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7. Les stratégies de régulation

7.2. Stratégies issues du Coping

Face aux événements, les individus ne restent pas passifs, mais cherchent à s’adapter à ce qui leur arrive. Au sens large, le concept de coping désigne la manière dynamique dont les individus font face à une situation difficile en faisant appel à diverses formes d’ajustement. Il renvoie à un ensemble de stratégies mises en œuvre pour affronter des situations difficiles ou des événements stressants. Les stratégies de coping, ou traduites en français par les stratégies d’ajustement ou d’adaptation, font suite au modèle transactionnel de Folkman et Lazarus (1988) qui explique la survenue du stress suite à l’interaction entre la situation et l’individu avec une première évaluation de la situation comme menaçante ou non, puis l’évaluation des ressources de l’individu pour y faire face. Confronté à un stresseur, l’individu fait diverses tentatives pour faire face aux exigences de la situation, compte tenu de l’évaluation préalable de ses ressources personnelles et sociales. Les stratégies de coping sont en grandes parties déterminées par les caractéristiques du contexte. Elles sont flexibles, diversifiées et peuvent se modifier dans le temps. Les stratégies de coping renvoient alors à l’ensemble des processus transactionnels, cognitifs et comportementaux que la personne interpose entre elle et l’événement, afin de maîtriser, réduire ou tolérer l’impact de celui-ci sur son bien-être (Folkman & Lazarus, 1988). C’est-à-dire les réponses et les réactions que l’individu va élaborer pour maîtriser, réduire ou simplement tolérer une situation aversive. Ces stratégies peuvent être très proches de certaines stratégies de régulation affective. Les études sur le coping ont mis en évidence deux fonctions principales du coping : le changement du problème et la gestion du stress. Néanmoins, cette approche est insuffisante pour décrire l’ensemble des processus de coping utilisés par les individus. Pour Folkman et Lazarus (1988), il s’agit de processus conscients, intentionnels, dirigés vers un but. Les stratégies de

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coping ne sont pas spécifiques, mais générales (transsituationnelles), car déterminées par certaines caractéristiques dispositionnelles des individus (traits de personnalité) plutôt que par celles des situations. Chaque individu mobiliserait préférentiellement certaines stratégies plutôt que d’autres face à la variété des situations aversives de la vie.

De façon générale, deux formes principales de coping se distinguent : le coping centré sur le problème et le coping centré sur l’émotion. Ces deux formes ont été dégagées à la suite d’une étude réalisée auprès de 100 adultes auxquels on avait demandé de répondre chaque mois et pendant un an à une échelle d’évaluation du coping (la Ways of Coping Checklist de Folkman & Lazarus, 1984), en notant un fait récent qui les avait perturbés ainsi que leurs réactions. Ces deux formes de coping ont des conséquences différentes suivant les situations.

Ainsi le coping centré sur le problème permet de diminuer l’anxiété quand l’événement est contrôlable, mais a tendance à l’augmenter quand il est incontrôlable, alors que le coping centré sur les émotions peut diminuer l’anxiété dans les situations incontrôlables, mais plus rarement dans les situations contrôlables.

Le coping est constitué d’efforts cognitifs et comportementaux variant constamment en fonction des évaluations incessantes par le sujet de sa relation à son environnement. Il peut prendre des formes diverses : il peut s’agir de cognitions (réévaluation de la situation stressante ou des ressources disponibles, plan d’action etc.), d’affects (expression ou au contraire répression de la peur, de la colère, de la détresse, etc.) et de comportements (résolution de problème, recherche d’information, recherche d’aide). Ces stratégies sont utilisées par la volonté de l’individu (Folkman & Lazarus, 1988), et peuvent agir en parallèle ou se nuire mutuellement en fonction des circonstances et des objectifs. Ici, le choix a été fait de s’intéresser à trois d’entre elles : la résolution de problème, la recherche de soutien social et l’évitement. Et contrairement aux stratégies de coping à proprement dite, le choix a été fait de les considérer en dehors de leur application exclusive d’une réduction du stress.

