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Une structure du périurbain induite par le développement de l’automobile

développement de l’automobile

4.2.1

Un territoire transformé par l’usage de l’automobile

Historiquement, l’apparition des espaces périurbains est corrélée au développement généralisé de l’automobile (1950), associé à une recherche de meilleure rente foncière (terrains moins chers et plus grands) à l’écart des villes, et soutenue par des politiques d’aménagement et d’amélioration des réseaux routiers et autoroutiers. L’espace périurbain en France présente un rythme soutenu d’extension de 2 % par an dans les années 60317. Il bénéficie de la croissance démographique issue du baby-boom, de

313 Bonnet, F., 2016, op. cit., p. 10. 314

Clanché F., Rascol O., 2010, Le découpage en unités urbaines de 2010, Insee Première, no 1364

315

Marchal H., Stébé J.-M., 2017, « le pré-urbain : un territoire de refuge aux confins du périurbain éloigné ». URL : https://hal- univ-bourgogne.archives-ouvertes.fr/hal-01705230/document. Consulté le 08 juin 2019.

316

Marchal H., Stébé J.-M., 2019, op. cit., pp. 45-46.

317 Aguilera A. et Conti, B., 2013, « Multipolarisation des emplois, dynamiques de peuplement et mobilités domicile-travail des

périurbains ». In Rencontres internationales du Forum des Vies Mobiles : Des mobilités durables dans le périurbain, est-ce possible ? Paris.

l’immigration et absorbe les rapatriés d’Algérie318. Dans le même temps, les activités

en se localisant à proximité des axes routiers ont renforcé le maillage fonctionnel du réseau et contribué à accentuer le phénomène de périurbanisation. Sur la période 1960/1970319, l’extension des formes urbaines redessine des territoires aux contours

mouvants nourris par un apport de ruraux quittant les campagnes et subissant la dévalorisation des activités agricoles (exode rural). Cette extension est suivie par un autre phénomène de grande ampleur d’occupation des espaces périphériques : la périurbanisation. A partir des années 1975, les couronnes périurbaines s’étendent de +2,2 % par an (1975 à 1982) puis de +1,7 % par an (1982 à 1990). Depuis les années 1990, la périurbanisation concerne plus particulièrement les espaces ruraux avec un rythme qui se poursuit en se ralentissant légèrement (+1,3 % par an depuis 1999). Ainsi, l’espace périurbain s’éloigne des villes et poursuit sa croissance par couronnes successives (Figure 24, page 140).

Figure 24 : Evolution de la population des espaces des aires urbaines

(Source : Insee 2009, traitement S. Loubié)

Jusqu’aux années 80, la population des centres villes et des banlieues connait une chute importante alors que dans le même temps le taux moyen d’augmentation de la démographie des couronnes périurbaines est très important. Ensuite, alors que les banlieues des pôles urbains poursuivent leur régression, la courbe du taux moyen

318

Gabet P., 2004, « Étude méthodologique sur la connaissance des déplacements des périurbains. Tome 1 : Analyse de l’enjeu des périurbains en déplacements », Rapport technique, Cete nord Picardie, Certu, pp. 11-18.

319

Baccaini B. et Semecurbe F., 2009, « La croissance périurbaine depuis 45 ans Extension et densification », Insee Première, n°1240, 4 p. 0 5 000 000 10 000 000 15 000 000 20 000 000 25 000 000 1962 1968 1975 1982 1990 1999 2006 N o m b re d 'h a b it a n tse Villes-centres des pôles urbains Banlieues des pôles urbains Couronnes périurbaines

d’évolution des villes-centres des pôles urbains repart à la hausse alors que celle des couronnes périurbaines s’effondre pour ensuite se redresser au début des années 2000. La reprise de croissance des espaces périurbains pose la question de l’avenir de ces espaces, lesquels par un lent processus de phagocytage, sont absorbent les espaces ruraux (Figure 25, page 141).

