• Aucun résultat trouvé

PARTIE I : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE

II- 1- Structure génétique des populations

Les méthodes et techniques de génétique des populations, appliquées depuis les années 90 aux bactéries ont permis de définir trois types de structure génétique des populations bactériennes. Les premières études ont montré que les populations de la plupart des espèces bactériennes étaient structurées de façon clonale, présentant peu de génotypes différents parmi les nombreux possibles. Ce type de structure repose sur un faible taux de recombinaison de larges segments chromosomiques qui est insuffisant pour que les associations d’allèles soient faites au hasard et que l’association clonale soit ainsi supprimée. L’étude de Maynard Smith et collaborateurs a montré que certaines populations bactériennes pouvaient également être panmictiques, avec des associations d’allèles faites au hasard, conduisant à la présence de nombreux génotypes différents au sein d’une même population ; ou bien épidémiques, dans lesquelles l’association des allèles se fait majoritairement au hasard dans une population avec certaines associations qui dominent, entrainant l’émergence de clones majoritaires (Smith, et al., 1993).

La structure génétique des populations de P. aeruginosa a fait l’objet de nombreuses études dont les conclusions ont évolué au cours du temps. En 2000, Kiewitz et Tummler ont investigué la structure génétique de P. aeruginosa par multilocus sequence typing (MLST). Pour cela, 6 gènes choisis selon 3 critères : une position chromosomique, des fonctions de ménage et accessoires, des localisations différentes de leur produit, ont été amplifiés et séquencés chez 19 souches de P. aeruginosa d’origine environnementale (aquatique) et clinique. Cette étude a mis en évidence un faible taux de substitution de nucléotides ainsi qu’un fort taux de recombinaison entre les différents génotypes de P. aeruginosa, entrainant une association au hasard des allèles et suggérant ainsi une structure panmictique de la population (Kiewitz & Tummler, 2000). Il est intéressant de noter que les différents génotypes sont présents dans les différents environnements colonisés par P. aeruginosa. Autrement dit, il ne semble pas y avoir de spéciation ou adaptation des différents clones au milieu clinique ou à l’environnement. Les différents clones seraient ainsi tous capables de coloniser différentes niches.

En revanche, les études plus récentes seraient plutôt en faveur de l’hypothèse d’une structure épidémique des populations de P. aeruginosa. En 2002, une étude de Pirnay et collaborateurs menée sur 73 souches d’origine variée et utilisant quatre méthodes de typage différentes, est l’une des premières à suggérer une structure épidémique. Les résultats obtenus ont montré une organisation en mosaïque du génome de P. aeruginosa constitué de régions fortement

conservées et de régions variables, suggérant une structure panmictique de la population. Toutefois, certains complexes clonaux définis par des caractéristiques communes malgré des origines différentes, ont été majoritairement trouvés (Pirnay, et al., 2002). Des études utilisant des techniques de PFGE après digestion avec l’enzyme de restriction SpeI, d’analyse de single nucleotide polymorphism (SNP) ainsi que le séquençage de génome complet par shotgun ont étayé cette hypothèse (Spencer, et al., 2003, Morales, et al., 2004). Ces études ont également mis en évidence l’implication de la structure du génome de P. aeruginosa dans la variabilité des différents génotypes observés. En particulier, les échanges d’éléments génétiques mobiles par transferts horizontaux seraient à l’origine du fort taux de recombinaison, induisant une structure non clonale.

Parmi les clones retrouvés à plusieurs reprises dans des environnements très différents, le clone C a fait l’objet de nombreuses études. Notamment, l’étude menée par Romling et collaborateurs a mis en évidence la présence de ce clone chez des patients atteints ou non de mucoviscidose, dans l’environnement clinique et dans différents environnements aquatiques séparés d’environ 300 km des hôpitaux (Romling, et al., 1994). De plus, ce clone est dominant dans les différents écosystèmes étudiés, représentant entre 7 et 28 % de la population présente. Les raisons du succès de ce clone dans la colonisation de différents écosystèmes restent à ce jour à élucider, il ne serait toutefois pas lié à une meilleure capacité à former des biofilms ou bien à des résistances aux antibiotiques particulières (Romling, et al., 2005).

Enfin, en 2007, les travaux de Wiehlmann et collaborateurs menée sur 240 souches cliniques et environnementales de P. aeruginosa par analyse de séquences amplifiées hybridées sur puce à ADN suggèrent que ces souches se divisent en deux grands groupes et 45 complexes clonaux constitués de quelques souches indépendamment de leur origine, chaque complexe préférant une association particulière du génome conservé et du génome accessoire (Wiehlmann, et al., 2007). Cette étude suggère également que les zones de fort taux de recombinaison sont présentes dans le génome accessoire mais également dans le génome conservé.

