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Chapitre 5. Construction des variables

1. Structure des affects

Avant de commencer les analyses visant à répondre à la problématique de développement d’une expertise dans la régulation affective en fonction de la personnalité, la première étape d’analyses des résultats a été de construire les variables sur lesquelles la suite des analyses serait réalisée. En effet, le protocole a permis de recueillir de nombreuses informations, et notamment concernant les affects. Il s’agissait alors de réduire le nombre de variables affectives.

1.1. Structure factorielle de l’espace des affects

Les réponses aux douze items d’affects pour chaque SMS ont été soumises à une analyse en composantes principales (ACP) dans le but de résumer l’information à un nombre plus réduit de variables, correspondant aux AP, AN et ACT identifiés dans la littérature (Stanley &

Meyer, 2009). L’objectif de cette analyse est de projeter les réponses aux douze affects dans un sous-espace de dimensions plus réduites. Les facteurs extraits ne sont donc pas interprétés comme des variables latentes basées sur des processus psychologiques distincts. Il s’agit uniquement d’une étape de réduction dimensionnelle permettant de dégager des variables dépendantes sous la forme de trois scores factoriels. À ce niveau, les variabilités intra et interindividuelles ne sont pas distinguées. L’analyse du graphique des éboulis aboutit comme attendu à retenir trois composantes dont les valeurs propres sont supérieures à un et qui résument 64% de la variance totale. Les cartes factorielles7 projetant les items dans l’espace des composantes obtenues montrent bien une organisation en arc de cercle compatible avec le modèle circomplexe. Ce patron apparait également en considérant la troisième composante.

Cette organisation circulaire des items fait que les rotations habituelles comme la rotation

7 Les cartes factorielles sont présentées en annexe Figure 34.

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Varimax sont difficiles à utiliser. Le Tableau 1 montre les saturations obtenues à la suite d’une rotation ad hoc8 réalisée dans le but de dégager trois scores factoriels identifiables.

Tableau 1

Saturations de l'analyse en composantes principales sur les douze états affectifs après rotation, données descriptives des affects

Affect AN API APA Moyenne (ET)

Activation Plaisante -0,15 0,14 0,79 3,00 (1,14)

Plaisir Actif -0,22 0,36 0,70 2,97 (1,16)

Plaisir -0,32 0,50 0,56 3,21 (1,11)

Plaisir Inactif -0,26 0,74 0,27 3,12 (1,18)

Inactivation Plaisante -0,28 0,77 0,17 3,14 (1,22)

Inactivation 0,35 0,52 -0,46 2,16 (1,24)

Inactivation Déplaisante 0,66 0,09 -0,36 1,64 (1,01)

Déplaisir Inactif 0,79 -0,12 -0,12 1,50 (0,90)

Déplaisir 0,77 -0,14 -0,08 1,66 (1,02)

Déplaisir Actif 0,77 -0,26 0,01 1,69 (1,04)

Activation Déplaisante 0,75 -0,25 0,06 1,75 (1,07)

Activation 0,22 -0,01 0,71 2,10 (1,21)

Coefficient asymétrie 1,30 0,07 -0,20

*: p < 0,05 - **: p < 0,01

Note : AN (Affects Négatifs), API (Affects Positifs Inactifs), APA (Affects Positifs Actifs)

Le premier facteur rassemble les items de l’inactivation déplaisante, le déplaisir inactif, le déplaisir, le déplaisir actif et l’activation déplaisante. Il est intitulé Affectivité Négative ou AN. Le plaisir, le plaisir inactif et l'inactivation plaisante constituent le deuxième facteur. Le dernier facteur présente des saturations positives avec l’activation, l’activation plaisante, le plaisir actif et une négative avec l’inactivation. Les facteurs deux et trois sont appelés par la suite respectivement Affectivité Positive Inactive (API) et Affectivité Positive Active (APA).

Ainsi si la dimension d’AN est bien retrouvée comme attendu, ce n’est pas le cas pour les deux autres. En effet, les résultats montrent que si les AN ne se distinguent pas en fonction du niveau d’activation associé, ce n’est pas le cas pour les affects positifs. Ce résultat n’est pas incohérent avec la littérature. Les résultats de Kessler et Staudinger (2009) ou encore de Yik

8 Le nuage de points des scores factoriels sur les deux premières composantes des ACP réalisées sur des mesures d’affects présente généralement une forme proche d’un triangle rectangle. Le sommet en angle droit du triangle correspond aux réponses avec des niveaux faibles sur tous les adjectifs (ni joyeux ni triste) et les deux autres sommets correspondent aux valeurs élevées sur les adjectifs d’AP et d’AN respectivement. La rotation opère de manière à aligner les deux premières composantes sur les côtés de ce triangle.