Figure 25 : Evolution des taux moyens démographique

(Source : Insee 2009, traitement S. Loubié)

Selon l’Insee320, le développement du périurbain est corrélé à une disponibilité du

foncier urbanisable au faible coût. Ce foncier a permis aux familles, parfois aux revenus modestes, d’accéder à la propriété et à la résidence individuelle dans de meilleures conditions économiques. Par exemple, entre 2002 et 2006, une maison pouvait être acquise pour en moyenne 136 000 € en zone rurale et 163 000 € en périurbain contre 200 000 € dans les grandes agglomérations. Cependant, depuis ces années 2000 l’Insee remarque que les ménages modestes accèdent moins facilement à cette propriété périurbaine. En effet, 47,5 % des accédants ayant acheté un habitat neuf entre 2002 et 2006 résident en zone périurbaine ou rurale éloignée; ils étaient 38,3 % à la fin des années 1990 contre 29 % au début des années 1990.

Ainsi, dans ce qui est perçu comme un sentiment d’évasion à la campagne321, une

forme de libération sociale, le périurbain a permis principalement aux classes

320 Briant P., 2010, L’accession à la propriété dans les années 2000, Insee première n°1291, mai 2010, 321

Orfeuil, J.-P, 1995, « Mobilité : les territoires du quotidien », in Ascher F. (dir.), Le logement en questions, La Tour- d’Aigues, L’Aube, pp. 171-188. -0,5 0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 1962-1968 1968-1975 1975-1982 1982-1990 1990-1999 1999-2006 T a u x m o y en d v o lu ti o n Villes-centres des pôles urbains Banlieues des pôles urbains Couronnes périurbaines

moyennes d’accéder à une propriété pavillonnaire322 et ce pour s’extraire notamment

de la promiscuité des habitats collectifs. Ce mouvement est nourri par un rêve de maison individuelle que François Madoré explique « par la conjonction de divers éléments : recherche d’espace et de confort, flexibilité de l’habitat, épanouissement de la vie familiale, besoin d’appropriation, sécurité matérielle et affective, réussite sociale, rejet de l’habitat collectif, contact avec la nature »323. Ces espaces attirent

aussi une partie de la population subissant fragilité économique et/ou sociale324, et

peuvent devenir « des espace de marginalisation active »325

dans lesquels une précarité s’installe et est renforcée par le caractère monomodal des déplacements. Jean-Pierre Orfeuil rappelle que « 25 % du budget est absorbé par les déplacements habituels dans le grand périurbain francilien (bien que l’automobile ne soit utilisée que pour le « strict nécessaire », mais ce « strict nécessaire » est beaucoup plus élevé qu’ailleurs), et que cette part budgétaire « compense » largement les économies sur le logement » et rajoute que « toute rupture dans le cours normal des choses peuvent s’avérer problématique »326 et peut remettre en question cette localisation dans le

périurbain (perte de permis, séparation, licenciement…). La fragilité d’une partie des ménages périurbains risque alors de les assigner à domicile ou à procéder à de nouveaux arbitrages en faveurs de la mobilité (réduction des loisirs…). L’engouement pour les espaces périurbains et ruraux est résumé lapidairement par la formule « Vivre en ville hors de la ville » traduisant une volonté de vivre dans un espace aux signes de ruralité évidents (un profil de village typique, des remparts médiévaux, une culture identitaire…), enraciné dans un environnement qualitatif (proximité de la nature, agriculture de proximité…), avec des aménités considérées comme plus authentiques que celles d’une ville, mais revendiquant des services équivalents (commerces, services publics…). Ainsi, Xavier Desjardins souligne que le périurbain français présente certaines particularités et invite à « dépasser une lecture négative de ces espaces et à repenser leurs aménagements en conciliant les objectifs collectifs avec la prise en compte des qualités que les habitants reconnaissent à cette espace : une forme inédite de conciliation de la ville et de la nature, un mode de vie combinant qualité du logement et vie collective choisie » 327.