Un consensus semble toutefois avoir été trouvé. La structure génétique de la population de P.

aeruginosa serait non clonale et épidémique. Les isolats cliniques et environnementaux

seraient indifférenciables et il n’y aurait pas de clone adapté à des environnements particuliers tels que le milieu clinique. La structure de son génome, organisé en génome « cœur » fortement conservé, ponctué d’éléments génétiques mobiles tels que les ilots génomiques échangés entre souches par transfert horizontal, serait à l’origine de la diversité observée.

Toutefois, certaines interrogations demeurent. En particulier, cette hypothèse semble difficile à vérifier si on s’intéresse à certains clones isolés de patients atteints de mucoviscidose, qui semblent présenter des adaptations particulières à l’environnement constitué par les poumons et qui sont transmis et se répandent au sein des populations de malades. De même, certaines souches multi-résistantes aux antibiotiques émergent et persistent dans le milieu clinique en particulier dans les unités de soins intensifs où une forte pression antibiotique est appliquée. Une étude récente de Pirnay et collaborateurs a eu pour objectif de compléter leur étude réalisée en 2002 et de reconsidérer la structure génétique de la population de P. aeruginosa en intégrant ces clones particuliers (Pirnay, et al., 2009). Pour cela, leurs travaux ont été menés sur 328 isolats collectés au cours des 125 dernières années, de différents habitats cliniques et environnementaux dans 69 localités de 30 pays sur les 5 continents. Différentes analyses ont été réalisées sur ces souches telles que l’analyse du sérotype, une analyse génotypique par fluorescent amplified-fragment length polymorphism (FAFLP) ou encore le séquençage de gènes codant pour des protéines membranaires. L’ensemble des résultats obtenus confirme une structure génétique épidémique non clonale de la population de P. aeruginosa dans laquelle les recombinaisons sont fréquentes, avec des souches d’origines différentes pouvant présenter le même génotype et dans laquelle certains clones épidémiques particulièrement performants émergent. De plus, aucune preuve en faveur de clone sélectionné, transmis au sein des populations de patients atteints de mucoviscidose n’a pu être mise en évidence.

En ce qui concerne S. maltophilia, le niveau de connaissance n’est pas le même que pour P.

aeruginosa. Toutefois, différentes études de diversité ont été réalisées. Notamment, l’étude de

Berg et collaborateurs, menée sur 40 souches de S. maltophilia isolées de patients ou de l’environnement (milieu aquatique ou associées aux plantes) a été réalisée par des méthodes phénotypiques telles que l’évaluation de la résistance aux antibiotiques et de différentes activités métaboliques, ainsi que des méthodes génotypiques telles que la PFGE après digestion avec l’enzyme de restriction DraI (Berg, et al., 1999). Les résultats obtenus suggèrent une grande diversité entre les souches testées. Aucune différence au niveau des résistances aux antibiotiques ne semble exister entre souches d’origine clinique et souches d’origine environnementale. De même, l’analyse de l’ensemble des résultats phénotypiques et génotypiques ne révèle pas de groupement de souches en fonction de leur origine. Ainsi, tout comme il l’a été envisagé pour P. aeruginosa, les différents clones de S. maltophilia seraient capables de coloniser différentes niches écologiques et ne seraient pas inféodés à des milieux particuliers tel que le milieu clinique.

De plus, une étude plus récente a montré que la diversité au sein de la population de S.

maltophilia d’un même hôpital était très élevée (Valdezate, et al., 2004). L’analyse génétique

par PFGE après restriction avec l’enzyme XbaI de 139 souches issues de patients atteints de mucoviscidose, des services de soins intensifs, de chirurgie et de l’environnement d’un même hôpital a permis d’identifier 99 profils différents. Ces profils sont répartis dans cinq grands clusters dont deux majoritaires, indépendamment de l’origine des souches. Toutefois, la présence de certains clones retrouvés à la fois chez différents patients ainsi que sur du matériel médical suggère une origine commune à différentes infections. Ainsi, une importante diversité est observée au sein de la population de S. maltophilia issue d’un même hôpital certainement du fait de la versatilité et de la grande adaptabilité de cette bactérie avec la possibilité de transmission de quelques clones pouvant conduire à des épidémies.

Même si aucune hypothèse sur la structure génétique de S. maltophilia n’est émise dans ces études, les résultats obtenus seraient plutôt en faveur d’une structure panmictique ou épidémique du fait de l’importante diversité obtenue et de l’émergence parfois de certains clones dans le milieu clinique.