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PARTIE I : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE

III- 1-c- Communication entre cellule et Quorum sensing

Le quorum sensing (QS) est un mécanisme de communication cellulaire permettant aux bactéries d’adapter leur comportement en fonction de la densité de population et de l’environnement et d’agir de façon coordonnée comme le ferait un organisme multicellulaire (Figure 17). Ce système implique la synthèse de petites molécules appelées auto-inducteurs qui sont libérées dans l’environnement. La concentration en auto-inducteurs va être perçue par les bactéries voisines qui vont en déduire la densité de population et réguler l’expression de gènes en conséquence.

Figure 17. Principe de l’expression du quorum sensing au cours de la croissance bactérienne. La croissance bactérienne dans un milieu de culture (A, C, E) est suivie au cours du temps en fonction de la densité optique (B, D, F). Au cours de la phase de latence (A, B), la synthèse de petites molécules appelées acyl-homosérine lactones (AHL) représentées par de petits cercles gris augmente. Cette synthèse dépend d’une synthase auto-inductrice. Les AHL diffusent facilement de bactéries à bactéries. Lorsque la quantité d’AHL atteint un seuil critique à la jonction entre la phase de croissance exponentielle (C, D) et la phase stationnaire (E, F), les AHL déclenchent la production de facteurs de virulence (éclair noir). Cette production est coordonnée à toute la population bactérienne. (Ruimy et al., 2004).

Chez P. aeruginosa, le QS est responsable de la régulation d’environ 350 gènes, soit 6 % de son génome, et est impliqué dans différents processus tels que la formation de biofilm ou la synthèse de toxines (Veesenmeyer, et al., 2009). Trois systèmes de QS ont été mis en évidence. Le premier à avoir été décrit est le système las (Gambello & Iglewski, 1991). Ce système est constitué du gène lasR codant pour la protéine régulatrice LasR et du gène lasI codant pour inducteur synthase LasI qui est indispensable à la synthèse de l’auto-inducteur N-(3-oxododecanoyl)-L-homosérine lactone (3-oxo-C12-HSL). Les N-acyl homosérine lactone sont des molécules qui ont la propriété de traverser facilement les membranes bactériennes et constituent un vrai moyen de communication entre les cellules. Lorsque la concentration en 3-oxo-C12-HSL atteint un seuil critique, témoin d’une densité bactérienne élevée, une de ces molécules se lie à deux régulateurs LasR pour constituer un complexe activateur de la transcription de plusieurs gènes. Cette activation est déclenchée de manière synchrone dans toute la population bactérienne à la jonction entre la phase de croissance exponentielle et le début de la phase stationnaire. Parmi les gènes régulés par ce système, plusieurs sont impliqués dans la virulence, tels que lasB, lasA, aprA codant respectivement pour deux élastases et pour une protéase alcaline, toxA codant pour une exotoxine ADP-ribosylante, xcpR et xcpP codant pour des protéines du système de sécrétion de type II nécessaire à l’exportation de ces facteurs hors de la cellule et lasI permettant une augmentation rapide de la synthèse de 3-oxo-C12-HSL et donc une amplification du signal par auto-induction.

Le deuxième système est le système rhl (Latifi, et al., 1995). Ce système est également constitué d’une protéine régulatrice RhlR codée par le gène rhlR et une auto-inducteur synthase RhlI, codée par le gène du même nom. Cette enzyme est nécessaire à la synthèse d’un second type de N-acyl homosérine lactone : la N-butyryl-L-homosérine lactone (C4-HSL). Le complexe RhlR-C4-HSL contrôle l’expression de l’opéron rhlAB nécessaire à la production de rhamnolipides, et l’expression d’une série de gènes dont lasA, aprA et rhlI. Des interactions existent entre ces deux systèmes. Notamment, le complexe LasR-3-oxo-C12-HSL active la transcription de rhlR et rhlI. De plus, les 3-oxo-C12-HSL peuvent entrer en compétition avec les C4-HSL pour le site de liaison à RhlI et pourraient ainsi agir comme un antagonisme du système rhl. Il existe donc une hiérarchie entre ces deux systèmes avec le système las qui régule positivement le système rhl (Latifi, et al., 1995).

Les mécanismes régulant positivement l’expression des gènes lasR et rhlR sont encore mal connus. Ils semblent toutefois faire intervenir des signaux extérieurs, notamment par l’intermédiaire de systèmes de régulation. La régulation négative du système las est

actuellement attribuée à deux gènes rsaL et qscR. Le gène rsaL est situé immédiatement en aval de lasR et inhibe la synthèse de LasI. De plus, l’analyse du génome complet de P.

aeruginosa a révélé l’existence d’un gène homologue à lasR nommé qscR. La protéine codée

par ce gène inhibe également la transcription de lasI et pourrait ainsi assurer le contrôle du QS empêchant son déclenchement dans des environnements ne nécessitant pas sa mise en œuvre (Chugani, et al., 2001).