En termes de mobilité, nous nous accordons avec ces propos à l’échelle locale où le maintien de la qualité des espaces évoqués doit composer des villes de courtes distances privilégiant les modes actifs. Cependant, ces espaces impliquent aussi un mode de vie qui reste comparable à celui de l’urbain328 auquel s’ajoute un lien avec

des zones d’emplois éloignées. Des déplacements pendulaires contraints nécessitent alors de disposer d’un moyen de transport efficace au quotidien. A ce titre, la voiture,

322Berger M., Fruit J.-P., Pleft., Robic M.-C., 1980, « Rurbanisation et analyse des espaces ruraux périurbains », L’Espace

Géographique, n ° 4, pp. 303-313.

323

Devisme L. (dir), 2007, « La structuration du périurbain : Synthèse bibliographique », Cahier du PUCA Pays de La Loire, cahier n’°1, 114 p.

324 Guilly C., 2014, La France Périphérique : comment on a sacrifié les classes populaires. Paris, Flammarion. 192 p. 325 Milhaud O., 2017, La France des marges, Documentation photographique, la documentation française, mars-avril 2017 326 Orfeuil J.-P., 2010, op. cit.

327 Desjardins X., 2017, « Les espaces périurbains : une marge urbaine à soigner ou une nouvelle banalité territoriale ? »,

Bulletin de l’association des géographes français, 2017/3, pp. 489-50.

328

par sa souplesse d’utilisation, reste encore le mode le plus efficace comme nous allons le voir à présent.

4.2.2

Une mobilité conditionnée par l’automobile

Julie Guicheteau et Louise Millette mettent en évidence le cercle vicieux du développement accès sur l’automobile329 avec ses aspects négatifs d’étalement urbain

et l’augmentation des infrastructures et des déplacements se traduisant par une baisse de qualité de vie (pollutions, nuisances…) qui engendrent un nouvel étalement urbain. Dans le même temps les modes alternatifs sont moins compétitifs et le risque de marginalisation des non motorisés augmente. L’espace périurbain est lié à l’urbain par un rythme de déplacements domicile-travail et s’inscrit dans ce cercle vicieux. Cependant, la variabilité de l’organisation du périurbain dépend de l’organisation spatiale vers l’extérieur, mais aussi du niveau de satisfaction des besoins internes auxquels le territoire périurbain peu répondre. Le poids, la proximité des zones urbaines vont déterminer l’absorption, le degré de phagocytage des fonctionnalités urbaines des espaces périurbains, mais leurs capacités à créer des espaces économiques et à encourager le maintien des acteurs sur leur territoire, par exemple avec le télétravail, doit pouvoir briser ce cercle vicieux, ou du moins limiter son impact. Dans le cas contraire, les contraintes liées à la distance au travail et aux services viennent moduler l’aspect supposé qualitatif du territoire périurbain. Les temps de déplacement conditionnés par des années de politiques d’aménagement accompagnant l’étalement urbain (lotissement, zones commerciales centrées sur l’usage de la voiture…) risquent effectivement de renforcer la dépendance automobile identifiée par Gabriel Dupuy330. Par ailleurs, cette problématique d’accès

à l’urbain ne concerne pas que les actifs. A différents stades de la vie l’accès au périurbain peut être recherché. Ainsi le cycle de la vie des ménages est marqué par des phases d’attrait pour le périurbain (achat d’un logement avec un jardin) et ce bien que les transports des scolaires et la localisation des établissements ne répondent pas toujours à une logique d’optimisation des dessertes des territoires et contraignent les scolaires à être captifs du transport public. Ils s’en libéreront généralement en accédant à une automobile. Sont aussi concernés par cet attrait, les personnes retraitées ou en situation de précarité. Remarquons aussi que les français sont très attachés à la voiture et parcourent dans cet habitacle de plus en plus de kilomètres par jour : 17,4 km en 1988, 23,1 km en 1994 et 25,2 km en 2008 (ENDT). A cela, correspond un budget temps de transport (BTT) par habitant relativement stable au niveau national : 54,8 minutes par habitant en 1988, 54,7 minutes en 1994 et de 56,4 minutes en 2008 (ENDT). Ce BTT avoisine l’heure dans différentes villes : 67 min à Lyon (2006), 66 min à Bordeaux (2009) et à Lille (2006), 64 min à Marseille (2009), 58 minutes à Grenoble (2010), et 63 minutes à Montpellier (2014). De nouveaux isochrones se dessinent impliquant de nouvelles contraintes de mobilité pour les

