3.5 Impl´ ementation pratique
4.2.1 Structure liaisons fortes
4.2.1.1 Maille ´el´ementaire
Le graph`ene est un r´eseau d’atomes de carbone en nid d’abeille. La maille ´el´ementaire cor-respondante est une maille contenant deux atomes, not´esA et B, et le r´eseau de Bravais est triangulaire (Fig. (4.1) ). Les vecteurs de bases de ce r´eseau sont :
a1=a 2(3,
√
3), a2= a
2(3,−√3), (4.1) o`u a ' 1.42˚Aest la distance interatomique. Les vecteurs reliant un atome B `a ses trois plus proches voisins sont donn´es par :
δ1= a 2(1,
√
3) δ2=a
2(1,−√3) δ3=−a(1,0) (4.2) Le r´eseau r´eciproque correspondant est d´efini par les vecteurs :
b1= 2π 3a(1,
√
3), b2= 2π
3a(1,−√3). (4.3) O`u l’on distingue les points de haute sym´etrie, K et K0, aux coins de la premi`ere zone de Brillouin : K=2π 3a 1,√1 3 , K0=2π 3a 1,−√1 3 . (4.4) 4.2.1.2 Relation de dispersion
La structure ´electronique du graph`ene est bien d´ecrite en liaisons fortes, et les comparaisons avec les calculs ab initio montrent un tr`es bon accord. De par la structure bi-dimensionnelle `
a trois plus proches voisins du syst`eme, les orbitales s et p des atomes de carbone pr´esentent une hybridationsp2. Les trois orbitalessp2 sur chaque atome sont alors orient´ees dans le plan, pointant en direction des premiers voisins. Participant `a la coh´esion structurale du syst`eme, elles sont de tr`es basse ´energie, et ne contribuent pas aux propri´et´es du voisinage de l’´energie de Fermi. L’orbitale pz restante, perpendiculaire au plan, va alors d´eterminer les propri´et´es ´electroniques du syst`eme. Dans les faits, la simple prise en compte des deux orbitalespz par maille ´el´ementaire et d’un couplage au premier voisin suffit `a d´ecrire l’essentiel des propri´et´es de basse ´energie du syst`eme.
On d´efinit comme fonctions de bases, les orbitalespzlocalis´ees enAetB. Tous les sites ont la mˆeme ´energie, prise ´egale `a 0, tandis que les matrices de saut entre premiers voisins sont ´egales `
aγ, typiquement estim´e `aγ'3eV.
Le Hamiltonien en espace r´eel s’´ecrit alors :
H =γ X
hi , ji
Transport ´electronique dans le Graph`ene 77
Fig.4.2 – Relation de dispersion dans
le graph`ene, au voisinage des points de haute sym´etrieKetK0d’apr`es [79]. Les bandes de valence, compl`etement rem-plie, et de conduction, compl`etement vide, se touchent en ces points, `a l’´energie de Fermi. La dispersion au-tour de K et K0 est lin´eaire, et, en premi`ere approximation, isotrope. Quelle que soit la direction de pro-pagation, les ´electrons et les trous se d´eplacent alors `a une vitesse constante, ´egale `a vF.
En appliquant le th´eor`eme de Bloch, l’´equation aux valeurs propres devient, dans la base des ´etats de Bloch :
det E(k) γ∆(k) γ∆∗(k) E(k) = 0 (4.6)
O`u ∆(k) est la somme sur les premiers voisins d’apr`es les conventions [78].
∆(k) =eik(a1)+eik(a2)+eik(a1+a2) (4.7) On obtient finalement : E±(k) = ±γ v u u t1 + 4 cos2(kya √ 3 2 ) + 4 cos(ky a√ 3 2 ) cos(kx 3a 2 ) ! (4.8)
Cette fonction est repr´esent´ee dans la figure (4.2).
On constate que les points de haute sym´etrie K = 23πa 1,√1
3 et K0 = 23πa 1,−√1 3 sont les seuls points d’´energie nulle dans la premi`ere zone de Brillouin,E±(k=K) = 0 et E±(k=
K0) = 0.
En se rappellant que les deux orbitales pz sont `a moiti´e occup´ees, on d´eduit que les bandes de valence et de conduction se touchent aux pointsKouK0, et que la surface de Fermi se limite donc `a ces deux points.
Si l’on s’int´eresse maintenant `a la relation de dispersion pour deskvoisins deK ouK0 (ou, autrement dit, `a des ´energies proches du niveau de Fermi), on obtient une relation singuli`ere. Il est, en effet, possible d’´ecrire la relation de dispersion proche du niveau de Fermi avec une expression lin´eaire enδk. En se rappellant quevF = 1
~ ∂E ∂k, on obtient : E±(k) = ±vF|∂k| (4.9) vF = 3a 2~γ (4.10) O`uvF '106m.s−1.
Il est int´eressant d’observer que cette relation est non seulement lin´eaire (ne d´epend pas de l’´energie) mais ne fait pas intervenir l’orientation du vecteurδk.
Cette ´equation effective des ´electrons dans le graph`ene `a proximit´e des pointsKetK0pr´esente une analogie formelle avec l’´equation d’´electrodynamique quantique dite de Weyl, d´ecrivant `a le comportement relativiste de fermions de Dirac de masse nulle. La masse effective des ´electrons est alors strictement nulle dans la zone o`u la relation de dispersion est lin´eaire.
C’est de cette identit´e que vient la d´esignation des ´electrons de conduction dans le graph`ene, sous le nom d’«´electrons de Dirac de masse nulle». Les points Ket K0 sont appel´es«points de Dirac».