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et de ses collaborateurs (2011) mettent en évidence une différenciation des AP en fonction de leurs niveaux d’ACT. La distribution des AN est asymétrique (voir le coefficient d’asymétrie Tableau 1), les valeurs élevées sont dans l’ensemble peu fréquentes. Cette variable a été normalisée en prenant le logarithme népérien des scores factoriels. À la suite de cet ajustement, le coefficient d’asymétrie d’AN est de 0,12. Par la suite, la dénomination d’affectivité négative (AN) désigne cette variable normalisée. Les corrélations calculées entre les scores factoriels à partir des moyennes individuelles montrent un lien négatif modéré entre API et AN (r = -0,34 ; p < 0,01) ce qui est conforme aux résultats de la littérature. Au niveau des moyennes individuelles, APA apparait quant à elle, liée avec API (r = 0,53 ; p < 0,01), mais pas avec les AN (r = -0,06 ; ns). Les variables affectives de la deuxième étude ont été calculées à partir de ces résultats afin d’être comparables.

1.2. Influence d’un recueil ESM

Sur les affects

Le protocole de sondage quotidien utilisé dans l’étude une questionne les états affectifs et leurs fluctuations grâce aux cinq mesures répétées par jours pendant deux semaines. L’ESM permet de questionner les affects de manière la plus écologique possible (Hektner et al., 2008 ; Wilt et al., 2011). Cependant, une étape préliminaire de vérification de la non-influence du protocole par sondage quotidien a été réalisée. Aussi l’évolution temporelle des niveaux des trois variables affectives (AN, APA et API) interrogées durant notre période de recueil de quatorze jours pour les 209 participants ayant répondu au sondage quotidien a été modélisée.

Tableau 2

Paramètres des GAMM9 de l’évolution des affects au cours de la période de recueil quotidien

AN APA API

5,3e-5 6,4e-5 8,7e-3

SE 0,05 0,04 0,05

t 0,05 -0,07 -0,07

ddl (Temps) 2,84 * 1 ** 1,97 ***

*: p < 0,05 - ** : p < 0,01 - *** : p < 0,001

9 GAMM estimés : Affect ~ s(Temps) + random =list(Sujet=~1)

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Contrairement à ce qui était attendu, les effets fixes des GAMM réalisés sont significatifs (Tableau 2). Cependant, les parts de variances expliquées sont très faibles, inférieurs à 0,01 pour cent. Pour se représenter la taille des effets les données ont été centrées-réduites. Les prédictions des niveaux d’affectivités au cours du protocole (Figure 18) illustrent également de très légères fluctuations au cours de la période de recueil de données. Ces résultats sont en accord avec l’hypothèse nulle de non-influence du protocole sur les variables affectives interrogées.

Figure 18. Evolutions temporelles des affects négatifs (AN), des affects positifs actifs (APA) et des affects positifs inactifs (API) au cours du sondage quotidien, d’après les GAMM

estimés Sur les stratégies

Suite à la vérification de la validité du protocole sur les affects, la même idée a été reproduite sur une possible influence du protocole sur les stratégies, du fait qu’il oblige les participants à se centrer sur leurs expériences affectives et la façon dont ils y font face au travers l’utilisation des stratégies. Tout comme précédemment, l’objectif est de tester l’hypothèse nulle, de non-relation entre la période de recueil et les niveaux d’utilisation des stratégies de régulation interrogées : la réévaluation cognitive, la suppression expressive, l’évitement, la recherche de soutien social, la résolution de problème et la rumination. Des GAMM ont été estimés afin de modéliser l’évolution temporelle de l’utilisation des stratégies durant la période de recueil, ainsi que la variabilité intra-individuelle propre à chaque individu. Pour se représenter la taille des effets les données ont été centrées-réduites.

Sur les six stratégies spécifiées dans ce travail, un changement possiblement non linéaire (pour la même raison que les affects, qui est que s’il devait y avoir une évolution, elle serait

-0.5 -0.4 -0.3 -0.2 -0.1 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 Temps (jours)

AN APA API

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attendue de façon plus importante sur les premiers jours du recueil) au cours du temps a été testé. Les GAMM de trois d’entre elles sont significatifs pour les 209 participants (Tableau 3) : la recherche de soutien social, la résolution de problème et la rumination. Cependant, les parts de variances expliquées sont faibles, inférieures à 0,05 pour cent. Pour se rendre compte de la forme et de la taille de ces changements induits par le protocole, un graphique regroupant les trajectoires temporelles des trois stratégies à partir des prédictions calculées sur la base des modèles estimés a été réalisé (Figure 19). Les résultats obtenus (avec les parts de variances expliquées très faibles : inférieures à 0,001) semblent en accord avec l’hypothèse de non-influence de protocole par sondage quotidien sur les niveaux d’utilisation des stratégies.

Tableau 3

Paramètres des GAMM10 significatifs de l’évolution des stratégies au cours de la période de recueil quotidien

Figure 19. Evolutions temporelles des stratégies au cours de la période de recueil quotidien d'après les GAMM estimés

Ainsi il semble que la méthode de recueil par sondage quotidien soit tout à fait pertinente pour questionner les affects et les stratégies de régulation en situation de vie quotidienne, et

10 GAMM estimés : Stratégies ~ s(Temps) + random =list(Sujet=~1) -0.5

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n’implique pas de modifications des réponses, malgré l’aspect introspectif induit par ce protocole. Aussi la suite des analyses a été réalisée sur l’ensemble des données recueillies durant les quatorze jours de sondage quotidien.