329 Guicheteau J., Millette L., 2012, Projets efficaces pour une mobilité durable, facteurs de succès, Presses internationales

Polytechnique, p. 11 (131 p.)

330

ménages, et amènent à discuter la conjecture de Zahavi331 sur la « constance du

budget-temps de transport » avec des indices de fin de cette conjoncture par une augmentation du budget-temps. Plus l’espace accessible s’étend, plus « les citadins profitent des progrès de la vitesse des moyens de transport pour augmenter la portée de leurs déplacements, et ainsi, élargir le cercle des ressources dont ils peuvent se servir »332. Les habitants du périurbain parcourent trois fois plus de distances que les

habitants d’un centre-ville et ce parfois avec sur de très longues distances (10 % cumulent 80 km de trajets journaliers). L’accroissement de ces distances est compensé par l’augmentation de la vitesse praticable grâce à la diffusion de la motorisation et à la généralisation d’infrastructures permettant des déplacements rapides (nous l’avons vu précédemment, cette vitesse est aussi limitée par la réglementation). Ces chiffres cachent toutefois de réelles disparités, les moyennes prises en compte étant écrasées par les moyennes des habitants des espaces proches des grandes métropoles. La figure suivante, issue de l’Enquête Nationale Transports Déplacements (2008)333, montre les caractéristiques des mobilités périurbaines avec

un taux élevé de possession et d’utilisation de véhicule (Tableau 11, page 144).

Tableau 11 : Caractéristiques des conditions de mobilité selon les territoires

(Source : O. Paul-Dubois-Taine, 2012)

331 Joly I., Crozet Y., Bonnel P., Raux C., 2002, La « Loi » de Zahavi, quelle pertinence pour comprendre la contraction ou la

dilatation des espaces-temps de la ville ? Rapport de recherche. 2002. <halshs-00088507>

332

Bavoux J.-J., Beaucire F., Chapelon L., Zembri P., 2005, Géographie des transports, pp. 10-11 (608 p.).

333

Ainsi, la voiture est l’élément structurant des modes de vie des résidents du périurbain, elle permet de satisfaire les besoins de services et d’emplois mais aussi elle contribue aussi à une appropriation individuelle de ces territoires334. L’alternative

se résume le plus souvent à un service social de transport en commun à efficacité réduite et s’adressant à une population captive335 et par quelques offres alternatives

encore faibles (covoiturage courte distance, autostop pour les plus récentes). Un rapport de la mission d’étude interministérielle336 montre que déjà en 1979 le taux

d’équipement des ménages du périurbain était de 96 %, contre 65 % en moyenne nationale.

En 2013, ce chiffre est légèrement plus faible avec 95 % des habitants du périurbain qui disposent au moins d’une voiture et deux tiers d’entre eux disposant au moins de deux voitures. Mais l’accès à une ligne de transport collectif est plus difficile dans ces territoires (16 à 33 % des effectifs disposant d’une ligne de transport en commun à moins d’un kilomètre du domicile). En effet, les espaces périurbains présentent une offre de transport public reconnue comme déficitaire337 et les transports publics

interurbains restent peu compétitifs face à la voiture. Ces derniers sont généralement inadaptés pour des actifs (faibles fréquences, amplitudes horaires restreintes) bien que connectés aux transports collectifs urbains par les pôles d’échanges intermodaux. Dans son analyse, Mathieu Drevelle338, en exploitant les données de l’Enquête

