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Chapitre 2. L’effet de positivité avec l’âge

2. L’effet de positivité

De nombreuses études font état d'une augmentation générale des AP chez les personnes âgées (e.g. Guillaume et al., 2009 ; Urry & Gross, 2010 ; Vieillard & Harm, 2013). Cette augmentation est appelée effet de positivité. Il renvoie soit à une plus grande saillance des AP, soit à une diminution des AN, alors que les AP restent stables avec l’avancée en âge. L’article de l’équipe de Carstensen (2011) suggère qu’avec l’avancée en âge l’expérience affective semble s’améliorer vers la fin de la soixantaine, elle devient plus positive et davantage gratifiante, avant de connaitre un déclin progressif (Figure 7). Cette stabilisation des AP durant l’âge adulte suivi de cette légère diminution chez les âgés et les très âgés est également retrouvée par Gana et ses collaborateurs (2015). Au-delà du constat d’une augmentation du bien-être affectif général (Carstensen et al., 2011 ; Gross et al., 1997 ; Jopp & Rott, 2006), Mroczek et Kolarz (1998) ont montré que le ressenti des affects négatifs diminue jusqu'à l'âge de 60 ans environ, puis se stabilise, tandis que la fréquence des affects positifs augmente légèrement. Cette diminution des affects négatifs est également retrouvée par Charles, Reynolds et Gatz (2001). L’effet de positivité est cependant limité. En effet à partir d’un certain temps, les personnes très âgées vont connaitre un léger déclin des affects positifs (Gana et al., 2015 ; Smith, Borchelt, Maier, & Jopp, 2002). En effet, lorsque les individus

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atteignent un âge très avancés, l’accumulation des conditions négatives de vie (Wozniak &

Jopp, 2012) représente un sérieux défi en termes de capacités d’adaptation. Chez certaines personnes très âgées, il semble que la résilience psychologique qui peut se développer au cours du vieillissement atteint une limite critique où les compétences de régulation perdent de leur efficacité (Jopp & Rott, 2006). Les résultats de Windsor, Gerstorf et Luszcz (2014) suggèrent que certaines ressources sociales, tels que l’engagement dans des activités ou la satisfaction de relations vécues, peuvent conférer un avantage cumulatif pour le bien-être chez les personnes très âgées, mais qu’elles ne joue pas un rôle central pouvant influencer le déclin des affects positifs expérimenté durant les années précédant le décès.

Figure 7. Augmentation des AP avec l'avancée en âge, issu de Carstensen, et al. (2011) Kessler et Staudinger (2009) ont cherché les différences dans l’auto-évaluation des affects en fonction de l’âge chez 277 adultes de 20 à 80 ans. L’intérêt majeur de cette étude est qu’elle prend en compte la dimension ACT des états affectifs et pas seulement la valence.

Leurs résultats montrent que de façon générale les participants plus âgés ont indiqué un niveau plus élevé des affects positifs à faible niveau d’activation, telle que la sérénité, et qu’il n’y a pas de différences d’âge concernant les affects positifs actifs, comme l’enthousiasme.

Les variations d’affectivité positive inactive peuvent s’expliquer par le fait que les personnes vieillissantes prennent en compte la gestion des pertes et cherchent à maintenir leurs niveaux de fonctionnement. Le maintien des affects positifs inactifs, comme par exemple la tranquillité et la sérénité, peut-être un facteur de résilience face au stress. En revanche, les affects positifs à haut niveau d’activation peuvent permettre aux gens d’explorer leur environnement et poursuivre des objectifs de croissance (Izard, Libero, Putnam, & Haynes, 1993).

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Bien qu’il n’existe apparemment aucune différence liée à l’âge dans la capacité de se rappeler des épisodes affectifs intenses sur commande, les personnes âgées déclarent généralement ressentir des affects négatifs moins intenses et moins fréquents (Gross et al., 1997). Tandis que les jeunes adultes semblent être eux plus attirés par des informations à connotation négatives (Isaacowitz & Riediger, 2011). Dans les auto-évaluations réalisées en laboratoire, une diminution du comportement affectif expressif a été obtenue. Ces résultats indiquent la possibilité que les baisses liées à l’âge dans l’expressivité du ressenti, qui renvoie à la stratégie de suppression expressive, se limitent principalement aux affects négatifs et pas aux expressions d’affectivité positive. Avec l’âge, les personnes signalent un plus grand contrôle et une expérience affective négative moindre. L’équipe de Gross (1997) a suggéré que ces changements liés à l’âge (quoique relativement modestes) sont dus à une meilleure régulation, notamment avec l’idée que les participants plus âgés adopteraient des stratégies axées sur les antécédents de plus en plus efficacement au lieu d’avoir recours à une régulation réactive face à l’événement.

Cet effet de positivité pourrait être expliqué par une meilleure régulation affective avec un changement d'objectifs, une meilleure utilisation des stratégies de régulation qui seraient davantage axées sur les antécédents des affects chez les personnes âgées (Gross et al., 1997 ; Voelkle et al., 2013) et une diminution de la fréquence à faire face à des facteurs de stress (Stawski, Sliwinski, Almeida, & Smyth, 2008). Les facteurs sociodémographiques (sexe, éducation et statut marital) et de santé ne représenteraient qu’une petite partie de la variance liée à l’âge des affects positifs et négatifs (Carstensen et al., 2000 ; Charles, Reynolds, &

Gatz, 2001 ; Mroczek & Kolarz, 1998). Il y aurait un avantage lié à l’avancement en âge dans la perception de la régulation affective. Cet avantage correspondrait à de la résilience chez les plus âgés face aux affects négatifs (Kessler & Staudinger, 2009). Les affects négatifs, quel que soit le niveau d’activation, vont eux diminuer avec l’âge. Kessler et Staudinger (2009) ont observé une diminution des affects négatifs entre les jeunes et les intermédiaires, et une stabilisation chez les âgés et les très âgés, quel que soit le niveau d’ACT. Ils interprètent cette réduction comme relevant de la diminution des ressources cognitives et physiologiques chez les personnes âgées. De plus lorsque l’on considère les interactions sociales des personnes âgées, il semble qu’avec l’avancée en âge les échanges sociaux se centrent davantage sur le cercle de proches, dont les membres de la famille qui peuvent traiter les adultes âgés avec plus de déférence et de respect, ce qui serait un élément expliquant pourquoi les personnes âgées rapportent rencontrer moins de problèmes en vie quotidienne.

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Le contrôle perçu sur les affects a également son importance. Les personnes âgées ayant un contrôle perçu élevé se détournent plus facilement des stimuli négatifs que les personnes âgées pensant ne pas pouvoir contrôler leurs affects. Cependant, elles ne s’orienteraient pas pour autant de façon systématique vers des stimuli positifs. Cette différence entre les personnes âgées ne s’est pas retrouvée chez les jeunes adultes (Gana, Klein, Saada, &

Trouillet, 2013). Les âgés vont présenter une préférence visuelle pour les informations positives et demandent moins d’informations que les jeunes sur les situations négatives. Ils retiennent moins les aspects négatifs d’une situation que les jeunes adultes et plus les points positifs. De même, lors des épreuves de rappel et de reconnaissance, les participants plus âgés restituent plus d’informations positives que négatives (Charles & Pasupathi, 2003). Jeunes et âgés sont capables d’expérimenter les affects avec la même intensité, quel que soit le protocole présenté : clip vidéo, face à des stresseurs psychologiques, ou en revivant des événements à charge affective. Les âgés auraient une moins forte réactivité aux stresseurs interpersonnels, mais seulement pour ces stresseurs en particulier (Stawski et al., 2008).