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Les noms composés avec le relateur abú

Dans le document Arabi Juba (Page 55-61)

3. LE NOM ET LE SYNTAGME NOMINAL

3.2. L ES NOMS COMPOSÉS

3.2.3. Les noms composés avec le relateur abú

La dernière stratégie de composition nominale implique l’insertion du relateur abú (cf. 3.16., 7.4.4.) entre N1 et N2. Elle est particulièrement productive dans la création de noms-adjectifs dans lesquels N2 décrit des propriétés physiques ou non-physiques de N113.

(10) N1 N2

debíba « serpent » abú dáraga « sonnette » = « cobra » himár « âne » abú gíríŋ~gíríŋ « rayures » = « zèbre » zol « homme » abú kalám « discours » = « bavard » zol « homme » abú éna wáhid « un œil » = « borgne » zol « homme » abú dánaba « queue » = « malin » zol « homme » abú šánab « moustache » = « moustachu »

13 A cet égard, il faut aussi remarquer que l’AJ construit des noms d’animaux composés

par abú « père » et un autre lexème tels que abú dab « lézard », abú gáda « tortue »,

abú kówt « pingouin », abú sebíb « poulpe », abú šok « porc-épic ». Cependant, ces

Comme on le verra plus loin (cf. 3.7.), le relateur abú peut être aussi employé en combinaison avec les lexèmes rájil « homme » et mára « femme » pour indiquer le sexe biologique des animaux.

Type Relation Description

Juxtaposition Partie-Totalité Elément-Origine Producteur-Produit N1 fait partie de N2 N2 est l’origine de N1 N1 produit N2 ta POSS Partie-totalité Acteur-activité Descriptif N1 fait partie de N2 N1 pratique N2

N2 est une qualité de N1

abú « père » Descriptif N2 est une qualité de N1 Tableau 8. Noms composés et relations sémantiques

3.3.L

ES ADJECTIFS

Les adjectifs constituent une classe grammaticale ouverte et morphologiquement hétérogène. Tout comme les noms (cf. 3.1.), la distinction morphosyntaxique entre les adjectifs et les verbes n’est pas toujours évidente étant donné que certains adjetifs fonctionnent aussi comme des verbes. Ainsi moksút peut être employé comme un adjectif signifiant « content » (avec la possibilité d’être modifié par le suffixe de pluriel adjectival -ín, ex. moksut-ín « content-PL1 », cf. 3.6.1.2.), ou bien comme un verbe intransitif indiquant un changement d’état (avec la possibilité d’être modifié par les marques préverbales telle que gi=, ex. gi=moksút « NPONC=se_réjouir », cf. 5.2.). Sur le plan morpho- logique, on note quelques formes adjectivales prédominantes dérivant des schèmes morphologiques de l’arabe soudanais. Les principales formes adjectivales de l’AJ peuvent être résumées comme suit :

− Adjectifs (C)v(C)

C

Cette forme adjectivale est assez commune et elle dérive des schèmes adjectivaux de l’arabe soudanais (C)aCīC (ex. awír « borné », beíd « loin », belíd « stupide », besít « simple », degíg « étroit », gedím « vieux », geríb « proche », jedíd « nouveau »; kebír « grand », nedíf « propre », towíl « long »), et CuCaCCiC (ex. sukér « petit », gusér « court »).

− Adjectifs C

CvC

Cette forme est liée étymologiquement à des participes actifs du schème morphologique CāCic de l’arabe soudanais (ex. bárid « froid », fárek « inutile », fátih « ouvert », jáhiz « prêt », jámid « bon », šátir « intelligent », yábis « sec »).

− Adjectifs v́CCvC

Cette forme est caractéristique des adjectifs de couleur dérivant du schème aCCaC de l’arabe soudanais (ex. ábyad « blanc », ákdar « vert », ásfar « jaune », áswed « noir »).

− Adjectifs Cv́vC

Cette forme inclut les adjectifs dérivant d’un schème arabe CaCaC dont la deuxième consonne pharyngale a été élidée comme dans le cas de (*ka‘ab >) káab « mauvais » et (*ṣa‘ab>) sáab « difficile ».

− Adjectifs intégrant le suffixe *-ān

C’est une classe morphologiquement hétérogène qui inclut les adjectifs intégrant le suffixe adjectival d’origine arabe -ān (ex. atšán « assoiffé », ayán « malade », haznán « triste », falsán « fauché », galtán « coupable », ganiyán « riche » hamlán « enceinte », jián « affamé », kaslán « paresseux », melyán « plein », šabaán « rassasié », sakrán « ivre », taabán « fatigué », takyán « fatiguant », zaalán « fâché »).

− Adjectifs intégrant le suffixe *-i

Cette classe, morphologiquement hétérogène, inclut les adjectifs intégrant le suffixe adjectival masculin singulier -i de l’arabe soudanais (ex. afríki « africain », aháli « ennuyeux » ; amríki « américain », ásli « original », bémbi « rose », béri « innocent », búni « brun », galabái « négligent », gówi « fort », jenúbi « sudiste », mesíhi « chrétien », sudáni « soudanais », túrki « turc », záhabi « blonde »).

− Adjectifs intégrant le préfixe *mv-

Cette classe inclut des adjectif intégrant le préfix mv- des formes participiales derivées de l’arabe soudanais (ex. mojnún « fou », mofrúd « nécessaire », mogfúl « fermé », moksúr « cassé », moksút « content »,

muáyan « spécifique », muhím « important », mukádes « sacré » , muláwas « corrompu », murtá « content », mustájil « pressé »).

− Adjectifs rédupliqués

On relève quelques adjectifs empruntés aux langues du substrat qui apparaissent toujours dans une forme rédupliquée comme c’est le cas pour giríŋ~giríŋ « à rayures » et ŋulúŋ~ŋulúŋ « rond ».

