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IV. Dépendance taxonomique des effets de la limitation en sels nutritifs, de la

IV.3 Résultats

IV.4.3 Relation entre la quantité d’hydrates de carbone et la taille des cellules

Alors que la quantité d’hydrates de carbone, particulaires comme dissous, par cellule augmente avec la taille, ces mêmes paramètres ramenés non plus par cellule mais par unité de volume montrent le patron inverse. En effet, une diminution de la quantité d’hydrates de carbone par unité de volume quand la taille augmente est observé, en accord avec les résultats de Hitchcock (1982) et Moal et al. (1987). Néanmoins contrairement aux études citées ci-dessus notre étude intègre des conditions de limitation en azote et phosphore à deux températures différentes qui, bien qu’elles apportent de la variabilité dans la distribution, ne remettent pas en cause les relations observées. Contrairement à la capacité photosynthétique qui montrait un patron de réponse clair aux différentes conditions environnementales en fonction de la taille des cellules, les réponses de la quantité d’hydrates de carbone aux différentes conditions expérimentales dépendent davantage du taxon considéré.

Hr présente des quantités d’hydrates de carbone, par cellule ou par biovolume, forte par rapport aux autres espèces compte tenu de sa taille. Ces résultats sont concordants avec ceux obtenus par Moal et al. (1987) sur d’autres cryptophycées. La présence d’une quantité d’hydrates de carbone par unité de volume qui augmente quand la taille diminue est directement liée à la présence et la taille de la vacuole au sein des cellules. Les hydrates de

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carbone particulaires sont soit situés dans le « squelette » de la cellule lorsqu’ils sont combinés avec d’autres éléments, soit stockés au sein du cytoplasme. Chez les diatomées, le cytoplasme est limité à une fine couche de 1 à 3 µm d’épaisseur tandis que la vacuole occupe davantage d’espace. De plus la paroi des diatomées est siliceuse et pourrait contenir moins de carbone que les organismes à paroi organique (Moal et al., 1987). Ceci explique pourquoi les grandes cellules de notre étude, qui appartiennent au groupe des diatomées, contiennent moins d’hydrates de carbone que les petites cellules qui appartiennent au groupe des haptophytes ou cryptophytes. Enfin, la proportion de carbone représentée sous forme d’hydrates de carbone varie entre espèces. En général les hydrates de carbone représentent 20 à 30% du carbone total chez les diatomées alors que les cryptophytes montrent des proportions beaucoup plus variables allant de 1% jusque 70% (Moal et al., 1987). Cette proportion peut augmenter en cas de limitation en sels nutritifs chez de nombreuses espèces (e.g. Granum et al., 2002). La relation positive entre la quantité d’hydrates de carbone par cellule et la taille s’explique par la présence d’un squelette carboné plus grand et d’un volume plus grand. En effet, même si la quantité de sucre par unité de volume est plus faible quand la taille augmente, le fait d’avoir davantage de ces unités de volume aboutit à une quantité d’hydrates de carbone par cellule plus grande.

La relation hydrates de carbone particulaires par unité de volume en fonction de la taille se retrouve pour les hydrates de carbone dissous, ceux-ci provenant soit de l’exsudation des hydrates de carbone particulaires soit d’un phénomène de lyse cellulaire (Myklestad, 2000). Dans notre étude, les réponses observées sur les hydrates de carbone particulaires le sont également sur les hydrates de carbone dissous. Il existe des relations positives significatives concernant la quantité d’hydrates de carbone particulaires en fonction de la quantité d’hydrates de carbone dissous, qui ne diffèrent pas quelle que soit la condition en sels nutritifs et quelle que soit la température. Cela indique une bonne corrélation entre la quantité d’hydrates de carbone dissous et particulaires ; plus une cellule possède d’hydrates de carbone particulaires plus la quantité d’hydrates de carbone dissous sera donc grande. Ce patron entre en contradiction avec celui observé et décrit par Staats et al. (2000) qui présentait sur

Cylindrotheca closterium, une diatomée épipélique, une augmentation de l’exsudation sans

augmentation de la quantité d’hydrates de carbone particulaires en cas de limitation en azote et phosphore. Cela peut s’expliquer par l’utilisation différente des exsudats pour les diatomées benthiques qui, contrairement aux diatomées pélagiques, utilisent les hydrates de carbone exsudés pour s’attacher au sédiment, pour stabiliser ce dernier ou encore se mouvoir au sein

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du sédiment (pour une synthèse voir Consalvey et al., 2004). La relation hydrates de carbone particulaires/hydrates de carbone dissous met aussi en évidence la présence d’excrétion, dans toutes les conditions, même dans le cas où le contenu en hydrates de carbone est faible. Ce maintien de l’excrétion, même quand le contenu en hydrates de carbone est faible, pourrait servir au maintien de la phycosphère dont la fonction principale est la reminéralisation bactérienne à proximité immédiate des cellules phytoplanctoniques (Rooney-Varga et al., 2005).

La proportion d’hydrates de carbone produits excrétés par rapport à la production totale (PER) est souvent utilisée afin de quantifier l’excrétion des cellules. Cette exsudation a longtemps été considérée comme résultant principalement d’un phénomène de diffusion (Granum et al., 2002; Myklestad, 2000). La capacité de diffusion d’une cellule phytoplanctonique est dépendante du rapport surface/volume de cette cellule, plus ce rapport est grand et plus la diffusion est facilitée. Ce ratio surface/volume augmente quand le volume de la cellule diminue, impliquant alors une plus grande capacité d’échange par diffusion des petites cellules par rapport aux plus grandes (Litchman and Klausmeier, 2008). Contrairement à Malinsky-Rushansky et Legrand (1996) qui mettaient en évidence des valeurs de PER décroissantes avec une augmentation de la taille des cellules, nos résultats, qui englobent une gamme de taille plus large, montrent que les valeurs de PER ne dépendent pas de la taille mais plutôt de l’espèce, comme l’ont également montré sur l’exsudation de carbone avec une

autre méthode (méthode au 14C) Lòpez-Sandoval et al. (2013). Cela implique un phénomène

d’excrétion indépendant de la taille de la cellule et donc ne résultant pas d’un simple phénomène de diffusion. Cette absence de lien entre taille et PER pourrait également résulter de stratégies spécifiques en fonction de la température et de la limitation en sels nutritifs. La proportion d’hydrates de carbone produits excrétés (PER) varie en fonction de l’espèce et est fréquemment plus forte en cas de limitation en sels nutritifs (Granum et al., 2002; Myklestad, 2000; Obernosterer and Herndl, 1995) ou lors d’une augmentation de température (Verity, 1981). Nos résultats ne suivent pas nécessairement ces tendances, en fonction de l’espèce, et il apparait difficile de discerner des patrons de réponse à la limitation en sels nutritifs, la température ou leurs interactions. De plus il est difficile de situer nos résultats par rapport à la littérature compte tenu de l’utilisation de méthodes différentes. En effet les autres études portaient davantage sur l’excrétion de carbone via des méthodes au carbone 14 alors que nous nous intéressons à l’excrétion des hydrates de carbone dosés spécifiquement (Parson et al., 1984). À notre connaissance, c’est la première fois que cette méthode est utilisée pour étudier

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la relation entre le PER et la taille. De même la présence d’une relation linéaire hautement significative, qui ne varie pas en fonction des conditions de sels nutritifs et de la température, entre la quantité d’hydrates de carbone dissous et particulaires chez nos espèces pélagiques n’avait, d’après ce que nous en savons, jamais été démontrée.