Récemment, un troisième système appelé Pseudomonas Quinolone signal (PQS) a été mis en évidence (Diggle, et al., 2003). Ce système implique la formation d’une molécule signal appelée 2-heptyl-3-hydroxy-4(1H)-quinolone. La synthèse de cette molécule est sous le contrôle de LasR et active notamment la transcription des gènes lasB (codant pour l’élastase), lecA (codant pour une PA-IL lectine) et rhl2, constituant ainsi un lien supplémentaire entre les systèmes las et rhl. Plusieurs autres molécules régulant le QS, notamment d’autres acyl-homosérine lactones ont pu être détectées en faible quantité dans le surnageant de culture.Des molécules de dipeptides cycliques (diketopiperazines) ont également été retrouvées chez P.

aeruginosa (Holden, et al., 1999). Leur rôle reste encore hypothétique mais pourrait inhiber

ou activer le QS selon l’environnement rencontré par les bactéries.

Le QS n’intervient pas dans la virulence de P. aeruginosa uniquement en stimulant l’expression de différents gènes codant pour des facteurs de virulence. Les N-acyl homosérine lactones interviennent directement dans la virulence par leur activité immuno-modulatrice. La 3-oxo-C12-HSL joue un rôle dans l’infection en inhibant la prolifération lymphocytaire, en réduisant la réponse inflammatoire (production de TNF ) induite par le LPS de P.

aeruginosa. Cette molécule est également responsable de l’apoptose des macrophages et des

polynucleaires neutrophiles (Telford, et al., 1998).

Le QS est également impliqué dans la formation du biofilm, en intervenant dans l’étape de structuration. En effet, une souche mutée sur le gène lasI forme un biofilm fin, peu structuré et sensible à un détergent (le SDS). L’ajout de 3-oxo-C12-HSL restaure la structure du biofilm, confirmant le rôle essentiel du QS dans la formation du biofilm. Par contre, une mutation sur le gène rhlI n’entraine pas de modification significative du biofilm (Davies, et al., 1998). Il est aussi intéressant de noter que les molécules du QS produites par P.

aeruginosa peuvent avoir un effet sur d’autres microorganismes présents. Il a notamment était

montré que la 3-oxo-C12-HSL à un effet inhibiteur de la croissance de Staphylococcus aureus et de Candida albicans, parfois retrouvées simultanément avec P. aeruginosa lors de co-infection (Hogan, et al., 2004, Hoffman, et al., 2006).

Chez S. maltophilia, la communication entre cellules n’implique pas le même type de molécules que chez P. aeruginosa. En effet, l’analyse du protéome de S. maltophilia a révélé l’absence de N-acyl-homosérine lactone synthase. La communication est alors rendue possible par la synthèse de molécules appelées diffusible signal factors (DSF) (Fouhy, et al., 2007, Crossman, et al., 2008). La synthèse et la perception de ces molécules se fait grâce à la présence d’un opéron rpf, identifié premièrement chez le pathogène de plante Xanthomonas

campestris pv. Campestris, phylogénétiquement proche de S. maltophilia (Fouhy, et al.,

2007). La synthèse des DSF est dépendante de la protéine RpfF, présentant des similarités de séquence avec une enoyl coA hydratase, alors que la perception implique la présence d’un système de régulation à deux composants : RpfC et RpfG, sensor kinase et régulateur, respectivement. Il a été montré que ces molécules interviennent dans le contrôle de la résistance à certains antibiotiques, dans la formation de structures type agrégat et biofilm et dans la virulence notamment en induisant la synthèse de protéases extracellulaires.

Malgré des systèmes de communications impliquant différentes molécules chez les deux modèles bactériens P. aeruginosa et S. maltophilia, une étude récente a montré que les DSF produits par S. maltophilia pouvaient influencer le comportement de P. aeruginosa dans un biofilm constitué par les deux espèces (Figure 18) (Ryan, et al., 2008).

Figure 18. L’architecture du biofilm formé par P. aeruginosa est influencée par les molécules DSF (Diffusible Signal Factors) produites par S. maltophilia.A. P.

aeruginosa PAO1, B. S. maltophilia

K279a, C. Co-culture de PAO1 et K279a, D. Co-culture de PAO1 et K279a mutée sur un gène impliqué dans la synthèse

(arpfF) de DSF, E. PAO1 en présence de

DSF exogène (50 mM), F. Co-culture PAO1 et K279a mutée sur arpfF et complémentée. (Ryan et al., 2008).

En effet, la présence de DSF entraine une modification de l’architecture du biofilm constitué

par P. aeruginosa qui forme alors des filaments étendus. La réponse de P. aeruginosa dépend

de la présence d’une sensor kinase présentant un domaine senseur proche de celui de RpfC codée par le gène PA1396. Une mutation dans ce gène ou l’ajout de DSF entraine une augmentation de l’expression de gènes impliqués dans la tolérance au stress, notamment ceux impliqués dans la résistance aux peptides antimicrobiens, entrainant une augmentation de la tolérance aux polymixines. L’origine de ces observations est inconnue. Toutefois, les auteurs suggèrent que la protéine codée par le gène PA1396 régulerait négativement les gènes de tolérance au stress et que la liaison avec des molécules DSF pourrait en partie inverser cet effet.