• Aucun résultat trouvé

1.1.1

La mobilité, un droit générique

Un des instruments puissants mis en œuvre pour gouverner est la maîtrise de la mobilité des populations52. Le droit de circuler, élément constitutif de la mobilité, est

adossé à l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, dont l’alinéa 1 stipule que : « Toute personne a le droit de circuler librement »53. Par

cet alinéa, nous disposons théoriquement d’une liberté géographique de mouvement à l’intérieur d’un pays et entre les différents pays. Cependant, à la différence d’un traité ou d’un accord, la portée juridique de la Déclaration universelle des droits de l’Homme n’est pas contraignante mais a une haute valeur morale par l’engagement international qu’elle présente. Toutefois, la liberté de circulation est une liberté individuelle traduite dans la Convention européenne des droits de l’Homme qui a force de loi nationale en France via l’article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958. Ainsi, condition primordiale à l’exercice de tous les droits fondamentaux, notre interaction avec l’espace où s’exerce la composante des déplacements est reconnue comme un droit essentiel. Elle peut s’élever au rang des droits inconditionnels car le droit à la mobilité peut être considéré comme « un droit générique qui commande tous les autres »54.Voilà identifié l’enjeu fondamental de notre exercice car, bien qu’il

existe des restrictions à toute liberté, nous affirmons l’importance avec laquelle la

50

Un système est un ensemble d’éléments interdépendants en interactions dont le tout est plus que la somme des parties. Les systèmes ne sont pas immuables, ils naissent, systémogenèse, et disparaissent, systémolyse, comme le précise le « Dictionnaire d’analyse spatiale » (Bavoux J.-J. et Chapelon L., 2014, op. cit., p. 538).

51

Urry J., 2005, « Les systèmes de la mobilité », Cahiers internationaux de sociologie, 2005/1, n° 118, p. 23-35. DOI : 10.3917/cis.118.0023. URL : https://www.cairn.info/revue-cahiers-internationaux-de-sociologie-2005-1-page-23.htm. Consulté le 10 août 2018.

52

Adey P., 2010, Mobilit, Key ideas in geography, Ed. Taylor et Francis, p. 19 (288p.).

53

Article 13. 1 de la DUDH URL : http://www.un.org/fr/documents/udhr/#a13. Consulté le 20 février 2018.

54

Orfeuil J.-P., 2011, « Dix ans de « droit à la mobilité », et maintenant ? », Métropolitiques, 16 septembre 2011. URL :

mobilité doit être prise en compte et la nécessité de rendre effectif le droit de toute personne, y compris celle dont la mobilité se trouve réduite temporairement ou définitivement (par handicap physique, cognitif, financier, culturel ou social), de se déplacer et d'en choisir les moyens dans des conditions raisonnables d'accès, de qualité et de coût pour elle et la collectivité, comme cela est précisé dans la Loi d'Orientation des Transports Intérieurs (LOTI) désormais défini aux articles L. 1111- 1 et suivants du Code des transports (Encadré 1, page 34).

Article L. 1111-1 du Code des transports : « Le système des transports doit satisfaire les besoins des usagers et rendre effectif le droit qu'à toute personne, y compris celle dont la mobilité est réduite ou souffrant d'un handicap, de se déplacer et la liberté d'en choisir les moyens ainsi que la faculté qui lui est reconnue d'exécuter elle-même le transport de ses biens ou de le confier à l'organisme ou à l'entreprise de son choix. La mise en œuvre de cet objectif s'effectue dans les conditions économiques, sociales et environnementales les plus avantageuses pour la collectivité et dans le respect des objectifs de limitation ou de réduction des risques, accidents, nuisances, notamment sonores, émissions de polluants et de gaz à effet de serre. »

Encadré 1 : Extrait du Code des transports, article L. 1111-1.

Pourtant, nous ne sommes pas tous égaux face à cette liberté. La capacité physique cognitive et financière, la possession d’un moyen de déplacement ou la proximité d’un réseau public peut transformer ce droit en privilège55 et la difficulté réelle

d’accès aux moyens de mobilité peut être source d’exclusion sociale temporaire ou définitive. Ainsi, le cadre peine à répondre aux situations complexes. Eric Le Breton56

propose un éclaircissement en distinguant deux registres de mobilité : la « mobilité- liberté » et la « mobilité générique ». La première relève du droit, la seconde désigne l’accès des personnes aux aménités quotidiennes qui est marquée par des inégalités (spatiales, territoriales, sociales, économiques…) et peut remettre en question la « mobilité-liberté ». Notre propos s’intéressera donc par la suite à la mobilité générique. Mais avant d’analyser cette dernière, nous allons nous intéresser à l’assimilation progressive du paradigme de la mobilité en Sciences Humaines.