− Autres formes adjectivales

Enfin, on relève d’autres formes dont l’incidence est assez restreinte (ex. amút « amère », batál « mauvais », benúr « grand », giyáfa « beau, chic », górgos « rugueux », hay « vivant », hílu « doux », ney « cru », ɲoŋoró « laid », súkun « chaud », šén « mauvais, laid », yugandíz « ougandais »).

3.4.L

A RÉDUPLICATION NOMINALE

La réduplication nominale est une procédure de dérivation qui permet un changement de classe lexicale des noms et des adjectifs. Certains noms, quand ils sont rédupliqués, sont réinterprétés comme des adjectifs, comme on peut le voir en (11).

(11) béle(d) « pays, village » > béle(d)~béle(d) « provincial » móyo « eau » > móyo~móyo « liquide »

rután « patois » > rután~rután « corrompu » De même, quand un adjectif est rédupliqué, il peut être réinterprété comme un nom. Tel est le cas pour l’adjectif amiyán « aveugle » dans l’exemple suivant :

(12) iyál suker-ín del b=álabu amiyán~amiyán enfant.PL petit-PL2 PROX.PL IRR=jouer aveugle~aveugle « Les petits enfants vont jouer à colin-maillard. »

Dans d’autres cas, la réduplication d’un nom (13) ou d’un adjectif (14-15) implique simplement une intensification sémantique.

(13) ána bíga yába~yába

1SG devenir homme âgé~homme âgé « Je suis devenu un homme très âgé. »

(14) kalám al jedíd~jedíd de discours REL nouveau~nouveau PROX.SG « Cette façon extrémement nouvelle de parler. »

(15) kamán fi arabát kubár~kubár gi=dówru ainsi EXS voiture.PL grand.PL~grand.PL NPONC=tourner « Il y a aussi de très grandes voitures qui roulent. »

Compte tenu de ce qui précède, il n’est pas étonnant que la réduplication adjectivale soit la stratégie la plus productive pour l’expression d’un superlatif absolu (cf. 3.4.2.). Cependant, il faut remarquer que la réduplication dans le domaine nominal est beaucoup moins fréquente que dans le domaine verbal (cf. 4.3.3.) et adverbial (cf. 8.1.5.).

3.5.L

ES DEGRÉS DE COMPARAISON

3.5.1. Le comparatif

En AJ, le comparatif d’égalité est exprimé au moyen d’un adjectif suivi par le deuxième terme de comparaison introduit par la préposition zey « comme ».

(16) ana kebír zey íta 1SG gros comme 2SG « Je suis aussi âgé que toi. »

En ce qui concerne le comparatif de supériorité, il est exprimé dans la plupart des cas par un adjectif suivi par le deuxième terme de comparaison introduit par la préposition min « de » (cf. 6.5.2.) comme on peut le voir dans les exemples suivants :

(17) jow zey de kan kwes min=sakána ta júba climat comme PROX.SG ANT bon de=chaleur POSS Juba « Un climat comme ça était mieux que la chaleur de Juba. » (18) zaráf towíl min=fíl

girafe long de=éléphant

« La girafe est plus grande que l’éléphant. »

Comme dans les dialectes arabes du Soudan occidental (Owens 1993 : 161), le comparatif de supériorité peut être exprimé au moyen

d’une tournure verbale impliquant le verbe transitif fútu « passer, dépasser ». Dans ce cas, la qualité comparée est en position de sujet et elle est modifiée par un déterminant possessif corrélé au premier terme de la comparaison, tandis que le deuxième terme de comparaison suit le verbe fútu en position d’objet direct.

(19) gúwa tái gi=fútu íta force POSS.1SG NPONC=passer 2SG

« Je suis plus fort que toi. » (lit. « Ma force dépasse toi. »)

3.5.2. Le superlatif

Dans la plupart des cas, le superlatif relatif s’exprime syntaxiquement par le déplacement de l’adjectif en tête de l’énoncé, comme on peut le voir en (20).

(20) kebír tómon yáwu tomáya grand POSS.3PL INFO Tomaya

« Le plus grand d’entre eux est Tomoya » (Miller 2008b) Cependant, les locuteurs des variétés acrolectales d’AJ peuvent employer des schèmes morphologiques élatifs d’origine arabe tels que *aḥsan > ahsan « mieux »

(21) de áhsan ikisái ta jiráha PROX.SG meilleur spécialiste POSS chirurgie « Celui-là est le meilleur spécialiste de chirurgie. »

En ce qui concerne le superlatif absolu, il peut être exprimé soit par la réduplication d’un adjectif (22), soit par la réduplication de l’adjectif- adverbe sehí « correct, bien » placé après l’adjectif (23, cf. 8.1.5.). (22) mahál tamám~tamám

lieu bon~bon « Un très bon lieu. » (23) kalám tamám seí~seí

discours bon correct~correct « Un très beau discours. »

3.6.L

E NOMBRE

Parmi les langues créoles, l’AJ est caractérisé par un système de marquage du nombre particulièrement complexe. Le pluriel nominal peut être encodé par différentes stratégies morphosyntaxiques telles que la suffixation, la supplétion, la création de formes plurielles mixtes et l’adposition nominale (Manfredi 2014)14. Malgré cela, un grand nombre de noms ne présente pas de forme marquée pour le pluriel. Cela ne concerne pas uniquement des noms collectifs et de masse tels que suf « poils, cheveux », budá « biens », benzín « essence », et ásel « miel » mais aussi des noms communs tels que bab « porte », fâtra « période », dušumán « conflit » ainsi que des adjectifs tels que hámer « rouge », giyáfa « beau » ou bárid « froid ».

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