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PARTIE I : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE

I- 2-c- Interactions avec l’Homme

 Portage

P. aeruginosa et S. maltophilia peuvent être présentes chez l’Homme sans engendrer

de pathologie. Même si ces bactéries ne sont pas reconnues comme indigènes de la microflore de l’Homme, elles peuvent être retrouvées dans le tube digestif ou dans l’oropharynx. Leur prévalence semble toutefois plus importante chez les personnes hospitalisées que chez les personnes en bonne santé (Thuong, et al., 2003). En effet, l’étude de Kerr et collaborateurs, menée à la fois sur des patients et sur des personnes en bonne santé montrent la présence de S.

maltophilia dans les fèces de 33 % des patients et seulement 2,9 % des personnes saines

(Kerr, et al., 1991). De même, une étude de Stoodley et Thom a montré que P. aeruginosa était présente dans les fèces de 36 % de patients, ce chiffre augmente à 52,6 % chez les patients qui ont subi une intervention chirurgicale gastro-intestinale (Stoodley & Thom, 1970). En revanche, cette bactérie n’a été isolée que dans 4 % des fèces de personnes en bonne santé. Leur présence au niveau des voies respiratoires a fait l’objet d’un plus grand nombre d’études en particulier chez les patients hospitalisés nécessitant l’utilisation d’appareils respiratoires. Il semblerait notamment que la présence de P. aeruginosa dans la flore du patient à son entrée à l’hôpital favoriserait la colonisation et le développement d’infection suite à une trachéotomie (Morar, et al., 2002). D’autre part, l’utilisation d’antibiotiques inefficaces sur P. aeruginosa pourrait participer à la sélection de souches résistantes causant ces infections respiratoires (Thuong, et al., 2003). En revanche, peu d’études mettent en évidence la présence de S. maltophilia dans les voies respiratoires sans lien avec une pathologie. Toutefois, bien que fréquemment présente chez des personnes malades, il est parfois difficile d’établir de façon définitive la responsabilité de S. maltophilia dans les infections (Denton & Kerr, 1998).

La présence de P. aeruginosa et S. maltophilia a également été rapportée à de nombreuses reprises sur les mains et peut être à l’origine d’une transmission manu-portée (Adams & Marrie, 1982). En effet, le portage de ces bactéries par les mains du personnel soignant des hôpitaux peut constituer une source d’infection potentielle (Villarino, et al., 1992, Lasheras, et al., 2006). L’hygiène des mains et le port de gants sont ainsi indispensables afin d’éviter la transmission.

 Infections causées par P. aeruginosa et S. maltophilia

P. aeruginosa et S. maltophilia sont capables de causer différentes pathologies chez

l’Homme (Tableau 2). Toutefois, la majorité des infections causées par ces pathogènes est recensée au sein des personnes présentant une défaillance de leur système immunitaire, personnes hospitalisées, immunodéprimées (greffe, VIH…), personnes atteintes de cancer ou diabétiques… Elles infectent rarement les tissus sains et envahissent aisément les tissus où les défenses sont compromises et sont de ce fait fréquemment responsables d’infections nosocomiales. Ces bactéries sont considérées comme invasives et toxigènes du fait de la présence de facteurs de virulence qui vont leur permettre de s’attacher, coloniser et envahir les tissus ainsi que de sécréter des composés toxiques. Ces facteurs de virulence seront détaillés dans le paragraphe III-1-a.

En ce qui concerne P. aeruginosa, les mortalités les plus élevées sont observées en cas de bactériémie (30-50 %) et en cas de pneumonie nosocomiale (45-70 %) (Mesaros, et al., 2007). Les bactériémies les plus fréquentes sont observées chez les patients neutropéniques (diminution des leucocytes), les patients en état d’immunodéficience en relation avec une infection par le virus HIV, chez les diabétiques ou chez les brûlés. Cette bactérie est un colonisateur fréquent des voies respiratoires et causent des infections chez les patients souffrant de bronchectasies et de broncho-pneumopathie obstructive, les patients soumis à une chimiothérapie anticancéreuse et présentant une neutropénie, chez les patients nécessitant le placement en soins intensifs ou chez les patients sous assistance respiratoire (ventilation assistée). Elle est également fréquemment retrouvée chez les personnes atteintes de mucoviscidose (cf. paragraphe suivant). De plus, P. aeruginosa est de plus en plus impliquée dans les pneumonies communautaires, c'est-à-dire acquises en dehors de l’hôpital. Toutefois, ces infections communautaires touchent préférentiellement des personnes fragilisées, immunodéprimées ou présentant des troubles respiratoires (Garau & Gomez, 2003).

P. aeruginosa est la troisième cause d’infections urinaires acquises à l’hôpital (12 %), le plus

souvent consécutives à des cathéterisations, des instrumentations ou une chirurgie (Obritsch,

et al., 2005). Ce pathogène opportuniste cause rarement de vraies infections du système

digestif. Toutefois, des infections péri-rectales, des gastro-entérites typiques, et des entérocolites nécrosantes ont été rapportées. Les infections cutanées et osseuses sont rares mais peuvent survenir suite à des blessures pénétrantes.

