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3.1- Généralités sur les morphologies de mélange

Chapitre I. Étude Bibliographique

I. 3.1- Généralités sur les morphologies de mélange

Les mélanges de polymères ont connu un succès important dans les dernières décennies du siècle précédent car ils permettent l’optimisation de propriétés difficilement accessibles ou de façon plus économique qu’avec des homopolymères ou des copolymères.

Certains mélanges de polymères sont miscibles, comme les couples PS/PPE et PMMA/PVDF, et dans ce cas, les propriétés obtenues pour le mélange sont généralement une moyenne des propriétés des polymères parents (loi des mélanges). Dans la plupart des cas, les mélanges de polymères sont immiscibles, ce qui a pour conséquence qu’une séparation de phase se produit et une morphologie de mélange apparait. Les couples les plus intéressants, et qui ont été pour la plupart commercialisés, sont ceux présentant des propriétés synergétiques, i.e. supérieures aux deux polymères parents. L’exemple le plus courant est l’augmentation considérable de la tenue au choc d’un polymère fragile par ajout de 10 à 20 % de nodules

élastomériques (cas du PS choc). Mais de nombreuses propriétés peuvent être obtenues en fonction de la morphologie de mélanges obtenue à la fin du procédé. La Figure 39 rassemble un certain nombre de morphologies de mélange et détaille les propriétés attendues associées à ces différentes morphologies. La maîtrise de la fabrication de ces morphologies de mélanges durant les procédés de mise en œuvre représente donc un enjeu majeur pour l’obtention de matériaux à base de mélanges de polymères aux propriétés améliorées.

Figure 39. Principales morphologies observées dans les mélanges de polymères immiscibles et propriétés attendues correspondantes [149]

Formation et évolution des morphologies de mélanges dans les procédés de mise en œuvre

De très nombreux paramètres gouvernent la formation et l’évolution de ces différentes morphologies. Il s’agit à la fois de paramètres intrinsèques au couple de polymères mélangés (viscosité, élasticité, degré d’affinité i.e. compatibilité,…) comme des paramètres externes dépendant du procédé (nature et intensité des sollicitations thermomécaniques, …) ou de la composition du mélange. La littérature sur ce sujet est extrêmement abondante (voir par exemple des articles de revue comme [122, 150]), et pendant des décennies, la recherche en science des matériaux a consisté à montrer le lien qui existe entre les morphologies/structures internes des polymères (microstructure est le terme générique le plus adapté), les propriétés d’usage/les performances du matériau et les procédés de mise en œuvre.

Les nombreux travaux dans ce domaine, menés en particulier dans l’équipe du professeur Macosko, ont permis de proposer un mécanisme de formation des morphologies dans les écoulements complexes existant dans les procédés de mise en œuvre. Lorsque des granulés de

polymères sont mélangés dans un procédé, de fortes contraintes sont imposées par le procédé (extrudeuse monovis, bivis ou mélangeur interne) sur les granulés qui ramollissent sous l’effet de la température. Ces contraintes provoquent un arrachement de matière sous la forme de films (‘sheets’). L’existence de ces films a été mise en évidence dans des mélanges effectués dans un mélangeur interne (batch mixer), après trempe et dissolution de la matrice polymère à l’aide d’un solvant sélectif [151, 152]. Lindt et al. [153] et Sundararaj et al. [154] ont observé également ce mécanisme de formation de films (‘sheeting mecanism’) dans une extrudeuse monovis et bivis, et de façon générale, lorsqu’une goutte de polymère fondu est cisaillée au sein d’une matrice à des taux suffisamment élevés.

Lorsqu’il continue à être cisaillé, le film formé de la phase dispersée commence à se trouer et à se déchirer, donnant naissance, lorsque les trous formés sont suffisamment grands et coalescent, à des cylindres / fibrilles, puis des gouttes / nodules, comme le montre la Figure 40. Les mécanismes à l’origine de ces instabilités ne sont pas toujours compris, mais les raisons évoquées dans la littérature de façon quasi-systématique sont les instabilités de Rayleigh, qui apparaissent lorsque les contraintes dues à la tension de surface deviennent supérieures aux contraintes de cisaillement.

Des études précédentes, il ressort les points suivants :

- ce mécanisme de formation puis rupture de films apparait quand les phénomènes de fusion et de mélangeage ont lieu simultanément ;

- une forte diminution de l’épaisseur de la phase dispersée se produit dans les premiers instants du mélange, et atteint une valeur limite comprise entre 0,1 et 1 µm.

Dans un article pionnier, intitulé « les mélanges de polymère structurés », Meijer et al. [155] mettent en avant le caractère hautement instable des différentes morphologies de mélange, durant la mise en œuvre des mélanges. Cette remarque est d’autant plus vraie pour les structures allongées (fibrillaires ou lamellaires), qui comme l’illustre bien la Figure 40, sont des morphologies transitoires. Pour la morphologie nodulaire, l’ajout d’un compatibilisant reste la technique la plus utilisée pour stabiliser la morphologie, réduire la taille de la phase dispersée et augmenter l’adhésion interfaciale entre les deux phases du mélange. Pour les autres morphologies, d’autres stratégies devront être proposées (figeage de la structure par réticulation, outils spéciaux de structuration).

La démarche de structuration : une évolution récente de maitrise du procédé

Dans l’approche classique des procédés, la microstructure est appréhendée comme la conséquence des conditions de mise en œuvre, des contraintes mécaniques (vitesses de déformation de cisaillement et/ou d’élongation, champs de contraintes et de pression, …) et thermiques (gradient de température, vitesses de chauffe/refroidissement, …) subies par le matériau pendant la mise en œuvre. Il est significatif de remarquer qu’on parle souvent de « microstructure induite (sous entendue par le procédé) », terminologie qui traduit bien le fait que la microstructure est « subie ». En définitive, la démarche de recherche développée depuis des décennies peut se résumer de la façon suivante :

- Identification des paramètres procédés influant sur la microstructure, - Etude de la modification de la microstructure selon certaines directions, - Etude de l’effet sur les propriétés finales.

L’objectif in fine de ces travaux de recherche consiste à optimiser les conditions du procédé en vue d’obtenir une microstructure offrant de meilleures propriétés finales. Toutefois, il est souvent constaté que la marge de progrès obtenue sur les propriétés finales est souvent limitée. Ceci s’explique essentiellement par le fait que la marge de manœuvre sur les paramètres du procédé n’est pas grande et donc l’effet sur la microstructure est faible.

C’est la raison pour laquelle, comme le soulignent certains auteurs [156, 157], une tendance relativement récente dans le domaine de la mise en œuvre est de mettre au point des outils ou des procédés novateurs qui permettent de contrôler au mieux la structuration de la microstructure à toutes les échelles. Ces procédés, dénommés par les auteurs « procédés de structuration », se caractérisent généralement par l’application d’un champ externe (de cisaillement, d’étirage, d’ultrason, électronique, magnétique) pour contrôler, autant que faire se peut, la structure à toutes les échelles.