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2.1- Structure multicouche

Chapitre III. Les mélanges structurés ABS/PC

III. 2.1- Structure multicouche

La Figure 82 présente la section des joncs CM 0M et CM 3M, observée à la loupe binoculaire. Le grossissement étant faible, il est possible d’observer la section des joncs dans sa globalité. Il apparait que le jonc a une section de diamètre compris entre 2 et 2,5 mm. Conformément à ce qui était attendu, on retrouve une structure multicouche, avec un nombre de couches exactement égal à celui prévu théoriquement. L’homogénéité des couches est relative, et varie légèrement au sein d’une même couche ainsi que d’une couche à l’autre. Par exemple, dans le cas de l’échantillon CM 0M, constitué de 3 couches, ABS – PC –ABS, la couche de PC n’est pas homogène et présente des surépaisseurs aux extrémités : on passe d’une épaisseur de 100 µm au centre environ à des épaisseurs en extrémités comprises entre 200 et 400 µm. Ces inhomogénéités s’expliquent d’une part par des rhéologies différentes entre les deux matières. Ces phénomènes d’inhomogénéité sont très classiques en coextrusion et sont appelés des phénomènes d’enrobage ou d’encapsulation (cf. par exemple Agassant et al. [219], ou Han [220]). Ils s’expliquent par le fait que le polymère le plus fluide, pour des raisons énergétiques, a tendance à se positionner en paroi, où la contrainte de cisaillement est la plus élevée. D’autre part, il est important de souligner que les éléments multiplicateurs de couches sont situés dans un bloc mélangeur de section carrée de côté 2 cm. La structure multicouche ensuite extrudée devient à section circulaire et passe dans la filière jonc, de section circulaire décroissante. Ces changements de section entrainent des hétérogénéités d’écoulement en particulier près des parois. Cela explique en particulier, l’écrasement des couches observé sur les côtés du jonc.

Figure 82. Morphologies de joncs obtenus par co-extrusion multicouches CM : 0 mélangeur (3 couches) à gauche ; 3 mélangeurs (17 couches) à droite.

Néanmoins, ces inhomogénéités sont masquées à mesure que le nombre d’éléments multiplicateurs et donc de couches, augmente, comme le montrent les différentes micrographies de la Figure 83. Celles-ci représentent, à différents grandissements, la structure multicouche obtenue pour 6 éléments multiplicateurs, soit un nombre total de couches atteignant 129.

Figure 83. Observation au microscope optique de la section du jonc CM 6M (129 couches alternées)

L’observation des joncs structurés CM 10M au microscope optique n’est pas possible du fait de la faible épaisseur des couches. La Figure 84 montre la section des joncs CM 10M observée par MEB et AFM. Les deux micrographies révèlent une structure multicouche régulière, avec des couches d’épaisseur inférieures au micromètre.

Figure 84. Observation de la section du jonc structuré 10M au MEB (gauche) et à l’AFM (droite)

Afin d’avoir une idée de la régularité et de la continuité de ces couches sur l’ensemble de l’échantillon, plusieurs zones sont explorées au MEB. Il apparait qu’à certains endroits, la

continuité des couches est rompue, comme le montrent les micrographies de la Figure 85. Ainsi, malgré les précautions prises en terme de compatibilité rhéologique, des phénomènes de rupture de couches apparaissent par endroits sur les joncs CM 10M. L’origine de ces ruptures qui apparaissent lorsque l’épaisseur des couches diminue reste à ce jour encore peu étudiée et mal comprise. Les quelques études portant sur cette thématique [221, 223] ont mis en évidence l’importance de paramètres comme le rapport de viscosité, le rapport d’élasticité et la tension interfaciale. En faisant un parallèle avec les mécanismes de rupture de fibrille dispersée dans une matrice, il apparait qu’en deçà d’une certaine épaisseur critique, les forces dues à la tension interfaciale ne sont plus négligeables devant les forces visqueuses et provoquent finalement la rupture des fibres. Les micrographies présentées sur la Figure 85 indiquent que les épaisseurs critiques provoquant la rupture des couches sont de l’ordre de quelques centaines de nanomètres. Cette valeur semble supérieure d’un ordre de grandeur aux valeurs évoquées dans les rares études [224, 225] qui abordent la question d’une épaisseur critique dans la formation de rupture de couches, qui avancent plutôt des valeurs autour de quelques dizaines de nanomètres. Ces phénomènes de rupture, que l’on n’a pas réussi à localiser précisément dans l’échantillon, peuvent être liés à des contraintes de cisaillement importantes surtout près de la paroi d’extrusion. Il est fréquent d’utiliser, pour les minimiser, une couche sacrificielle fluide extrudée en paroi (cf. [226, 227]).

Figure 85. Observation de la section du jonc structuré 10M au MEB – zones présentant des ruptures de couches.

Les caractérisations des couches à l’aide de ces différents microscopes nous permettent d’avoir une approche plus quantitative sur l’épaisseur des couches. Le Tableau 13 regroupe les valeurs des épaisseurs moyennes des couches, mesurées sur les différentes micrographies présentées précédemment. Il ressort que l’on retrouve les épaisseurs théoriques, aux indéterminations des mesures de l’épaisseur du jonc initial et des épaisseurs de couche près.

Nombre d’éléments multiplicateurs de couches (EMC) Nombre total de couches Epaisseur moyenne mesurée d’une couche

de PC (en µm)

0 EMC 3 300

3 EMC 17 60

6 EMC 129 10

10 EMC 2049 0,6

Tableau 13. Épaisseur moyenne des couches mesurées sur les différents systèmes multicouches

Il importe également de vérifier l’intégrité et la continuité de ces structures multicouches dans le sens longitudinal d’extrusion des joncs. Pour ce faire, une cryofracture est effectuée dans ce sens. Du fait de la difficulté d’obtenir une coupe propre, la surface obtenue est assez accidentée, comme le montre la micrographie de la surface cryofracturée d’un échantillon CM 6M sur la Figure 86. Cette micrographie révèle bien la continuité des couches dans le sens longitudinal, i.e. le sens d’extrusion. Elle révèle également des décohésions à l’interface entre les deux polymères et l’absence d’une adhésion forte entre les deux polymères.

Figure 86. Micrographie de la surface cryofracturée dans le sens d’extrusion (sens longitudinal) du jonc structuré par coextrusion multicouche 6M.