Tableau 2. Infections causées par P. aeruginosa et S. maltophilia. D’après Mésaros et al., 2007 ; Denton et Kerr, 1998.

Site d'infection Pathologie spécifique Fréquence Tractus respiratoire Pneumonie aigue Fréquent

Infections chroniques

Sang Bactériémie Fréquent Septicémie

Tractus urinaire Infections aigues Relativement fréquent

Infections chroniques

Oreille Otite externe Fréquent

Otite moyenne chronique

Peau et tissu mou Dermatite Relativement fréquent Infection de plaies

Infections de brûlure

Pyodermite Folliculite

acne vulgaris résistant

Œil Kératite Rare Enophtalmie

Ophtalmie néonatale

Conjonctivite Système nerveux central Méningite Rare

Abcès cérébral

Cœur Endocardite Rare Os et articulations Pyoarthrose sténoarticulaire Rare

Ostéomyélite vertébrale

Infection de la symphise

pubienne Ostéochondrite du pied

Ostéomyélite Tractus gastro-intestinal Entérocolite nécrosante Rare

Infections périrectales

P. aeruginosa peut causer des infections ophtalmiques dévastatrices telles que des kératites bactériennes chez les porteurs de lentilles de contact par exemple (Mesaros, et al., 2007). Cette bactérie est également l’agent causal prédominant dans les otites malignes des patients diabétiques et les «otites du nageur» (une forme particulière d’otite externe) (van Asperen, et al., 1995).

Des méningites et des abcès cérébraux se propageant depuis des structures voisines ou consécutifs à des traumatismes ou des procédures diagnostiques invasives, ainsi que des endocardites notamment chez les utilisateurs de drogues intraveineuses ont également été rapportés (Veber, 2003).

En ce qui concerne S. maltophilia, les bactériémies sont également fréquentes et semblent en augmentation ces dernières années. Le taux de mortalité lié à ces bactériémies peut être élevé (environ 25 %) (Senol, et al., 2002). Elles peuvent être contractées à la suite d’infections pulmonaires, urinaires ou gastro-intestinales mais de plus en plus d’études mettent en cause l’utilisation d’intraveineuse comme source primaire de l’infection (Muder, et al., 1996). S.

maltophilia est responsable de 5 % des pneumonies nosocomiales et les voies respiratoires

constituent le site le plus commun d’isolement de cette bactérie (plus de 50 % des isolats cliniques de S. maltophilia) (Denton & Kerr, 1998, Schaumann, et al., 2001). Ces infections sont favorisées par l’utilisation de matériel d’assistance respiratoire, par la pratique de trachéotomies, par l’exposition à des antibiotiques à large spectre et sont associées à un fort taux de mortalité avec ou sans traitement anti-S. maltophilia (Pathmanathan & Waterer, 2005).

La responsabilité de S. maltophilia dans des endocardites a été mentionnée à de nombreuses reprises. Dans la plupart des cas, ces endocardites sont survenues chez des utilisateurs de drogues en intraveineuse ou à la suite d’une chirurgie cardiaque. Les méningites causées par

S. maltophilia sont rares et sont toujours liées à une neurochirurgie ou à la présence de

matériel clinique étranger. Elle est également rarement responsable d’infections gastro-intestinales. De même, les infections urinaires dues à S. maltophilia sont rares et sont généralement contractées à la suite d’une intervention chirurgicale ou une cathéterisation. Cette bactérie est responsable d’infections oculaires telles que des conjonctivites, des kératites et des ulcères de la cornée chez les porteurs de lentilles de contact ou contractées suite à l’extraction d’une cataracte. Cette bactérie est fréquemment isolée de lésions de la peau, toutefois le lien avec la pathologie est difficile à établir (Denton & Kerr, 1998).

Figure 10. Prévalence des infections bactériennes chez les patients atteints de mucoviscidose en fonction de l’âge (Harrison et al., 2007).

Figure 11. Co-infections rapportées dans les poumons de patients CF. A, Aspergillus spp.; AV, adenovirus; AX, A. xylosoxidans; BP, bacteriophage; C, Candida spp.; Ent,

Enterobacteria; IPV, influenza and/or parainfluenza virus; K, Klebsiella spp.; M,

mycoplasma; MA, Mycobacterium abscessus; N, Neisseria spp.; OF, oropharyngeal flora;

Un certain nombre de points communs entre les deux modèles a pu être mis en évidence dans cette section. Ces bactéries sont des pathogènes opportunistes majeurs de part leur implication dans un grand nombre d’infections nosocomiales. En particulier, elles sont fréquemment impliquées dans des bactériémies et semblent avoir des capacités importantes à coloniser et établir des pathologies dans les voies respiratoires des patients fragilisés. Elles semblent moins souvent à l’origine d’infections touchant d’autres systèmes ou organes mais les pathologies associées restent graves.