Le coping centré sur le problème :

L’utilisation du coping centré sur le problème a pour objectif de modifier la situation afin d'en réduire les exigences et/ou d'augmenter ses propres ressources, pour mieux faire face au problème. Il peut se faire en réaction ou en prévention (c’est-à-dire de façon proactive) des situations entrainant des affects négatifs. C’est la stratégie la plus exigeante en terme de ressources personnelles (cognitives, motivationnelles…), mais généralement la plus efficace dans la diminution des affects négatifs (Folkman & Lazarus, 1988), surtout dans le cas

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d’événements contrôlables. Le coping centré sur le problème est une stratégie d’engagement (approche et activation) et primaire (assimilative), c’est une tentative d’influence sur la source du stress.

Le coping centré sur le problème cherche à réduire les exigences de la situation et/ou à augmenter ses propres ressources pour mieux y faire face. Cette forme comporte deux aspects essentiels : la confrontation à l’événement qui se traduit par les efforts pour changer la situation d’une part et la résolution du problème qui se traduit par la recherche d’un ensemble de moyens (informations, aide) permettant d’atteindre ce but d’autre part (Folkman &

Lazarus, 1988). Il s’agit véritablement de cette définition du coping centré sur le problème qui a été choisi d’utiliser.

Il est possible de faire le lien entre le coping centré sur le problème et la résolution de problème, qui peut être reconnu comme un facteur préventif contre les expériences négatives à l’origine d’une AN trop importante, voire psychopathologique (Poinsot & Antoine, 2008).

La résolution de problème est un processus cognitivo comportemental dirigé sur soi, par lequel une personne cherche à identifier ou découvrir des solutions adaptées aux problèmes qu’elle rencontre dans la vie de tous les jours. C’est une activité consciente et volontaire, rationnelle et objective, qui demande un certain effort, et est dirigée vers un but afin de maximiser des conséquences positives (bénéfices) et de minimiser des conséquences négatives (coûts), pour soi et autrui, à court et à long terme (Poinsot & Antoine, 2008). Que ce soit dans le coping centré sur le problème ou la résolution de problème, deux aspects relativement indépendants sont nécessaires, tout d’abord la confrontation à la situation problématique et enfin sa résolution en elle-même. La résolution de problème requiert une évaluation des causes et des impératifs de la situation et la prise de décisions entre plusieurs solutions potentiellement efficaces, basées sur le compromis spécifique que la personne est prête à faire (Blanchard-Fields, 2007). Blanchard-Fields (2007) définie deux types de problèmes : ceux qui sont chargés émotionnellement, aussi appelés interpersonnels et ceux qui le sont moins, aussi appelés instrumentaux. Elle définit également deux types de stratégies : les stratégies instrumentales (pour une action directe) et les stratégies passives de régulation (ex: la suppression). Le coping centré sur le problème ou la résolution de problème désignent l’ensemble des efforts comportementaux et cognitifs d’un individu, en vue de modifier la situation dans laquelle il se trouve.

51 Le coping centré sur l’émotion :

Le coping orienté sur l’émotion est une catégorie de stratégies comprenant à la fois des actions de confrontation aux affects ou à l’opposé leur évitement. Il désigne l’ensemble des efforts visant à atténuer et à supporter les états émotionnels déclenchés par la situation. Il existe de nombreuses expressions de cette forme de coping : l’évitement, la distraction, le déni, la dramatisation, etc. ; elles sont la plupart des processus orientés vers soi-même. Les stratégies centrées sur le problème semblent plus efficaces, alors que les stratégies centrées sur l’émotion paraissent plus dysfonctionnelles et plus négatives, notamment du fait que ses diverses formes d’expression, telles que la répression des émotions ou l’impuissance qui sont associées à une augmentation de la détresse. Le coping centré sur l’émotion comprend diverses tentatives de l’individu pour réguler les affects induits par la situation. Il serait composé de cinq facettes :

- La minimisation de la menace avec prise de distance : « Je me suis dit que ce n’était pas grave. »

- La réévaluation positive : « Je suis sortie plus forte de cette épreuve. »

- L’auto-accusation : « J’ai compris que c’était moi qui avais créé le problème. » - L’évitement-fuite comportemental et cognitif : « J’ai essayé de tout oublier. »

- La recherche de soutien : « J’ai accepté la sympathie et la compréhension de quelqu’un. »

Parmi ces facettes, l’intérêt a été plus particulièrement de se centrer sur l’évitement et sur la recherche de soutien social. L’évitement a pour but de faire diminuer les affects négatifs, par des actions de détournement, de fuite, de désengagement, qui amènent l’individu à entrer dans des activités autres que la confrontation à la situation responsable de ces affects. Cette stratégie est généralement considérée comme peu efficace, car elle ne fait rien de l’existence de la menace, sauf dans un objectif de régulation à court terme et dans les situations peu contrôlables (Bruchon-Schweitzer & Boujut, 2014). Cependant, elle peut se révéler utile dans une approche de régulation affective proactive, c’est-à-dire d’anticipation d’une situation potentiellement menaçante. En effet face à une situation qui peut provoquer des affects négatifs, un individu adoptant ce type de régulation va chercher à éviter la situation, dans une dynamique de protection du bien-être affectif (Fredrickson, 2000 ; Zimmermann & Iwanski, 2014).

