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I.I ntroduction Générale

I.4 Les relations productivité/diversité

Associée aux autres facteurs du changement global une érosion extrêmement rapide de la biodiversité, aussi bien en milieu terrestre qu’aquatique, a été constatée ces cinquante dernières années (Millennium Ecosystem Assessment, 2005). Cette diminution de la diversité spécifique implique une diminution de la diversité fonctionnelle qui pourrait affecter le fonctionnement des écosystèmes. Cette érosion de diversité observée à l’échelle globale sur différents écosystèmes n’est pas démontrée sur le phytoplancton. Au contraire, l’étude récente de Olli et al. (2014) met en évidence, à travers un suivi temporel débuté en 1966, une augmentation de la diversité des microalgues en mer Baltique qu’ils relient aux changements environnementaux. Même si cette étude ne suit pas la tendance globale à une érosion de la diversité, elle met en évidence des changements des comunautés phytoplanctoniques en réponses aux changements environnementaux.

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De nombreux auteurs se sont intéressés à la forme de la relation biodiversité/fonction des écosystèmes (Cardinale et al., 2011; Naeem, 1998; Schlapfer et al., 1999). En faisant une méta-analyse exhaustive des expérimentations visant à mettre en évidence les relations fonctionnement/diversité, Cardinale et al. (2011) proposent trois types de relations différentes (Fig.I-6).

Fig. I-6: hypothèses sur les relations biodiversité/fonctionnement de l’écosystème selon Cardinale et

al. (2011)

La première relation suit la théorie dite des rivets (Rivet redundancy). Du fait de la redondance de fonctions entre certaines espèces, une légère perte du nombre d’espèces n’aboutit qu’à de très faibles changements de fonctionnement. Cette perte peut perdurer jusqu’à atteindre une valeur seuil à partir de laquelle les conséquences sur le fonctionnement de l’écosystème deviennent significatives.

Le deuxième type de relation correspond à une perte proportionnelle de fonction avec le nombre d’espèces. Cette hypothèse implique l’absence de redondance de fonctions entre les espèces et s’appuie sur la notion de complémentarité (proportional loss).

Enfin, la troisième relation correspond à une perte exponentielle de fonctions avec la diversité. Les résultats de la méta-analyse qui porte sur des études menées en milieu terrestre montrent que 86% des expériences obéissent à une relation de type « rivets » qui n’implique cependant pas nécessairement une redondance de fonctions mais plutôt la proximité des niches écologiques des espèces en milieu naturel. Néanmoins, ces trois hypothèses reposent sur l’étude des relations diversité/productivité via une approche spécifique de la diversité. De nombreux auteurs préconisent plutôt une approche fonctionnelle de la diversité partant du principe que le fonctionnement de l’écosystème dépend davantage de la diversité des

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fonctions plutôt que de la diversité des espèces (Cardinale et al., 2011; Hooper et al., 2005; Loreau et al., 2001; Petchey and Gaston, 2006).

De nombreuses études se sont intéressées aux relation entre biodiversité et fonctionnement de l’écosystème, la plupart en milieu terrestre et dulcicole (Balvanera et al., 2006; Cardinale et

al., 2006; Hooper et al., 2005; Loreau et al., 2001; Stachowicz et al., 2007; Worm et al.,

2006). En effet, sur les 401 études relevées en 2006 qui traitent des relations diversité/fonctionnement des écosystèmes, seules 32 portaient sur le milieu marin et aucune sur le phytoplancton (Balvanera et al., 2006). Néanmoins, les études sur la relation diversité/productivité et diversité/fonctionnement des écosystèmes (terrestre ou aquatique) mettent en évidence qu’en moyenne les communautés diversifiées (que ce soit génétiquement, spécifiquement, ou présentant une large gamme de traits fonctionnels) produisent davantage de biomasse et consomment davantage de ressources (sels nutritifs, lumière) que les populations ou les communautés moins diversifiées (pour une synthèse voir Cardinale et al., 2013; Cardinale et al., 2006; Duffy, 2009). Ce patron est observé dans des études portant sur des espèces, des niveaux trophiques et des écosystèmes différents mais n’est pas nécessairement généralisable. En effet, les études basées sur l’écologie du phytoplancton ont permis de mettre en évidence différents types de relation entre productivité et diversité (Ptacnik et al., 2010). Des relations positives entre la richesse spécifique et la productivité chez des microalgues d’eau douce (Behl et al., 2011; Power and Cardinale, 2009) ont été montrées. La plupart des études se basent principalement sur les stocks de biomasse (carbone, nombre de cellule ou chlorophylle a) comme indicateur de productivité, mais des études récentes se sont intéressées à des mesures de flux (Power and Cardinale, 2009) (Behl et al., 2011; Olli et al., 2014; Ptacnik et al., 2008).

D’autres auteurs ne mettent pas en évidence de relation positive entre diversité et productivité. C’est le cas de l’étude réalisée par Schmidtke et al. (2010) qui ont mis en évidence une relation négative entre la diversité et la productivité. Par ailleurs, Gamfeldt et al. (2005) en travaillant sur trois espèces phytoplanctoniques d’eau douce, avec et sans prédateurs, ne montraient pas de relation entre la diversité des microalgues et la production de biomasse, probablement du fait de compétition pour la ressource entre les espèces. L’augmentation de productivité avec la diversité n’est donc pas une règle générale et va dépendre des conditions expérimentales et des espèces sélectionnées.

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Toutes ces études ont été réalisées en l’absence de stress environnementaux qui pourtant façonnent les communautés en milieu naturel (Hillebrand et al., 2014). En effet, les apports anthropiques de sels nutritifs vont influencer la diversité spécifique différemment en fonction du système étudié (Hillebrand et al., 2007). De plus, ces contraintes vont influencer les cellules algales à plus petite échelle souvent en diminuant la productivité des individus à plusieurs niveaux. Cardinale et al. (2009) ont établi un modèle cherchant à relier la quantité de ressource, la diversité spécifique et la biomasse au sein des communautés en considérant la concentration en sels nutritifs comme étant, à la fois, une cause et une conséquence des variations de diversité et de biomasse (Fig.I-7).

Fig. I-7: schéma conceptuel reprenant les composantes du modèle décrit par Cardinale et al. (2009) et leurs interdépendances (représentées par les flèches). Ce modèle est bâti sur quatres composantes : la disponibilité en ressource (resource availability), les ratios de ces ressources (resource ratios), la richesse spécifique (species richness) et la biomasse de la communauté (community biomass)

A partir de ce modèle les auteurs font trois hypothèses : (1) si les écosystèmes sont caractérisés par une forte disponibilité de ressources alors ils devraient présenter une forte diversité spécifique associée à une forte biomasse ; (2) Les écosystèmes caractérisés par un fort déséquilibre des ratios de différentes ressources devraient montrer des diversités faibles et une faible quantité de biomasse ; (3) quand la quantité et le déséquilibre des ressources sont constants, la biomasse devrait augmenter avec la diversité spécifique. Ces auteurs ont vérifié et validé ces trois hypothèses sur la base d’études in situ de phytoplancton dulcicole et de données environnementales. Néanmoins, ces hypothèses auraient besoin d’être validées aux travers d’autres études in situ ou expérimentales.

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