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Chapitre 6. L’influence de l’âge sur la personnalité, les affects et les stratégies

1. Introduction et objectifs

3.2. Effet de positivité

Les relations entre ces variables ont d’abord été abordées selon une approche linéaire par corrélations. Les liens identifiés entre l’âge et les affects semblent indiquer un léger effet de positivité (Tableau 11). Dans l’étude 1, composée d’un protocole de recueil de données par sondage quotidien, l’âge est corrélé positivement avec le niveau d’APA et négativement avec le niveau d’AN. Et si l’on considère les relations entre l’âge et les douze affects interrogés au niveau état (SMS), l’avancée en âge est corrélée trois affects : l’activation plaisante (r = 0,28 ; p < 0,01), le plaisir inactif (r = 0,15 ; p < 0,01) et l’inactivation (r = -0,23 ; p < 0,05). De même, les corrélations calculées sur les données du questionnaire d’affectivité-trait regroupant les réponses de l’ensemble des individus des deux études indiquent une plus faible relation positive entre l’activation plaisante (r = 0,19 ; p < 0,01) et l’avancée en âge, une augmentation du plaisir inactif (r = 0,25 ; p < 0,01) qui est plus importante et la diminution de l’inactivation (r = -0,16 ; p < 0,01).

Tableau 11

Matrice de corrélations entre l’âge, les affects et leurs fluctuations (étude 1).

Age AN API APA

AN -0,17* 1

API 0,04 -0,34** 1

APA 0,16* -0,06 0,53** 1

* : p < 0,05 - ** : p < 0,01

Si ces premiers résultats vont dans le sens de nos hypothèses, il est possible que la force des relations entre l’âge et les affects soient plus importante si l’on considère qu’elles peuvent ne pas correspondre à des liens linéaires comme le préconisent Mroczek et Korlarz (1998).

Notamment pour les API qui semblent, à ce niveau d’analyses, ne pas varier en fonction de l’âge. Pour étudier d’éventuelles relations non linéaires, des GAM ont été réalisés sur les données individuelles. Pour chaque dimension affective, l’effet potentiellement non linéaire de l’âge a été testé grâce à la fonction splines. Pour se rendre compte de la taille des effets, les modèles ont été réalisés sur les données individuelles centrées réduites par variables.

Tout comme pour les corrélations, les modèles réalisés sont significatifs pour les APA qui augmentent et les AN qui diminuent (Tableau 12 & Figure 23). Cependant si l’influence de l’âge sur l’évolution des API au cours du développement adulte n’est pas significative au regard des valeurs indiquées, le modèle présente via les prédictions un ajustement aux

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données avec une évolution non-linéaire. Ainsi il semblerait que les sujets ressentiraient tout d’abord moins d’API durant l’adolescence et une première partie de l’âge adulte jusqu’aux alentours de 40 ans environ, puis en ressentiraient de plus en plus. Ces trois évolutions sont cohérentes avec l’effet de positivité identifié dans la littérature.

Tableau 12

Paramètres des GAM14 de l’évolution des affects avec l’avancée en âge (étude 1)

AN API APA

Déviance expliquée 0,03 0,03 0,02

SE 0,01 0,01 0,01

t 0 0 0

ddl (Age) 1 * 2,65 1 *

*: p < 0,05 - ** : p < 0,01 - *** : p < 0,001

Figure 23. Evolutions des affects avec l'avancée en âge, d'après les GAM estimés Une fois l’effet de positivité confirmé par l’augmentation des APA et la diminution des AN avec l’avancée en âge, l’étape suivante consiste à tester un effet de positivité différencié en fonction des traits de personnalité. Dans la littérature, il est recensé que les niveaux d’extraversion, de névrosisme et de caractère consciencieux influencent les affects. Aussi il est attendu que l’effet de positivité soit plus marqué pour les individus extravertis, consciencieux et stables émotionnellement avec l’avancée en âge. Pour vérifier cette hypothèse, les corrélations entre les variables ont été calculées (Tableau 13). Contrairement à ce qui était attendu d’après les liens mis en évidence dans la littérature le trait d’extraversion ne semble pas lié aux composantes affectives, bien que la relation avec les APA soit proche

14 GAM estimés : Affects ~ s(Age) -0.5

-0.4 -0.3 -0.2 -0.1 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5

10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 Age

API APA AN

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sur seuil de significativité. Néanmoins, comme attendu, les personnes présentant des plus hauts niveaux de névrosisme sont également celles qui ressentiraient le plus d’AN et le moins d’API. Par contre, les personnes ayant un haut niveau de prévoyance (mais sans pour autant avoir un haut niveau de caractère consciencieux) sont celles qui ressentent le moins d’AN.

Tableau 13

Matrice de corrélations entre les affects et les traits de personnalité (étude 1) Extraversion Névrosisme Caractère

Consciencieux Prévoyance

AN 0,07 0,45** -0,08 -0,29**

API 0,09 -0,36** -0,02 0,16

APA 0,16 -0,09 0,12 0,09

*: p < 0,05 - ** : p < 0,01

Suite aux corrélations, des GAM ont été réalisés en considérant l’interaction de l’âge avec les variables de personnalité sur les trois composantes affectives (Tableau 14). Comme précédemment, les résultats sont également présentés sous forme de graphiques (Figure 24 &

Figure 25) issus des prédictions pour des niveaux des traits de personnalité allant de -1 à +1 écart-type et des âges allant de 13 à 80 ans (ce qui correspond à l’empan d’âge de l’échantillon de l’étude 1). Seuls les graphiques des modèles présentant des effets significatifs sont présentés.