52 Le coping centré sur le soutien social :

La recherche de soutien social correspond à la recherche de l’aide qu’autrui peut apporter.

Elle apparaît parfois comme une troisième stratégie générale du coping. Elle correspond aux efforts d’une personne pour obtenir la sympathie et l’aide d’autrui et ne doit pas être confondue avec le réseau social ni avec le soutien social qui comprend au moins trois notions différentes, qui elles-mêmes se subdivisent en facettes plus spécifiques : 1) le réseau social que l’on dénomme aussi intégration sociale, 2) le soutien social perçu et 3) le soutien social reçu. On parle aussi des aspects structuraux, perçus et fonctionnels du soutien (pour revue voir Bruchon-Schweitzer & Boujut, 2014). Il s’agit ici des tentatives effectives d’une personne pour obtenir :

a) un soutien émotionnel, qui consiste à exprimer à l’autre des sentiments positifs que l’on ressent à son égard (confiance, amitié, amour), qui visent à aider ce dernier à traverser des moments difficiles (tels que le décès d’un proche, une rupture sentimentale, un licenciement),

b) un soutien d’estime, c’est-à-dire une demande d’être rassuré en ce qui concerne ses compétences et sa valeur en tant qu’individu, afin de renforcer sa confiance en soi dans des moments de doutes,

c) un soutien informatif, soit les conseils, suggestions, informations, nouvelles connaissances, propositions, que peut apporter l’entourage familial, amical ou encore professionnel,

d) ou encore une aide matérielle impliquant une assistance effective comme le prêt ou le don d’argent ou de biens matériels, ou de services rendus dans des moments difficiles.

Il peut également s’agir d’un partage social, c’est-à-dire la ré-évocation d’un événement à charge affective et qui sollicite, même au niveau symbolique, l’interlocuteur.

C’est donc bien une stratégie de coping (qui suppose l’activité de l’individu) et non une ressource (simplement existante ou perçue). L’utilisation du soutien social va atténuer le stress perçu, augmenter la perception des ressources disponibles et permet de réduire les AN.

Cette stratégie est considérée comme relativement efficace, par la prolongation des affects positifs et la diminution des affects négatifs. Généralement, elle est utilisée de façon réactive.

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7.3. La rumination

Les pensées répétitives, prolongées et récurrentes à propos des préoccupations et des expériences personnelles sont présentes chez tous les individus. Ces pensées sont souvent initiées automatiquement. Elles renvoient notamment à l’activité mentale de rumination vers des éléments passés. La rumination est une stratégie de régulation par confrontation à la situation généralement considérée comme moins efficace que celles évoquées précédemment (Luminet, 2013). La rumination est utilisée dans un objectif de recherche de sens après le vécu d’une situation problématique, en dirigeant son attention directement sur le ressenti affectif et ses conséquences (John & Gross, 2004 ; Lyubomirsky, Tucker, Caldwell, & Berg, 1999). À court terme, elle peut permettre une réponse adaptative aux situations affectives par assimilation progressive de la réalité nouvelle aux schémas de pensées existants (Luminet, 2013). Cette stratégie peut être fonctionnelle dans des situations où seul le maintien attentionnel sur l’objectif doit être maintenu. À plus long terme, elle peut engendrer un maintien prolongé dans un état affectif négatif si elle n’aboutit pas sur une forme de réévaluation cognitive. Son utilisation est généralement associée à un état de tristesse plus ou moins intense. Lorsqu’elle est centrée sur des aspects négatifs, la rumination peut favoriser le développement, la maintenance et la récurrence d’épisodes dépressifs (Sheppes et al., 2014).

La rumination renvoie à un processus d’introspection volontaire ou automatique amenant à une comparaison passive entre la situation actuelle et les représentations internes à l’individu qu’il pense ne pas avoir atteint.

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