1.1.2

Une influence des approches économiques et démographiques

Les premières prises en compte de la mobilité sont généralement reconnues dans les travaux liés à la compréhension fonctionnelle de l’organisation de l’espace nécessaire aux analyses économiques. Parmi différents auteurs ayant mis en exergue cette historicité, Emile Mérenne indique dans une synthèse sur la géographie des transports que lors de la « seconde moitié du XXème siècle, les prémices de certaines de ses composantes se retrouvent dans des travaux réalisés au XIXème et au début du XXème

55

Bavoux J.-J., Beaucire F., Chapelon L., Zembri P., 2005, Géographie des transports, Presses Universitaires de France, p. 42 (231 p).

56 Le Breton, E., 2018, « Société mobile : vers une politique des mobilités ? Une exploration autour de cinq enjeux »,

EspacesTemps.net, Travaux, 2018/03/16. URL : https://www.espacestemps.net/articles/societe-mobile-vers-politique-mobilites- exploration-autour-de-cinq-enjeux/. Consulté le 02 novembre 2018.

siècle par les économistes allemands J. H. Von Thünen57 et A. Wéber58 [qui présentent

une amorce] de la théorie de la localisation » et du moindre coût respectivement pour les activités agricoles et industrielles. Il précise ensuite que « le modèle mis au point par le géographe allemand W. Christaller […] est une théorie spatiale cherchant à expliquer la hiérarchie des villes sur la base de leur taille, de leur localisation et de leur fonction »59 (Figure 1, page 35).

Figure 1 : Le système des lieux centraux

(Modèle de W. Christaller in Ciattoni A., Veyret Y., 2013)

En corrélant étroitement la taille des villes et leurs rayonnements à la portée de leurs fonctions, cette théorie des lieux centraux fait abstraction de différents paramètres comme le coût des transports ou l’accessibilité d’un lieu et pose l’espace comme un continuum homogène60. Elle permet néanmoins de modéliser une première vision de

l’organisation spatiale des réseaux, malgré un aspect volontairement isotrope, et de rendre compte de la « loi de localisation » ou de « distribution de places centrales »61.

Elle met en évidence que la loi de l’offre et de la demande structure l’organisation des villes et leurs hiérarchies, à condition d’apporter les corrections dues aux facteurs de déviances, tels que la topographie et l’orographie. Cependant, les déterminants économiques et naturels ne semblent pas suffisants car ils occultent les déterminants politiques, qui modèlent l’aménagement du territoire, auxquels s’ajoutent les

57

Von Thünen a développé les bases mathématiques de la théorie de la productivité marginale, résumées par la formule suivante : R = r×, p – c, – r×T×m Avec : R = la rente foncière, r = le rendement par unité de surface, p. = le prix du marché par unité de produit, c = les charges de fabrication par unité de produit, T = le coût du transport, en unité de compte par unité de produit et par unité de distance, m = la distance au marché.

58

A. Wéber généralise le problème de Fermat de la théorie de l’attraction-répulsion qui précède l’émergence de la Nouvelle économie géographique.

59

Mérenne É., 2003, Géographie des transports. Contraintes et enjeux. Rennes, Presse Universitaires de Rennes, pp. 14-15 (279 p.).

60

Scheibling J., 2011, Qu’est-ce que la géographie ?, Hachette supérieur, Coll. Carré géographie, 2ème édition, p. 59 (255 p.).

61

variations de comportement mises en lumière par les recherches sociologiques récentes. En 1929, William L. Reilly apporte un complément par sa loi de gravitation du commerce de détail qui explique que les flux entre deux villes sont proportionnels au carré de leur distance. Donc plus une ville est grande, plus ses flux avec d’autres villes sont importants, plus les villes sont lointaines et plus les flux sont faibles62. Il

est proposé au lecteur de garder cet élément explicatif en tête pour l’appliquer aux réflexions de mobilité sur l’espace périurbain.