Sur les Figure 24 et Figure 25, les courbes de couleurs foncées correspondent aux prédictions de l’évolution des affects avec l’avancée en âge pour des personnes ayant un haut niveau sur les variables de personnalité (+1 écart-type). Les courbes de couleurs claires correspondent aux prédictions de l’évolution des affects avec l’avancée en âge pour des personnes ayant un faible niveau sur les variables de personnalité. Les composantes affectives sont présentées en lignes, tandis que les différentes variables de personnalité sont présentées en colonnes.

L’ajout des variables de personnalité aux modèles relevant de l’évolution des affects avec l’avancée en âge permet d’augmenter les parts de variance expliquée (Tableau 14).

Notamment concernant l’ajout des variables de névrosisme et de prévoyance sur l’évolution des AN et des API et de l’extraversion sur l’évolution des APA. Ces résultats mettent ainsi en évidence une évolution des API pour certains individus, qui n’apparaissait pas au niveau général. Quant à l’augmentation des APA avec l’avancée en âge, il semble qu’elle dépend essentiellement du niveau d’extraversion des individus. Ce dernier point n’est pas surprenant

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lorsque l’on considère la nature de la variable d’extraversion qui est très liées aux émotions positives et d’énergie.

Tableau 14

Paramètres des GAM15 de l’évolution des affects avec l’avancée en âge en fonction des traits de personnalité (étude 1)

Extraversion Névrosisme Caractère

consciencieux Prévoyance

AN Déviance expliquée 0,05 0,22 0,05 0,11

SE 0,09 0,08 0,09 0,08

t -0,99 -1,09 -0,99 -1,03

ddl (Age, Personnalité) 2 * 2 *** 2 * 2 ***

API Déviance expliquée 0,01 0,13 0,09 0,21

SE 0,03 0,03 0,09 0,08

t 0,35 0,37 0,36 0,38

ddl (Age, Personnalité) 2 2 *** 5,14 8,20 *

APA Déviance expliquée 0,06 0,02 0,02 0,02

SE 0,09 0,09 0,01 0,01

t 1,42 1,40 1,40 1,40

ddl (Age, Personnalité) 2 * 2 2 2

*: p < 0,05 - ** : p < 0,01 - *** : p < 0,001

Les prédictions réalisées à partir des GAM (Figure 24 & Figure 25) indiquent des évolutions des trois composantes affectives linéaires pour les AN et les APA comme c’était déjà le cas dans les modèles précédents avec juste l’avancée en âge. L’ajout de la personnalité pour expliquer l’évolution des affects avec l’avancée en âge met en évidence des différences de niveaux de ces deux composantes. Les personnes les plus stables émotionnellement et les personnes les plus prévoyantes ressentent moins d’AN que les personnes les plus instables et les moins prévoyantes (graphique d et j). Avec l’avancée en âge les individus ressentiraient de moins en moins d’AN, quel que soit leur niveau d’intensité des traits de personnalité. Cette diminution des AN est plus importante lorsque sont considérés les niveaux d’extraversion et du caractère consciencieux, que les traits de névrosisme et de prévoyance.

15 GAM estimés : Affects ~ s(Age, Personnalité)

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Extraversion Névrosisme

Figure 24. Évolutions des affects avec l’âge en fonction des traits de personnalité (extraversion et névrosisme), d’après les GAM estimés

-1

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Caractère consciencieux Prévoyance

Figure 25. Évolutions des affects avec l’âge en fonction des traits de personnalité (caractère consciencieux et prévoyance), d’après les GAM estimés

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L’ensemble des individus ressentiraient de plus en plus d’APA avec l’avancée en âge.

Cette augmentation est plus importante lorsque la variable d’extraversion est prise en compte que lorsqu’il s’agit des trois autres variables. Sur le plan des différences de niveaux, comme attendu, les personnes les plus extraverties ressentent plus d’APA que les personnes les plus introverties.

Ce sont les résultats portant sur l’évolution des API de l’adolescence au vieillissement qui sont les plus intéressants, car ils mettent en évidence une interaction avec l’avancée en âge et les variables de personnalité. Ces interactions, notamment celle avec la facette de prévoyance permettent d’augmenter grandement la part de déviance expliquée. Les prédictions représentées dans la Figure 24 indiquent que les personnes les plus stables émotionnellement ressentent plus d’API que les personnes les plus instables émotionnellement. Cependant la prise en compte du trait de névrosisme n’explique pas d’évolution du niveau d’API avec l’avancée en âge. Tout comme pour les personnes les plus introverties qui présenteraient un niveau constant d’API et plus faible que celui des personnes les plus extraverties, qui vont, elles, en ressentir un peu plus au cours de leur développement. C’est en considérant le caractère consciencieux, et encore plus la facette de prévoyance, que l’évolution du niveau d’API diffère en fonction du niveau d’intensité des variables de personnalité, illustrant un phénomène d’interaction. Les prédictions obtenues indiquent que les personnes les moins consciencieuses et les personnes les moins prévoyantes vont ressentir de moins en moins d’API avec l’avancée en âge. Tandis que les personnes les plus consciencieuses et les plus prévoyantes vont d’abord rester stables sur le niveau d’API ressenti, puis à partir de 40 ans environ, elles vont en ressentir de plus en plus. Dans un premier temps, la régulation affective cible la réduction des AN. Cependant cette baisse se réalise au prix d’une réduction parallèle des API. Ce n’est que passé 40 ans environ que s’opère une modification des objectifs qui ciblent alors l’augmentation des API. Ce phénomène correspondrait à un basculement hédonique des objectifs de régulation affective. Ces éléments expliquent l’évolution curvilinéaire mise en évidence précédemment au niveau général (sans prise en compte des variables de personnalité).