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Structure des sites de reconnaissance dans les interfaces

CHAPITRE I : Ingénierie des protéines pour le développement de ligands

I. 4.4.3.2 Recherche de plates-formes non fondée sur la similarité des structures secondaires

II.2 Propriétés structurales des interfaces

II.2.2 Structure des sites de reconnaissance dans les interfaces

Il est souvent admis que les protéines s’associent par l’intermédiaire de « patchs » ou

sites de reconnaissance spécifiques sur leurs surfaces. Les interfaces sont en général

constituées d’un site de reconnaissance principal de taille standard additionné de sites dont les surfaces sont plus petites, et dans des cas plus rares, le site de reconnaissance principal peut être dupliqué. Une étude réalisée sur 70 complexes protéine-protéine divers (Chakrabarti et Janin, 2002)a montré que la majorité des interfaces (46) possèdent un site de reconnaissance unique, 18 interfaces possèdent 2 sites de reconnaissance et 6 interfaces en possèdent 3 à 4 (Figure II.2).

Figure II.2 : « Patchs » de reconnaissance dans les complexes protéase-inhibiteur. Les sites de reconnaissance sont représentés en zones de couleurs différentes sur la surface d’une protéine tandis que la 2ème protéine est représentée en tube. A : Site de reconnaissance unique (rouge) à l’interface entre la trypsine (gris) et PTI (vert) (code PDB 2PTC). B : Ornithodorin (vert) et thrombin (gris) formant une interface avec deux sites de reconnaissance (rouge et bleu) (code PDB 1TOC). C : Facteur VIIA (vert) et facteur tissulaire soluble (gris) formant une interface avec trois sites de reconnaissance (rouge, bleu et jaune) (code

PDB 1DAN). (Chakrabarti et Janin, 2002)

Tous les complexes protéase-inhibiteur étudiés ayant une taille d’interface standard possèdent un site de reconnaissance unique tandis que les complexes protéase-inhibiteur de taille plus grande ainsi que ceux impliqués dans la transduction de signal comprennent plusieurs sites de reconnaissance au niveau de leurs surfaces. Ces données indiquent donc une étroite corrélation entre la taille de l’interface et le nombre de sites de reconnaissance. En effet, 43 interfaces parmi les 46 possédant un site de reconnaissance unique ont une taille < 2000 Å2, ce qui correspond à une taille inférieure ou égale à la taille d’interface standard.

Ces auteurs se sont également intéressés à la structure des motifs de reconnaissance. Ceux- ci sont formés d’atomes qui appartiennent à l’interface entre les protéines et dont la surface accessible au solvant (ASA) diminue partiellement ou totalement lors de la formation du complexe. Chaque « patch » est divisé en trois parties :

- les résidus formant le cœur du patch (Zone A) - les résidus entourant le cœur du patch (Zone B)

Figure II.3 : Structure des interfaces protéiques. A : Représentation schématique d’un patch de reconnaissance au niveau de l’interface montrant la zone A correspondant au cœur et les zones B et C correspondant à la couronne. B : Représentation en mode surface de la protéine 2-phospho-D-glycérate hydrolase (code PDB 1EBH) montrant le cœur de l’interface en rouge et la

couronne en bleu.

Les atomes formant la zone A sont totalement enfouis dans l’interface (ASA = 0) lors de la formation du complexe tandis que les atomes des zones B et C gardent une accessibilité au solvant partielle, et serviraient à isoler le cœur du solvant. Par ailleurs, les atomes de A et B sont des atomes de contact établissant des interactions de type Van der Waals avec l’autre partenaire du complexe.

Une interface moyenne contient 211 atomes appartenant à 52 résidus, dont la moitié environ sont des atomes de contact (types A et B) et le tiers sont des atomes totalement enfouis (type A), ce qui correspond à environ 13 résidus de contact par protéine dont 9 totalement enfouis (Lo Conte et al., 1999). Les données issues des travaux de Chakrabarti et Janin sont similaires et montrent que toutes les interfaces analysées possèdent au moins un patch de surface, dont la taille moyenne est de 800 Å2 (Chakrabarti et Janin, 2002).Cette interface comporte en moyenne 85 atomes appartenant à 23 résidus dont 12 et 11 forment respectivement le cœur et la couronne du site. La composition de la zone correspondant au cœur du patch est différente de celle correspondant à la couronne ainsi que du reste de la surface de la protéine. Par ailleurs, dans les complexes hétéro-dimériques, les résidus formant le cœur du patch sont plus conservés que ceux formant la couronne. Cette constatation est particulièrement vraie pour les complexes enzyme-inhibiteur dans lesquels les sites actifs des enzymes ont évolué de façon à conserver leurs fonctions spécifiques. En revanche, les résidus formant le cœur et la couronne des interfaces dans les complexes antigène-anticorps sont peu conservés, ce qui s’explique par le fait que les séquences d’anticorps doivent évoluer de façon à se diversifier pour reconnaitre une large variété d’antigènes (Guharoy et Chakrabarti, 2005).

Bogan et Thorn ont proposé un autre modèle décrivant la structure des sites de reconnaissance avec une segmentation cœur/couronne (Bogan et Thorn, 1998). Cette étude fondée sur l’analyse d’une base de données de 2375 mutations en alanine dans des complexes protéine-protéine a conduit à plusieurs conclusions importantes. Il n’existe pas de corrélation entre la surface enfouie par résidu et la variation d’énergie libre de liaison associée à la substitution de ce résidu en alanine. Par ailleurs, la variation d’énergie libre de liaison n’est pas uniformément répartie parmi les résidus formant le site de reconnaissance. Il existe en fait un nombre restreint de résidus pour lesquels la substitution en alanine conduit à une diminution de l’énergie libre de liaison de plus de 2 kcal/mol. Ces résidus correspondent à des « hot spots » au niveau des interfaces et joueraient un rôle essentiel d’un point de vue énergétique dans l’interaction entre les protéines (Voir chapitre précédent). La proposition de ces auteurs est que ces résidus sont généralement enfouis et regroupés au centre des sites de reconnaissance et sont entourés de résidus accessibles qui ont un effet moindre sur l’affinité de liaison (Figure II.4). On voit bien que ce modèle de structure des sites de reconnaissance est très convergent avec celui décrit par Lo Conte et al. ainsi que Chakrabarti et Janin.

Figure II.4 : Résidus « hot spots » au niveau des interfaces protéine-protéine. A : hormone de croissance humaine (jaune) en complexe avec son récepteur homo-dimérique (gris clair et foncé). B : Interface d’interaction entre les protéines avec en rouge les 6 résidus « hot spots » dont la mutation abolit l’interaction. Les résidus appartenant à la couronne du site de reconnaissance

sont représentés en bleu (Ofran et Rost, 2007).