A la suite de l’école de Chicago dans les années 20, dont le principal thème de recherche portait sur le fonctionnement des mobilités sociales, et non pas spatiales, l’approche géographique s’affirme par la création de l’école américaine de géographie des transports de l’université de Washington, (Seattle, 1950), qui innove dans ce domaine. Edward Louis Ullman (1912-1976), spécialiste de la géographie des transports, contribue à la percée d’une « Nouvelle Géographie » en réorientant la méthodologie vers des relations spatiales, liant les sociétés et leur environnement à des faits de relation63.

En 1955, Maximilien Sorre (1880-1962), publie une étude sur « Les migrations des peuples. Essai sur la mobilité en géographie » qui fait entrer l’étude de la mobilité au sein de la géographie française. Selon Vincent Adoumié et Jean-Michel Escarras « ce qui fait le grand intérêt du livre est ce que l’auteur appelle « l’impulsion migratoire » qui ne se limite pas aux faits économiques et sociaux »64. Ainsi, après une première

période de géographie descriptive, est introduite la modélisation des réseaux de transport qui s’intéresse aux trafics, aux interactions entre le système de transport et son environnement opérationnel. Elle développe les aspects physiques, socio- économiques, politiques, administratifs et le niveau technologique d’un territoire. D’après Paul Claval, l’idée phare de cette approche est le caractère particulier et spécifique de la mobilité de chaque individu, en indiquant « qu’au cours d’une journée, chacun joue successivement une série de rôles qui diffèrent souvent de ceux du voisin »65, la mobilité est donc caractérisée par une inconstance. Il met aussi en

évidence le rôle de l’espace qui induit une friction due à la distance dans le système de transport. Friction que nous découvrirons importante dans le système des mobilités périurbaines.

Dans les années 60, Maurice Wolkowitsch propose une vision multiscalaire pour analyser les rapports entre infrastructures et territoires (notamment dans son « Economie régionale des transports dans le Centre et le Centre ouest » de 1957) ce qu’il consacre dans sa « Géographie des transports »66 en 1973, rééditée en 1992,

par l’étude des circulations et des flux de marchandises. L’auteur, après un développement technique et quantitatif, caractéristique de la géographie circulatoire,

62

Scheibling J., 2011, op. cit., p. 69.

63

Claval P., 2013, Histoire de la géographie, Presses Universitaires de France, Que sais-je ?, p. 96 (128 p.).

64

Adoumié V., Escarras J.-M., 2017, Les mobilités dans le monde, Ed. Hachette, p. 17 (192 p.).

65

Claval P., 2017, Géo-épistémologie, Armand Colin, Collection, p. 41 (128 p).

66

consacre un court paragraphe à la mobilité des hommes dans l’espace mais suffisant pour nous interpeller. Il écrit : « la circulation ne répond donc pas exclusivement à des fins économiques, mais elle est chargée d’une profonde signification humaine »67,

affirmation qui signe une étape du changement de paradigme orientant une nouvelle approche des mobilités. Il s’interroge aussi sur les liens spatiaux et précise plus en avant que « les progrès des moyens de transports assurent à l’homme une mobilité jusqu’alors inconnue ; ils ne permettent pas seulement la fébrilité des déplacements caractéristiques des grandes agglomérations urbaines ; ils conduisent aussi à donner une nouvelle dimension à l’espace dans lequel évolue l’homme dont le besoin d’évasion est extrême »68. L’évolution des relations entre l’homme et la mobilité

change aussi son rapport à l’espace et au temps en bénéficiant des progrès technologiques. La conclusion est prémonitoire de l’évolution de la pensée des mobilités dans un monde globalisé : « Cette mobilité, fait majeur de notre époque, devrait conduire les hommes à penser les problèmes à l’échelle de la terre »69.

Cette démarche de géographie des circulations est enrichie par les travaux de Pierre George (1909-2006), plus intéressé dans son œuvre par les hommes que par les espaces physiques70, et qui marque une rupture dans le continuum des concepts. En

1970, dans son « Dictionnaire de géographie », sont évoqués les déplacements des populations qui induisent un changement de lieu (« mobilité résidentielle ») et la mobilité de la main d’œuvre liée à une évolution des conditions sociales, soit directement, soit au travers des processus de recyclage et de réadaptation professionnelle71 (« mobilité sociale »). Toutefois, ce dictionnaire garde une part

importante de calcul des volumes de déplacements pour décrire les mobilités.

