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2.2.3- Les propriétés mécaniques des mélanges ABS/PC

Chapitre I. Étude Bibliographique

I. 2.2.3- Les propriétés mécaniques des mélanges ABS/PC

Parmi les propriétés mécaniques, nous nous limiterons dans le cadre de cette revue bibliographique aux comportements en traction et aux chocs de ces mélanges.

Les comportements au choc

Dans l’ABS, des nodules de butadiène sont incluses dans la matrice fragile de SAN pour améliorer les propriétés au choc de ce dernier. Cette démarche d’ajout de « modifiants chocs » est classique (voir par exemple le PS choc) et le rôle de ces nodules de caoutchouc dispersés dans la matrice pour initier des microdéfomations locales qui vont dissiper l’énergie et retarder la fracture du matériau est maintenant bien compris (voir par exemple [103]). La résistance au choc de l’ABS, qui mesure sa ténacité ou sa résilience, dépend dans une large mesure de sa teneur en butadiène (on parle d’ABS « mi-choc » pour des teneurs en butadiène entre 10 et 14% et d’ABS « superchoc » pour des teneurs supérieures à 18% [79]). Dans le cas du PC, on assiste à un comportement ambivalent puisque non entaillé, celui-ci présente une très bonne résistance au choc qui disparait dès que l’éprouvette est entaillée [104]. Par exemple, Kinloch et al. [105] montrent que la ténacité du PC fortement entaillé est égale à 6% de la ténacité du PC faiblement entaillé. Dès lors, il est difficile de prévoir le comportement au choc des mélanges ABS/PC d’autant plus que la morphologie de ces mélanges est souvent complexe.

Notre but n’est pas de rentrer dans les détails des mécanismes de fracture de ces mélanges, sur lesquels quelques études complètes ont porté [104, 106-109], et qui sortiraient du cadre de ce travail. Il s’agira plutôt de dégager, à partir des nombreuses études expérimentales menées sur ces mélanges, des tendances qualititatives sur les propriétés de résilience. La comparaison directe et quantitative entre ces études est délicate et hasardeuse, dans la mesure où les tests utilisés pour mesurer la résilience sont très variés (Charpy ou Izod, entaillé ou non entaillé, normes ISO ou ASTM), ainsi que les unités de résilience et la façon de présenter les résultats.

L’équipe de Greco met en évidence un effet synergétique des propriétés au choc (choc Charpy) pour les mélanges avec une composition de 20-30% en poids d’ABS. En effet, comme le montre la Figure 15, pour ces compositions, la résistance au choc Charpy est multipliée par un facteur 5, passant d’une rupture fragile pour le PC pur à une rupture ductile pour les mélanges à faibles taux d’ABS. Les particules d’ABS constituent des zones de concentration de contraintes, induisant un mécanisme de déformation par bande de cisaillement.

Figure 15. Résistance au choc Charpy en fonction de la composition du mélange [86]

Des tendances assez similaires sont observées par l’étude plus récente de Krache et al. [110]. Comme le montre la Figure 16, ils observent que le module d’Young suit une loi des mélanges alors que ce n’est pas le cas pour les propriétés de résistance au choc : les mélanges riches en ABS présentent une plus grande fragilité que l’ABS. Un effet synergétique particulièrement prononcé est observé pour la composition 90% de PC, pour laquelle la résistance au choc atteint presque 90 kJ/m², ce qui s’explique par une forte interaction à cette composition.

Figure 16. Modules d’Young et résistance au choc des mélanges ABS/PC en fonction de la composition des mélanges [110]

Chiang et al. [111] trouvent également, avec deux ABS qui se différencient par leur teneur en butadiène (GP-ABS : 19% de butadiène, HB-ABS : 32% de butadiène), une baisse de la résilience pour les mélanges riches en ABS et une amélioration pour les mélanges très riches en PC, avec une amélioration particulièrement prononcée pour l’ABS contenant un fort taux de butadiène, introduit à 10% dans le PC.