Fig.4.3 – Zone de Brillouin et surface de Fermi du graph`ene au voisinage des points de haute sym´etrieKetK0, aussi appel´es points de Dirac. La relation de dispersion implique que les ´etats du graph`ene au voisinage deKetK0 sont contenus dans des«poches». Dans celles-ci, le vecteur
δk forme un angleθ avec l’axekx. La sym´etrie des ´etats propres au voisinage des pointsK et
K0 par rapport `a cet angleθ donne lieu `a la propri´et´e dite de chiralit´e.
4.2.1.3 Etats propres´
Si l’on ´etudie les ´etats propres au voisinage du pointKsoit `ak=K+δk=23πa +δkx, 2π
3a√ 3+δky On peut d´eduire : |Ψ±(k'K)i= √1 2 e−iθ 2 ±eiπ2 eiθ 2 ! (4.11)
O`uθest l’angle form´e par le vecteur δkavec l’axekxcomme indiqu´e sur la figure (4.3). De la mˆeme fa¸con, `a proximit´e de K0 soit `a k =K0+∂k =23πa +∂kx,− 2π
3a√ 3+∂ky , on obtient : |Ψ±(k'K0)i=√1 2 eiθ 2 ±eiπ2e−iθ 2 ! (4.12)
On voit que les ´etats propres proposent un d´ephasage deπentre les pointsKetK0. De plus, il existe une correspondance entre |Ψ−(k ' K0)i et |Ψ+(k ' K)i, et entre |Ψ+(k ' K0)i et
|Ψ−(k'K)i.
Le d´eveloppement d’une fonction sur la base des ´etats propres au voisinage deKetK0va donc faire apparaˆıtre des sym´etries dues au d´ephasage entre les contributions de chaque sous-r´eseau. Ces sym´etries auront un rˆole pr´epond´erant dans la valeur des ´el´ements de matrices hΨ±(k '
K/K0)|O|Ψ±(k'K/K0)i, o`uOest un op´erateur. Une des manifestations les plus spectaculaires est l’apparition d’une phase de Berry deπ, qui va, entre autres choses, s’additionner `a la phase accumul´ee sur l’orbite cyclotron des ´electrons en pr´esence d’un champ magn´etique. Cela conduira `
a un d´ecalage de la quantification des niveaux de Landau.
Si l’on poursuit alors l’analogie avec l’´electrodynamique quantique, il est possible de se servir de ce d´ephasage entre les contributions des sous-r´eseaux en exprimant la fonction d’onde sous forme d’un spineur, faisant intervenir, non pas le spin des ´electrons, mais la contribution des deux sous-r´eseaux, appel´ee pseudo-spin σ. Cette description, faisant intervenir les indices +/−
(´electrons-trous) etK/K0, est tr`es similaire au spineur utilis´e en ´electrodynamique quantique, `
a la diff´erence faite que le pseudo-spinσ est associ´e aux sous-r´eseaux plutˆot qu’au spin r´eel des ´
electrons. On introduit ainsi la notion de chiralit´e, projection du pseudo-spin sur la direction de propagation, qui est oppos´ee pour les ´electrons et pour les trous. Ces concepts prennent une importance particuli`ere dans la description des processus ´electroniques dans le graph`ene [80].
Transport ´electronique dans le Graph`ene 79
Fig.4.4 – Niveaux de Landau d’apr`es
[79]. Gauche : Dans le cas de syst`emes bidimensionnels classiques, le spectre des niveaux de Landau est compos´e de niveaux de Landau r´eguli`erement es-pac´es. Dans le graph`ene (droite), la quantification est donn´ee par En =
±vF
√
2eB~n donnant `a la fois un ni-veau d’´energie nulle, sans ´equivalent classique, et des ´ecarts de niveaux d´ependants de l’´energie.
4.2.1.4 Comportement en champ magn´etique
Si l’on s’int´eresse au comportement du syst`eme plac´e dans un champ magn´etique perpendicu-laire, il faut obtenir les valeurs propres du Hamiltonien dans lequelkest remplac´e park+eA/~
o`u Aest le potentiel vecteur.
Dans le cas du graph`ene, le spectre d’´energie est tout `a fait singulier (Fig. (4.4)), puisque la quantification en champ magn´etique est :
En=±vF√
2eB~n (4.13) qui remplace la quantification usuelle En=±~ωc(n+ 1/2) dans le cas des ´electrons ayant une relation de dispersion parabolique.
La premi`ere singularit´e est la variation en√
n, et non plus enn de l’´energie des niveaux de Landau, qui conduit les ´etats `a n’ˆetre plus r´eguli`erement espac´es en ´energie.
De plus, la seconde caract´eristique est l’existence d’un niveau d’´energie nulle, partag´e entre ´
electrons et trous. Cet effet est une manifestation de la propri´et´e de chiralit´e vue au paragraphe pr´ec´edent. La somme de la phase accumul´ee lorsque l’´electron parcourt l’orbite cyclotron et de la phase de Berry, va ainsi conduire `a un d´ecalage de 1/2 du nombre quantiquen.
Enfin, tous les niveaux de Landau ont la mˆeme d´eg´en´erescence, celle-ci vaut :
nLL = 4eB
h (4.14)
Si la d´ependance en 2eBh est usuelle, le facteur 4 provient de la d´eg´en´erescence enKetK0 de la surface de Fermi (appel´ee aussi d´eg´en´erescence de vall´ee), qui s’ajoute `a celle de spin.