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Les MMPs : des cibles thérapeutiques potentielles

CHAPITRE IV : Application : Ciblage du domaine catalytique des MMPs

IV.2 Les MMPs : des cibles thérapeutiques potentielles

IV.2.1 Rôles physiologiques

La plupart des MMPs sont exprimées sous forme de pro-formes inactives (zymogènes) qui doivent être activées pour assurer leurs fonctions physiologiques. Cette activation, impliquant le clivage du pro-peptide, peut se faire soit dans le milieu extracellulaire, soit à la surface des cellules, ou encore dans la cellule au niveau des voies de sécrétion des protéines. Plusieurs protéases, comme la plasmine et les MMPs elles-mêmes, sont capables d’éliminer le pro-peptide et d’activer les MMPs, conduisant à des formes actives de ces enzymes.

Malgré une certaine spécificité des substrats, les spectres protéolytiques des différentes MMPs sont assez larges et se recouvrent, ce qui permet la dégradation de l’ensemble des composants de la matrice extracellulaire. Les MMPs sont donc considérées comme des acteurs majeurs du remodelage tissulaire (Brinckerhoff et Matrisian, 2002 ; Mott et Werb, 2004). Une surexpression de ces enzymes est observée lors de la croissance embryogénique et de la morphogenèse des tissus, évènements fondamentaux qui requièrent la disruption des barrières

de la matrice extracellulaire pour permettre la migration cellulaire et le remodelage du microenvironnement de la matrice. La plupart des gènes de MMP sont aussi surexprimés dans plusieurs processus de la reproduction, tels que le cycle menstruel, l’ovulation et la résorption de l’utérus après l’accouchement. Au stade adulte, il n’existe pas d’expression constitutive des MMPs, sauf au sein de tissus en renouvellement cellulaire permanent (gencive, intestin) ou lors de processus de cicatrisation des blessures.

IV.2.2 Implication des MMPs à différents stades d’un processus pathologique

Si les MMPs ne sont pas exprimées dans la plupart des tissus sains, elles sont en revanche surexprimées lors de différents processus pathologiques, comme le cancer (Egeblad et Werb, 2002 ; Folgueras et al., 2004), la sclérose en plaques (Rosenberg, 2005), l’athérosclérose (Dollery et Libby, 2006) et l’arthrose (Burrage et al., 2006).

Des études récentes ont montré que le rôle des MMPs n’est pas limité à celui qui découle de leur activité de dégradation directe des composants de la matrice extracellulaire (Egeblad et Werb, 2002). Ainsi, les contributions des MMPs dans les différentes étapes de la progression tumorale sont nombreuses. Certaines MMPs sont impliquées dans la perte d’adhérence cellulaire durant les premiers stades du développement d’une tumeur carcinomateuse. D’autres MMPs, intervenant dans l’étape d’invasion locale, ont une activité protéolytique dirigée contre les protéines de la membrane basale et contre le collagène interstitiel présent dans le tissu conjonctif qui encercle les cancers invasifs. Les MMPs interviennent également dans la prolifération des cellules tumorales (la troisième étape de la progression tumorale) faisant intervenir les facteurs de croissance (cytokines). Finalement lors de l’angiogenèse (quatrième étape de la progression tumorale), les MMPs peuvent avoir un effet stimulateur ou répresseur.

IV.2.3 Rôle ambivalent des MMPs

Les MMPs ne sont pas toutes des cibles thérapeutiques. En effet, l’identité et la contribution exacte des MMPs impliquées dans différents processus pathologiques ne sont pas clairement identifiées, et les effets positifs ou négatifs qu’exercent les MMPs peuvent varier en fonction de différents types et différents stades de pathologies.

Ainsi, à travers des études de transcriptomique et d’invalidation de gènes, seulement trois MMPs (MMP-1, MMP-2 et MMP-7) ont été validées comme cibles thérapeutiques potentielles (Overall et Kleifeld, 2006). À l’inverse, d’autres MMPs sont aujourd’hui considérées comme des « anti-cibles » de part leur implication dans des mécanismes de défense de l’hôte. Les expériences menées par le groupe de Overall et Kleifeld ont conduit à la validation des MMP-3, MMP-8 et MMP-9 comme anti-cibles du fait de leurs effets anti-tumorigéniques (Overall et Kleifeld, 2006). De plus, Witty et al. ont également démontré que la progression tumorale dans divers modèles animaux était inversement corrélée avec le niveau d’expression des MMP-3 et MMP-8 (Witty et al., 1995). Ces résultats paraissent paradoxaux en vue des effets pro- tumorigéniques non ambigus des MMP-3 et MMP-8 (Egeblad et Werb, 2002 ; Fingleton, 2003). Au vu de ces rôles ambivalents, ces MMPs ont été classées comme anti-cibles car l’inhibition ou l’inactivation thérapeutique de ces MMPs anti-tumorigéniques peuvent être préjudiciables et même dangereuses pour l’hôte.

La classification des MMPs comme cibles ou anti-cibles thérapeutiques peut devenir encore plus compliquée car une même MMP peut avoir des rôles opposés à différents stades de la progression tumorale. Par exemple, une étude sur un modèle de souris transgénique de carcinome épidermoïde invasif suggère que la MMP-9 stimule la prolifération durant les stades précoces du cancer mais qu’elle limite la progression à des stades plus avancés (Coussens et al., 2000). Une autre étude a montré que la MMP-11 a un rôle stimulateur dans les tumeurs primaires puis agit comme répresseur au cours des invasions distales (Andarawewa et al., 2003).

Par ailleurs, les différentes contributions d’une même MMP peuvent être opposées en fonction du type de pathologie considérée. En effet, une étude réalisée chez des patients atteints de cancer colorectal a démontré que le gène de la MMP-12 joue un rôle important dans l’inhibition de la progression tumorale et que la surexpression de la MMP-12 est étroitement corrélée à un meilleur pronostic (Yang et al., 2001). En revanche, dans un autre type de pathologie tel que l’athérosclérose, la MMP-12 est impliquée dans la rupture de la plaque d’athérome pouvant conduire à un infarctus du myocarde. Il a été démontré que la surexpression de la MMP-12 active conduit à une inflammation et à la réduction du collagène dans les plaques d’athérome chez les lapins atteints d’hypercholestérolémie (Liang et al., 2006). D’autres expériences réalisées sur des souris KO (Knock-Out) ont montré que la délétion de la MMP-12 a pour conséquence des lésions plus petites et plus stables au niveau de

l’artère brachiocéphalique (Johnson et al., 2005) et une dégradation réduite de l’élastine dans l’arc aortique (Luttun et al., 2004), démontrant l’implication de la MMP-12 dans la déstabilisation des plaques d’athérome.

Dans un contexte de conception de nouveaux ligands protéiques inhibiteurs de MMPs, il est donc indispensable de mettre au point des inhibiteurs hautement sélectifs des MMPs afin de cibler spécifiquement les MMPs qui jouent un rôle stimulateur dans le processus pathologique et éviter les MMPs impliquées dans les mécanismes de défense de l’hôte au cours du processus pathologique.