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PARTIE I : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE

I- 2-a- Interactions avec les plantes

P. aeruginosa, est capable d’établir différents types d’association avec les plantes. D’une part,

certaines souches de P. aeruginosa vont être capables d’avoir un effet bénéfique sur la plante hôte. Ainsi, différentes souches isolées de la rhizosphère ont montré des capacités à promouvoir la croissance des plantes. Cette capacité est liée à des caractéristiques particulières, souvent souche spécifique. La capacité à produire des antifongiques a par exemple était mise en évidence chez certaines souches, à la fois environnementales et cliniques (Mavrodi, et al., 2001). La production de l’hormone de croissance acide indole

3-acétique (AIA), de sidérophores et de phosphatases permettant d’améliorer la disponibilité en fer et en phosphore, respectivement, ont également été mises en évidence chez différentes souches et sont souvent corrélées avec l’induction de la croissance des plantes. La souche PUPa3 en particulier a retenu notre attention (Kumar, et al., 2005). Cette souche est capable de produire un antifongique à large spectre : le phenazine-1-carboxamide (PCN), agissant notamment contre des champignons responsables d’infection chez des plantes d’intérêt économique majeur telles que le riz, la cane à sucre, le thé, le coton ou le tabac. Ce fongicide est 10 fois plus actif que le HCN (acide cyanhydrique), produit par d’autres souches de P.

aeruginosa promotrices de croissance. En plus de la synthèse de cette molécule, PUPa3

produit également de l’AIA, des sidérophores et des phosphatases, ce qui fait de cette souche un excellent candidat pour l’amélioration du rendement des cultures. Toutefois, il a été montré que malgré des capacités à promouvoir la croissance des plantes par certaines souches de P.

aeruginosa en laboratoire, aucun effet bénéfique n’était observable aux champs. Cette

observation serait due à l’incapacité de certaines souches à survivre ou rester active dans les sols. Devliegher et collaborateurs suggèrent que l’ajout d’une source de carbone dans les sols pourrait diminuer la compétition bactérienne, entrainant un effet positif de P. aeruginosa sur la croissance des plantes (Devliegher, et al., 1995). La capacité à survivre en présence de pesticides et de les dégrader semble également être une caractéristique intéressante de certaines souches de P. aeruginosa entraînant un effet sur la plante (Chapalmadugu & Chaudhry, 1993). C’est le cas par exemple de la souche PS1 (Ahemad & Khan, 2010). Cette souche, isolée de la rhizosphère de la moutarde, est capable d’induire la croissance du haricot vert, en particulier en présence d’herbicide. Cette augmentation s’explique d’une part par la production de substances qui stimulent la croissance de la plante telles que l’AIA, mais également par la réduction de la disponibilité de l’herbicide due à la sécrétion d’exopolysaccharides par la souche dans les sols.

D’autre part, différentes souches de P. aeruginosa ont montré des capacités à créer des dommages chez les plantes (Rahme, et al., 1995). La plupart de ces études ont été réalisées en laboratoire en testant l’effet de souches isolées principalement du milieu clinique sur différentes plantes (Elrod & Braun, 1942). Ces études ont notamment pour vocation la mise en évidence des facteurs de virulence qui pourront être utilisés de la même façon chez les hôtes animaux et végétaux (Starkey & Rahme, 2009). Parmi les souches les plus virulentes, la souche PA14 a fait l’objet d’études approfondies. Son effet sur la plante Arabidopsis thaliana a été investigué en détail. Il a été montré qu’elle était capable d’envahir la plante au niveau

des feuilles par les blessures et les stomates et de causer des infections locales ou systémiques entraînant la mort de la plante au bout de quelques jours (Plotnikova, et al., 2000). Il a également été montré que PA14 était capable d’infecter les racines d’Arabidopsis et du basilic

in vitro et dans le sol. Cette infection entraîne une réponse immunitaire de la plante qui

produit alors des molécules antibactériennes telles que l’acide rosmarinique. Ces molécules ne permettent toutefois pas l’élimination de P. aeruginosa organisée en biofilm (Walker, et al., 2004). Enfin, le séquençage de cette souche a permis de mettre en évidence la présence de deux ilots de pathogénicité impliqués dans la réussite de l’infection à la fois chez les animaux et les plantes (He, et al., 2004).

Enfin, P. aeruginosa est également fréquemment trouvé sur certains fruits et plantes vertes sans causer de dommages (Cho, et al., 1974). Cette mise en évidence est particulièrement intéressante d’un point de vue de santé publique puisque sa présence sur des plantes ornementales pourrait constituer une source de contamination pour les personnes hospitalisées.