Nationale Transports et Déplacements de 2007-2008 (ENTD), montre la variété des motifs de mobilité des périurbains en France ainsi que leurs relations spatiales et leurs complémentarités. Son analyse indique que « le lien des périurbains avec l’agglomération reste fort, tant pour des activités quotidiennes ou nécessaires (travailler, se soigner) que pour des motifs plus exceptionnels »339. Il met en évidence

des distances fonctionnelles entre la ville et la couronne périurbaine qu’il considère comme le lieu de sociabilité et des activités domestiques. Il indique en outre que la mobilité périurbaine n’est pas uniquement liée à des relations domicile/travail à destination des zones urbaines. Il rappelle que l’émergence de pôles périurbains, le chaînage de déplacements combinant plusieurs motifs renvoi à une analyse plus complexe des liens de mobilité entre différents territoires (Figure 26, page 146).

334 Le Breton E., 2017, « L’espace social des mobilités périurbaines », Sociologies [En ligne], Dossiers, Où en est le

pavillonnaire ?, mis en ligne le 21 février 2017, consulté le 18 août 2017. URL : http:// Sociologies.revues.org/5917

335

Paul-Dubois-Taine, O., 2012, Les nouvelles mobilités dans les territoires périurbains et ruraux. La documentation Française, pp. 66-67 (129 p.).

336 Mayoux, J., 1979, Demain l’espace. L’habitat individuel périurbain, le rapport de la mission d’étude interministérielle, Paris

la documentation Française, 143 p.

337

Drevelle, M., 2015, Desservir les faibles densités par les transports collectifs routiers : des réseaux aux prises avec le territoire, Thèse de géographie-Aménagement, Université de Paris 1 – Panthéon Sorbonne, p. 3 (430 p.).

338 Bien que l’analyse reste succincte, comme le rappelle son auteur, elle présente le mérite de montrer l’articulation des

destinations « privilégiées » par motif des périurbains des grandes agglomérations françaises et la relation entre la ville et la couronne périurbaine et interroge sur la multiplicité des motifs et la variabilité des distances. M. Drevelle, 2012, « Métro, boulot, dodo… et le reste : motifs de mobilité périurbaine et relation à l’agglomération » [on ligne],

http://groupefmr.hypotheses.org/685. Consulté le 24 décembre 2017.

339

Figure 26: Destination « privilégiées des périurbains des grandes agglomérations françaises en fonction des motifs de déplacements

(Source : M. Drevelle, 2012, https://groupefmr.hypotheses.org/685 ).

Nous verrons plus en avant que les déplacements pendulaires tendent à s’effacer sur notre territoire d’étude au profit d’autres types de motifs. Toutefois, ils restent structurants pour dimensionner les équipements. L’étalement périurbain conduit aussi les ménages à majorer le poids économique du déplacement en utilisant leur voiture, à l’image de l’ensemble du territoire national, pour une forte part des déplacements et ce toute distance confondues ce qui impacte très négativement le bilan carbone de ces territoires par accroissement de l’inégalité d’accès aux pôles générateurs340.

Pourtant, sur les faibles distances du quotidien, les modes actifs (marche à pied, vélo…) constituent un des atouts de la mobilité périurbaine, et comme nous le verrons, ils peuvent constituer une part modale importante des déplacements de proximité. Certains auteurs font aussi remarqués que la mobilité périurbaine est séquentielle et qu’elle est réduite le week-end, les périurbains se déplaçant peu pour profiter de ce cadre de vie. Les mouvements s’inversent alors et ce sont les habitants des villes-centres qui effectuent un déplacement vers les zones rurales pour rechercher un cadre de vie plus agréable (sorte de mobilité compensatoire nommée

340

Merceron, S., Theulière, M., 2010, « Les dépenses d'énergie des ménages depuis 20 ans : Une part en moyenne stable dans le budget, des inégalités accrues ». Insee Premières, N°1315, 2010

« effet barbecue » par Jean-Pierre Orfeuil, mais dont l’effet reste limité341). Ainsi, les

déplacements des habitants du périurbain sont liés d’une part à une variété de motif et d’autre part à une spécialisation fonctionnelle des destinations (démarches administratives, achats, accompagnement, loisirs…).

