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2.2.2- La miscibilité entre les constituants du mélange

Chapitre I. Étude Bibliographique

I. 2.2.2- La miscibilité entre les constituants du mélange

Figure 10 montre l’évolution de ces deux températures en fonction de la composition du mélange.

Figure 10. Variations des Tgs des deux constituants dans les mélanges ABS/PC [86] (a : PC et b : ABS)

Les Tgs des deux constituants purs sont : Tg (PC) =150°C et Tg (ABS) = 110°C. Il apparait que, à mesure que l’ABS est ajouté à du PC, la Tg de ce dernier connait d’abord une décroissance monotone puis atteint une valeur plateau. La Tg de l’ABS connait une évolution exactement contraire. Une évolution similaire a été observée sur les Tgs du mélange PC/SAN par plusieurs auteurs (dont Keitz et al. [90] et Callaghan et al. [91]), et a été expliquée par le fait que les espèces de faibles masses molaires contenues dans le SAN migraient vers le PC. Cette interprétation a été abondamment reprise pour le mélange ABS/PC. Ainsi, Greco et al. [86] supposent qu’une « interzone », i.e. une interphase, se crée entre l’ABS et le PC, dans laquelle existe un gradient de concentration en espèces de faibles masses molaires d’ABS. C’est le changement en concentration de cette zone qui provoque le décalage de Tg observé à mesure que la concentration en ABS du mélange augmente. Au-delà d’une certaine concentration, l’interphase se sature, ce qui explique la « valeur plateau » qu’atteint l’évolution de la Tg.

Une étude poussée sur la miscibilité des mélanges PC/SAN et PC/ABS menée par Kim et al. [88] a permis de quantifier les fractions massiques d’un composé qui ont migré dans l’autre. Il ressort que le SAN ou l’ABS se trouvant dans la phase riche en PC est en quantité plus importante que le PC se trouvant dans la phase riche en ABS.

Keitz et al. [90] ont mesuré l’adhésion interfaciale entre du PC et du SAN dans lequel ils font varier le taux d’AN. La mesure d’adhésion se fait à l’aide d’un test de mesure de résistance au cisaillement. Comme l’illustre la Figure 11, il apparait clairement qu’un maximum d’adhésion est obtenu pour une composition d’AN dans le SAN autour de 25% en

masse. Comme le remarquent les auteurs, cette composition correspond à la composition azéotropique du copolymère styrène-acrylonitrile, souvent utilisée pour la synthèse ABS. Cette adhésion optimale entre du PC et du SAN contenant 25% d’AN serait suffisante pour conférer de bonnes propriétés mécaniques aux mélanges SAN/PC et expliquerait le fait qu’il n’y ait pas besoin de compatibilisant dans les mélanges ABS/PC.

Figure 11. Contrainte de cisaillement mesurée sur un test de résistance au cisaillement d’un système PC-SAN en fonction du pourcentage d’AN dans le SAN [90]

Depuis, cet optimum d’interaction thermodynamique a été confirmé par de nombreuses études sur les mélanges PC/SAN et/ou PC/ABS [91-95]. Il s’agit avant tout d’études expérimentales et cet optimum est déduit à partir de mesures d’adhésion, de propriétés mécaniques, mais également d’observations de morphologies. Par exemple, Callaghan et al. [91] mesurent le diamètre moyen des particules de SAN dispersées dans la matrice PC, pour des mélanges PC/SAN (75/25%) préparés dans un mélangeur interne type Brabender et présentant différents taux d’AN. Ils montrent clairement (cf. Figure 12) que le diamètre est minimal pour un taux proche de 25% en masse. Ce résultat rejoint les observations de Quintens et al. [94] effectuées sur des mélanges PC/SAN (60/40) obtenus par injection, qui mettent en évidence de plus un optimum dans l’élongation à la rupture pour ce même taux de 25% d’AN dans le SAN.

Figure 12. Evolution de la taille des particules de SAN dispersées dans du PC en fonction du taux d’AN dans le SAN [91]

Ces études expérimentales sont couplées et complétées par des approches plus théoriques, fondées sur la thermodynamique des mélanges. Ainsi, Quintens et al. [94], en se fondant sur la théorie du champ moyen développé par Helfand (voir par exemple [96]), calculent une épaisseur d’interface entre le PC et le SAN qu’ils trouvent maximale (de l’ordre de 200 nm) pour un taux de 24 % en masse d’AN (soit 37% mol d’AN) dans le copolymère SAN. Callaghan et al. [91] montrent que l’énergie d’interaction, calculée à l’aide des théories de Flory-Huggins [97, 98] et Sanchez Lacombe [99], est minimale autour d’un taux d’AN de 25-27%. Enfin, en se fondant sur la théorie de Helfand [96, 100], ces mêmes auteurs estiment la tension interfaciale et l’épaisseur interfaciale entre le PC et le SAN, en fonction du taux d’AN dans le SAN. Les prédictions mettent une fois de plus en avant l’existence d’un optimum entre 20 et 30 % d’AN (cf. Figure 13).

Figure 13. Valeurs prédites par la théorie de Helfand de l’épaisseur interfaciale et de la tension interfaciale du couple PC-SAN, en fonction du taux massique d’AN dans le SAN (d’après [91]).

Une mesure de la tension interfaciale entre le PC et le SAN est proposée par Watkins et al. [101]. Elle repose sur la méthode développée par Elemans et al. [102] pour mesurer la tension interfaciale entre deux polymère incompatibles, qui consiste à étudier la rupture d’un filament du premier polymère dispersé dans une matrice constituée par le deuxième polymère. Le maximum de miscibilité, correspondant au minimum de la valeur de tension interfaciale, est trouvé pour une composition de 15% d’AN, valeur légèrement inférieure aux 20-25% d’AN trouvés par les études précédentes.

Figure 14. Tension interfaciale entre le PC et le SAN, mesurée par la technique de rupture de filament, pour différents taux d’AN dans le SAN (d’après [101]).

Ces résultats sur la miscibilité entre l’ABS et le PC montrent que, bien qu’étant immiscibles, ces deux polymères connaissent un niveau de compatibilité important, entre le SAN présent dans l’ABS et le PC. En particulier, il n’est pas nécessaire d’ajouter un additif pour compatibiliser ce mélange, dont les propriétés mécaniques, comme nous le verrons dans le paragraphe suivant, sont tout à fait satisfaisantes. Pour cette raison, le mélange ABS/PC a été désigné d’alliage, i.e. de « mélange compatibilisé », qui a connu un fort succès commercial. Toutefois, dans le contexte du recyclage en particulier, la question de la compatibilisation de ce mélange par ajout d’un agent compatibilisant a été posée et étudiée, ce que nous aborderons plus loin.