Barthes et al. [69, 70] montrent, pour les mélanges riches en ABS, que pour revenir au niveau de résilience de l’ABS, le mélange doit contenir au minimum 30-40% de PC. En effet, à ces taux de PC, la morphologie commence à être plus « organisée », avec une orientation privilégiée dans le sens de l’écoulement lors de l’injection, jusqu’à venir former une morphologie co-continue pour une composition 50%/50%. De façon générale, ces auteurs observent que, à composition égale, une morphologie présentant une structure allongée (type fibrilles ou lamelles) offre une meilleure résilience qu’une morphologie nodulaire.

La plupart des auteurs s’accordent donc sur le fait que rajouter du PC en petite quantité dans l’ABS est défavorable à la résistance aux chocs, alors que le rajout d’ABS en petite quantité dans du PC peut conduire à des effets synergétiques spectaculaires. Le rôle de la morphologie, dont Seelig et al. [104] pressentent l’influence potentielle sur les propriétés mécaniques, a été peu étudié. Seuls Barthes et al. préconisent une morphologie structurée allongée pour améliorer la résilience de ces mélanges.

Suarez et al. [112] ont effectué la première étude complète des propriétés mécaniques (essais de traction et au choc Izod) des mélanges ABS/PC en fonction de la composition du mélange. Dans cette étude, les mélanges sont effectués dans une petite extrudeuse monovis de laboratoire (L/D=20). Deux types d’échantillons sont ensuite fabriqués : des films (épaisseur de 300 µm environ, et de 60 mm de large) obtenus par extrusion directe dans une filière plate et des éprouvettes, injectées après granulation des mélanges. Les comportements mécaniques de ces deux types d’échantillons sont globalement similaires.

L’évolution du module d’Young et de la contrainte à l’écoulement est légèrement en dessous de la loi des mélanges linéaire, comme le montre la Figure 17. L’élongation à la rupture montre néanmoins une déviation par rapport à la loi des mélanges importante, avec un minimum obtenu pour le milieu de la composition. Les mélanges présentent néanmoins sur toute la gamme de composition un comportement ductile, contrairement à la plupart des mélanges incompatibles.

(a) (b) (c)

Figure 17. Évolution des propriétés mécaniques de mélanges ABS/PC (films extrudés), en fonction du taux de PC : module élastique (a), contrainte à l’écoulement (b), élongation à la rupture (c) d’après [112]

Une autre caractérisation complète des propriétés mécaniques des mélanges ABS/PC est due à l’équipe de Greco et al. [85-87].

Les courbes de traction des mélanges ABS/PC obtenues par cette équipe pour différentes concentrations sont données sur la Figure 18. Le PC présente les plus grandes valeurs de contrainte au seuil et à la rupture, ainsi que de déformation à la rupture. Lorsque l’on rajoute de l’ABS, la ductilité du PC est réduite et les valeurs caractéristiques nommées précédemment diminuent. A 30% d’ABS, la courbe se modifie légèrement : le pic s’élargit et le comportement devient de plus en plus fragile : la rupture se produit juste après le seuil. A

partir de 60% d’ABS, composition autour de laquelle se produit l’inversion de phase, le comportement du mélange s’approche de celui de l’ABS pur, mais avec des valeurs de contraintes et de déformation légèrement supérieures.

Figure 18. Courbes de traction des mélanges ABS-PC, d’après [86]

La variation du module d’Young en fonction de la composition suit la prédiction du modèle de Kerner, ce qui confirme, d’après les auteurs, la bonne adhésion entre les domaines d’ABS et de PC. Des courbes et des tendances tout à fait similaires sont proposées par Balakrishnan et Neelakantan [113].

La plupart des auteurs s’accordent donc sur le fait que l’ajout d’ABS dans le PC entraine une baisse de ductilité de ce dernier. Ainsi, comme l’expliquent certains auteurs [86, 113], la capacité du PC à supporter de grandes déformations et à se déformer de façon ductile avec la propagation d’une striction (« cold drawing ») est entravée dès que l’on rajoute de l’ABS.