De nombreuses études ont mis en évidence la présence de S. maltophilia dans la rhizosphère de différentes plantes (Juhnke & des Jardin, 1989, Berg, et al., 1996), toutefois, elle peut également être isolée de la surface ainsi que des tissus internes de la plante en particulier dans les tissus vasculaires des racines et de la tige (Garbeva, et al., 2001, Ryan, et al., 2009). Dans tous les cas, les interactions établies entre S. maltophilia et les plantes sont toujours à bénéfices réciproques et aucune espèce du genre Stenotrophomonas n’est connue pour être phytopathogène. Les associations entre S. maltophilia et les plantes ont fait l’objet de nombreuses études étant donné les capacités d’induction de la croissance des plantes par les espèces du genre Stenotrophomonas (Berg, 2009). Cet effet présente un intérêt particulièrement important en biotechnologie. Notamment, l’utilisation de ces bactéries permettrait de diminuer l’utilisation de produits chimiques pour l’amélioration des rendements agricoles.

Différents facteurs seraient impliqués dans la réussite de l’association S. maltophilia-plante hôte. Notamment, la colonisation de la plante serait favorisée par la mobilité et les capacités d’adhésion de S. maltophilia. Ces propriétés sont dues à la présence de fimbriae et de pili, impliqués à la fois dans l’adhésion et la formation de biofilms (de Oliveira-Garcia, et al., 2003), contribuant certainement à la rendre plus compétitive vis-à-vis des autres bactéries présentes dans la rhizosphère. Il a également été montré qu’une espèce de S. maltophilia

épiphyte pouvait altérer les tissus de la plante pour favoriser les échanges. En effet, la souche SaO5sm est capable d’augmenter la perméabilité de la feuille de la plante hôte, ce qui a pour conséquence d’augmenter la disponibilité en eau et en composés dissouts à la fois pour la plante et pour la bactérie (Schreiber, et al., 2005). Toutefois, le mécanisme à l’origine de ces modifications est à ce jour inconnu.

La stimulation de la croissance des plantes ne serait pas une particularité réservée aux souches environnementales. En effet, l’étude de Suckstorff et Berg a montré que différentes souches

de S. maltophilia étaient capables de stimuler la croissance des racines et des poils racinaires

de plantes quelles soient d’origine environnementale ou clinique (Suckstorff & Berg, 2003). L’effet semble toutefois inférieur chez les souches d’origine clinique mais reste significatif. Cette étude montre également que l’effet observé serait dose-dépendant et impliquerait la synthèse par la bactérie de l’hormone de croissance AIA.

De plus, S. maltophilia semble avoir différentes propriétés lui permettant d’agir comme agent de bio-contrôle sur les compétiteurs ou pathogènes de plantes présents dans la rhizosphère. Elle est notamment capable de produire différentes molécules qui vont avoir un rôle fongicide ou bactéricide (Juhnke, et al., 1987). En particulier, la souche R3089 est capable de synthétiser un fongicide nommé maltophiline (Jakobi, et al., 1996). Il a été montré que cette molécule était capable d’inhiber la croissance de différents champignons saprophytes mais également pathogènes des plantes et de l’Homme, par contre aucune activité contre les bactéries n’a été observée. S. maltophilia présente également des propriétés hydrolytiques importantes et produit différentes protéases. Certaines d’entres elles, notamment les chitinases peuvent intervenir dans le contrôle des champignons pathogènes de plantes en lysant leur paroi cellulaire (Zhang, et al., 2001). S. maltophilia serait même une des espèces dominantes dans la dégradation de chitine au sein de la communauté microbienne du sol (Krsek & Wellington, 2001).

La compétition pour le fer semble un facteur important pour la survie et la croissance des bactéries dans la rhizosphère (Jurkevitch, et al., 1992). La présence dans les génomes séquencés de S. maltophilia de plusieurs gènes impliqués dans la formation de sidérophores augmenterait les capacités de compétition de cette bactérie et favoriserait sa survie dans la rhizosphère (Ryan, et al., 2009).

Les capacités à promouvoir la croissance des plantes de P. aeruginosa et S. maltophilia font l’objet de nombreuses études. Toutefois, leur utilisation aux champs peut poser un problème d’éthique. Il est important de ne pas perdre de vue que ces modèles bactériens sont également des pathogènes opportunistes majeurs, d’une grande importance d’un point de vue de santé publique. Leur utilisation en agriculture ou dans d’autres domaines de biotechnologie doivent être parfaitement contrôlée et maitrisée. De plus, d’autres espèces appartenant aux genres

Stenotrophomonas (en particulier S. rhizophila) et Pseudomonas (autres Pseudomonas

fluorescents) offrent également de bonnes perspectives tout en s’affranchissant du problème lié au caractère pathogène de P. aeruginosa et S. maltophilia, notamment dans la promotion de croissance des plantes.