouveau IDEOPH « Très nouveau. »

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