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V. Etude de la relation diversité/productivité de communautés microalgales sous

V.4.1 Structure des communautés expérimentales

V.4.1.1 Skeletonema sp : une espèce compétitive

Dans toutes les expérimentations réalisées Ske a dominé, ou co-dominé (Comm4), les communautés en représentant au minimum 44% du biovolume total dans la Comm4 et jusqu'à 92% dans la Comm6. Cette espèce était abondamment présente dans toutes les conditions, et donc à des concentrations en sels nutritifs variées. De ce fait, l’analyse en composante principale ne nous permet pas de faire de lien direct entre la concentration en sels nutritifs et la biomasse produite par Ske. Cette capacité à dominer les communautés est liée à la taille de cette espèce et les conséquences qui en découlent. En effet, Ske est une diatomée de petite taille ce qui induit tout d’abord un fort taux de croissance (Marañon et al., 2013), comme nous l’avions déjà observé en monoculture (Tableau III-3), mais aussi un rapport surface/volume élevé impliquant une meilleure capacité d’absorption des sels nutritifs par diffusion (Marañon

et al., 2013; Raven, 1998). Cette espèce va donc rapidement croître et s’octroyer une grande

partie des sels nutritifs disponibles, limitant alors la croissance des autres espèces, ou masquant leur croissance effective du fait d’une capacité de croissance plus forte. Cette

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espèce se comporte alors comme une super-espèce, au sens de Schmidtke et al. (2010) et Ptacnik et al. (2010).

Néanmoins, malgré la forte proportion de Ske, Db et Pg sont présentes dans des proportions variables dans toutes les communautés. Pg et Db pouvait représenter respectivement jusqu’à 21% et 55% du biovolume total. Contrairement à ce qui a été observé pour Ske, la concentration en sels nutritifs va influencer la production de cellules chez Pg. En effet, cette espèce est peu représentée dans la condition N-lim traduisant une plus forte sensibilité de la production de biomasse à la limitation en azote qu’en phosphore. De plus une relation significative et positive entre Pg et le rapport N/P est observée, en accord avec les résultats de Schoemmann et al. (2005) et de Hillebrand et al. (2013) qui mettent en évidence des rapports N/P optimaux plus élevés pour les prymnesiophycées que pour les diatomées, et donc une plus forte sensibilité à la limitation en azote. De plus cette espèce est potentiellement capable d’utiliser d’autres sources de phosphore de par la présence de la phosphatase alcaline (Van Boekel and Veldhuis, 1990), limitant alors les effets d’une carence en DIP.

Enfin, la troisième espèce fortement représentée dans nos communautés est Db. Cette espèce de grande taille est peu sensible à la limitation en sels nutritifs comme nous l’avons mis en évidence dans les chapitres précédents. Néanmoins, cette espèce est de grande taille et présente donc des taux de croissance plus faibles que Ske et Pg. Ske va, de par son taux de croissance rapide, rapidement consommer les sels nutritifs. Db étant peu sensible à la limitation va pouvoir croître, même à des concentrations en DIN et DIP faibles, et produire de la biomasse. Nos résultats ne montrent pas de lien clair entre le rapport N/P et l’abondance de cette espèce, ces deux paramètres étant positivement corrélés dans la Comm3, négativement dans la Comm4 et ne présentant pas de lien significatif dans la Comm6. Toutefois, l’analyse en composante principale met en évidence des concentrations en DIP qui augmentent avec l’abondance de Db. Ceci résulte, d’une part, de la présence de Db dans les conditions N-lim qui présentent de fortes concentrations en DIP et, d’autre part, d’une forte consommation d’azote dans la Comm4 qui aboutit à une forte concentration en DIP qui est peu consommé par rapport à l’azote. Cette forte consommation d’azote dans la Comm4 explique également la forte proportion de Db au détriment de Pg qui se retrouve limitée dans toutes les conditions expérimentales pour ces communautés. L’analyse en composante principale met également en évidence des relations négatives entre l’abondance de Db et de Pg. Cela s’explique par la présence de Db dans les conditions N-lim, où Pg est peu présente, mais peut également

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traduire la compétition potentielle entre ces deux espèces pour l’élément phosphore dans les conditions P-lim et les témoins.

Nous disposons de peu de données pour Tr et Hr et ne pouvons pas, par conséquent, mettre en évidence une relation entre la proportion de Tr, Hr et la concentration en sels nutritifs dans nos communautés. La proportion de biovolume de Tr décline rapidement dans toutes les conditions. Cette espèce semble être fortement affectée par la présence d’autres espèces, via soit une compétition interspécifique pour la ressource, soit un phénomène d’allélopathie. Hr, de son côté, avait un rendement de biovolume total plus fort en communauté qu’en monoculture dans les conditions N-lim et témoins de la Comm6. Pourtant Hr ne représente jamais plus de 3% du biovolume total dans la Comm6 mettant en évidence la faible productivité, en terme de biovolume total, de cette espèce en comparaison de Db, Ske et Pg. Hr entre dans la composition des communautés de cryptophycées observées en Manche Orientale. Houliez et al. (2013) ont mis en évidence la présence de ces communautés durant toute l’année dans le détroit du Pas-de-Calais avec une proportion de biomasse très faible en comparaison de la totalité de la biomasse phytoplanctonique (en accord avec nos résultats) entre Février et Juillet, période durant laquelle sont observées dans cette zone géographique des efflorescences de diatomées (composées pour partie de Db, Tr et Ske) et de Phaeocystis

globosa (Hernández-Fariñas et al., 2013; Schapira et al., 2008).

Nos résultats sont caractérisés par de fortes variations de l’indice de Shannon au cours du temps. Les conditions initiales sont caractérisées par une égale répartition des espèces et donc un indice de Shannon proche du maximum. Au cours du temps cet indice a tendance à diminuer consécutivement à un changement de distribution des différentes espèces. Dans les Comm3 et Comm6 cet indice est tributaire de la condition expérimentale. En effet, l’indice de Shannon était plus faible dans la condition N-lim que dans les deux autres conditions du fait du fort impact de la limitation en azote sur la production de biomasse des espèces algales et tout particulièrement sur Pg. Dans la Comm4, l’indice de Shannon est élevé et ne varie pas en fonction de la condition expérimentale. Cette communauté est, en termes de biovolume total, composée presque à 50% de Db qui est une espèce peu sensible à la limitation en sels nutritifs, et dont la biomasse ne varie pas ou peu dans les différentes conditions expérimentales. Cette variabilité de l’indice de Shannon a également été mise en évidence sur le phytoplancton en milieu naturel (Napoléon et al., 2014). L’utilisation de cet indice, bien que courant dans les études diversité/productivité, ne semble pas optimal dans notre cas. En effet, un indice, basé sur les aspects fonctionnels (ici prenant compte de la taille), mériterait

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d’être développé pour représenter les relations entre productivité et un indice de diversité, non plus spécifique, mais fonctionnelle.

V.4.2 Analyse des rendements : les communautés sont-elles plus productives que les