Les années 70 marquent une étape qui influence la géographie des transports. La « Nouvelle Géographie », et sa méthode déductive, est initiée en France par opposition à la géographie classique, dite vidalienne en référence à Paul Vidal de la Blache72 (1845-1918), qui vise à rendre compte des densités, mais se veut possibiliste

en montrant que la pesée de l’environnement n’est pas immuable73. Ici est pressentie

la place majeure des mobilités en géographie, comme le souligne Paul Claval dans ses propos : « Si les interprétations vidaliennes échappent au déterminisme, c’est surtout à cause de la place qu’elles accordent aux déplacements, à la circulation et aux jeux de complémentarités qu’ils autorisent »74, et d’ajouter que « cette analyse

des circulations ne peut être dissociée des rapports avec le milieu local »75. Cette

nouvelle géographie est marquée par l’édition en 1973 de l’ouvrage de Peter Haggett

67 Wolkowitsch M., 1973, op. cit., p. 348. 68 Ibid., p. 349.

69

Ibid.

70

Adoumié V. et Escarras J.-M., 2017, op. cit., p. 18.

71

George P., 1970, réédition de 1984, Dictionnaire de la géographie, p. 287 (478 p.).

72

Vidal de la Blache P., 1922, Principes de géographie humaine. Paris, 328 p.

73

Claval P., 2013, op. cit., p. 81.

74

Cité par Adoumié V., et Escarras J.-M., 2017, Les mobilités dans le monde, Ed. Hachette, p. 7.

75

sur la théorie de l’analyse spatiale76. La mobilité, en changeant d’échelle, devient le

cœur du système économique à implication locale. La localisation, le lien spatial reliant les choses aux mouvements est alors établi.

Pour le « Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement »77 le déplacement est la

propension d’une population à changer de positionnement dans l’espace. L’évaluation de ces déplacements reste ici toutefois limitée, car ce dictionnaire fait état du nombre moyen de déplacements motorisés en excluant la marche à pied, ce qui était aussi le cas des premières enquêtes ménages déplacements. Ce mode représente pourtant aujourd’hui 7 % des déplacements domicile/travail pour les actifs français en France (Insee, 2017). Il est légitime de supposer que cette proportion était alors plus importante, mais restait invisible dans les analyses. En outre, aucun état du déplacement non réalisé, ou de la demande latente, en raison de contraintes économiques, de défaut d’une offre adaptée, ou d’accessibilité, n’est pris en compte à ce stade.

La mobilité autogène et la mobilité potentielle restent donc ignorées. Ainsi, nous retenons que le déplacement est un élément descriptif de la mise en œuvre de la mobilité et désigne « des trajets entre une origine et une destination, auxquels sont attribués des motifs et des modes de transports »78. Les flux, notion plus spécifique,

désignent « des quantités et des directions, reliées à des processus de nature économique ». Quant aux trafics, ils « expriment des flux acheminés par des moyens de transport et des infrastructures organisés en réseaux »79. Le motif à l’origine et la

destination, le volume de flux, les trajets, les motivations relèvent de la description de la mobilité mais ne sont pas suffisants pour qualifier la mobilité dans son entièreté.

1.1.3

L’affirmation du paradigme de mobilité en géographie

La fin du XXème siècle poursuit cette volonté d’infléchir une géographie quantitative par des réflexions sur l’organisation des territoires, par exemple avec les travaux de Daniel Noin, spécialiste des questions de population, qui renforce l’approche pluridisciplinaire. Il détermine une nouvelle formalisation qualifiée de tournant épistémologique, où « l’analyse critique est dorénavant au service de la réflexion sur les territoires des mobilités qui ne sont plus l’objet d’études secondaires »80. Il

s’intéresse d’ailleurs dans sa « Géographie de la population »81 aux formes de

mobilité, tout en donnant à cette idée l’acceptionde la circulation des personnes.

76

Scheibling J., 2011, op. cit., p 91.

77

Merlin P. et Choay F., 1998, Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagent, p. 414 (723 p.).

78

Bavoux J.-J., Beaucire F., Chapelon L., Zembri P., 2005, op. cit., p. 11.

79

Ibid.

80

Adoumié V., Escarras J.-M, 2017, op. cit., p. 19.