Pour un habitant du périurbain, prendre sa voiture reste indispensable pour aller en ville, travailler ou pour des déplacements exceptionnels (gros achats, médical…). Cet asservissement à la voiture individuelle est particulièrement net dans les relations domicile-travail.

4.2.3

Des comportements hétérogènes

Comme il vient d’être abordé, les modes de vie du périurbain sont caractérisés par une bi-appartenance des habitants qui implique des déplacements liant des territoires à la structure hétérogène. Au risque de simplifier une réalité complexe des mobilités, Laurent Cailly propose un « pack périurbain »342 pour exprimer la diversité des

situations et montrer la place occupée par la mobilité dans ce fonctionnement. Il propose une classification de l’intensité de la relation343 au territoire et à la mobilité.

Selon l’adoption d’un mode de vie, ce pack pose trois grandes figures :

- l’usager « reclus », évalué à 25 % de la population, et représenté par les repliés ou captifs du périurbain à la faible mobilité en-dehors du motif travail, se caractérisant par un investissement fort dans leurs logements.

- le « villageois » qui représente 45 % des types est un navetteur périphérique conciliant travail en ville et ancrage local dans un bassin de vie périurbain. - le « métropolitain », qui représente 30 % des cas est qualifié d’hypermobile,

vivant souvent « hors de chez lui » à la mobilité intense dans une pluralité des territoires de vie.

Rodolphe Dodier344 et Lionel Rougé345 puis Mathieu Drevelle346, reprennent ces

éléments et décrivent neuf grands types de périurbains. Ils révèlent une diversité en récusant la seule relation de distance (Figure 27, page 149).

Le détail de ces types éclaire sur l’hétérogénéité des pratiques, bien qu’il existe des variations selon le poids économique des villages du périurbain, la taille de la ville

341

Munafò S., 2017, « Forme urbaine et mobilités de loisirs : l’« effet barbecue » sur le grill », Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne], Aménagement, Urbanisme, document 832, mis en ligne le 16 octobre 2017, consulté le 08 juin 2019. URL : http://journals.openedition.org/cybergeo/28634 ; DOI : 10.4000/cybergeo.28634

342

Cailly L., 2007, « Capital spatial, stratégies résidentielles et processus d’individualisation », Annales de géographie, n° 654 / 2, A. Colin, p. 169-187 et aussi Cailly L., 2008, « Existe-t-il un mode d’habiter spécifiquement périurbain ? », Espaces Temps, Textuel, URL : http://espacestemps.net/document5093.html.

343

Le Breton E., 2017, op. cit.

344

Dodier R., 2009, Individus et groupes sociaux dans l’espace, Apports à partir de l’exemple des espaces périurbains. Habilitation à diriger des recherches, Université du Maine.

345 Rougé L. (dir.), Gay C., Landriève S., Lefranc-Morin A., Nicolas C, 2013, « Réhabiliter le périurbain. Comment vivre et

bouger durablement dans ces territoires ? », Forum vies mobiles, 2013, 144 p., ISBN : 9782919507177

346

centre, l’appartenance sociale… Nous reprenons ici leurs descriptions de manière simplifiée en les commentant :

- Les trois premiers types illustrent des situations de contraintes pesant sur la capacité à se déplacer et caractérisant une faible mobilité, voire une mobilité subie faisant référence à une mobilité physique limitée voire empêchée et à une mobilité sociale limitée par l’âge ou l’inactivité (« reclus » terme pour lequel nous préférons le terme de « captif » qui ne renvoie pas une vision de retrait du monde mais de privation relative de liberté). La mobilité peut être limitée par des facteurs exogènes comme le poids économique des déplacements qui contrarie les désirs de mobilité ou les conditions sociales (les « captifs » qui sont souvent des captives (voir § 1.2.3, page 49) en passant par les personnes en repli social (les « repliées »). Ce type rejoint, à notre