81

Entre 1990 et 2005, huit ouvrages de référence en géographie des transports82 sont

recensés. La part consacrée aux mobilités croît peu à peu en fonction d’une prise en compte parfois contrariée par une difficulté de représentation et de définition du concept. Depuis, moins d’ouvrages consacrent tout ou partie de leurs contenus à cette thématique des mobilités. Par exemple, l’ouvrage « Les mobilités dans le monde »83 prend le parti de l’approche historique et géostratégique. Il comporte un

rappel instructif de la place de la mobilité en géographie. Enfin, signalons qu’un chapitre sur les mobilités est introduit dans les ouvrages et les programmes pédagogiques, comme par exemple « La géographie : pourquoi ? Comment ? »84 qui

propose sur ses seize chapitres un chapitre sur « Les mobilités » dans le champ des territoires et des sociétés.

En 2005, Jean-Jacques Bavoux et alii dans la « Géographie des Transports » signent, dès les premières pages, le renouveau de l’intérêt pour la mobilité, qui trouve sa place au sein de neuf concepts clés, tels que vitesse, accessibilité, rugosité, réticularité, nodalité, planification, financement. Cet ouvrage intègre les apports théoriques et méthodologiques récents sur les grandes notions de la géographie des transports et de la mobilité. Il précise que l’étymologie de l’adjectif mobile vient du latin « mobilis » à la signification double : « mobile s’appliquait à ce qui peut être mû ou déplacé, à commencer par soi-même, mais évoquait aussi la rapidité et l’agilité ainsi que, par extension, le caractère changeant voire instable »85, ce qui complète les définitions

des dictionnaires classiques. Il rappelle que la racine latine du verbe mouvoir, pour sa part, présentait « une palette de sens que conférait le contexte : écarter et éloigner, voire exclure, émouvoir, influencer voire ébranler, tirant les sens multiples du côté du changement d’état ». Nous comprenons alors que la complexité du paradigme de la mobilité est intrinsèquement liée à l’usage qu’il en est fait. Cependant, en 2010, Denis Stokkink indique que la mobilité « renvoie tout d’abord à une multitude de moyens, de véhicules et d’infrastructures potentiels qui définissent la variété des modes de transport »86, ce qui souligne la difficulté de délimiter cette notion. La

définition de la mobilité se trouve alors réduite aux déplacements en excluant les modalités potentielles ou avérées de mise en œuvre et cible de manière explicite l’importance des infrastructures. Alors que le déplacement est considéré comme une action structurante déployée en utilisant un réseau (terrestre, maritime ou aérien), la mobilité induit une série d’actions potentielles pouvant être mises à contribution dans un espace et ouvrant sur l’ensemble des mouvements, des modes possibles et intégrant l’individu dans la société.

82 Ces ouvrages sont les suivants : Merlin P., Géographie, économie et planification des transports, Paris, Presses Universitaires

de France, 1991 ; Géographie des transports, Paris, Presses Universitaires de France, 1992 ; M. Wolkowitsch, Géographie des transports, Paris, A. Colin, 1992, réed. 1972 ; E. Mérenne, Géographie des transports, Paris, Nathan, 1995 et Rennes, PUR, 2008 ; J. Marcadon, E. Auphan, E. Barré et M. Chesnais, Les transports, Paris, A. Colin, 1997 ; M. Goussot, Les transports dans le monde, Paris, A. Colin, 1998 ; J.-J. Bavoux, F. Beaucire, L. Chapelon et P. Zembri, Géographie des transports, Paris, A. Colin, 2005.

83 Adoumié V. et Escarras J.-M, 2017, op. cit., 192 p. 84

Beucher S., Reghezza M., 2017, La géographie : pourquoi ? Comment ? Hatier, pp. 314-337 (365 p.).

85

Bavoux, J.-J., Beaucire, F., Chapelon, L., Zembri P., 2005, op. cit., p. 9.

86

Stokkink D., 2010, – « Mobilité durable, émergence et application du concept », notes d'analyse, Développement durable, Think Tank Européen pour la solidarité mai, p. 4.

En effet, en 2012, selon Jane Bourdages et Eric Champagne, le sens le plus courant de « mobilité » signifie « l’habileté et la capacité d’un individu ou de toutes autres formes de vie à se mouvoir », ce qui renvoie, par l’introduction du concept de capacité, plus à la notion de motilité (notion qui sera abordée au § 1.2.2, page 45). Ils ajoutent que la mobilité joue un rôle dans « l’évolution des communautés et des sociétés »87. Elle est donc constitutive d’une dynamique sociétale sur le long terme, ce

que nous retenons. Cette notion de capacité en mobilité est aussi inscrite dans le