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Structure d’un corps chimique et procédés : l’interne et le contextuel Dans son livre Rematérialiser, François Dagognet écrit :

2.2 Emergence et chimie : Approfondissements

2.2.2 Structure d’un corps chimique et procédés : l’interne et le contextuel Dans son livre Rematérialiser, François Dagognet écrit :

« La chimie apprend essentiellement la diversité des « liens », leurs pouvoirs respectifs, leur force, les emplacements ou les sites, les orientations des composants. Comptent moins les corps que l’organisation, les différences résidant dans les proportions, les types de fédération, les positions. On en revient, d’une certaine manière, à la séparation si nette, et d’importance entre un mélange, un amas, une solution, et une « véritable alliance ». »134

La « véritable alliance » qu’évoque François Dagognet renvoie à l’idée d’émergence d’un corps nouveau aux caractérisations inédites dans un contexte donné. L’ « organisation », « les

131 SIMONDON, Gilbert. (1958). Du mode d’existence des objets techniques, Aubier, Paris, 1999.

132 BENSAUDE-VINCENT, Bernadette. Les vertiges de la technoscience. Façonner le monde atome par atome, Editions de la Découverte, Paris, 2009. BENSAUDE-VINCENT, Bernadette. « Chemistry as a technoscience? », in The Philosophy of chemistry: Practices, Methodologies, and Concepts, LLORED Jean-Pierre (Ed.), Cambridge Scholars Publishing, 2013. KLEIN, Ursula. « Technoscience avant la lettre », Perspectives on Science, 13, 2005, pp. 227-266. KLEIN, URSULA. « Materiality and Abstraction in Modern Chemistry », in Philosophy of chemistry: Methodologies, Practices and Concepts, LLORED Jean-Pierre (Ed.), op. cit.

133 BACHELARD, Gaston (1940). La philosophie du non, op. cit.

134

types de fédération », les subtilités liées à des « différences » de proportions, les « orientations » des composants, caractérisent, selon Dagognet, le travail minutieux que réalisent les chimistes lorsqu’ils étudient chaque détail, bref « la diversité des liens ». Le terme « différence » est sans aucun doute crucial, il met indirectement l’accent sur la variété des corps envisagés et de leurs modes d’assemblage, ainsi que sur la subtilité d’une science qui étudie des cas particuliers avec le souci de les articuler, localement, à l’intérieur de classes de composés, ou, plus globalement, par analogie entre classes de composés différentes. Il s’agit pour les chimistes de tisser des liens entre ces corps, de les classer, de les représenter afin de comprendre leur transformation et de prédire la synthèse de nouveaux composés. En ce sens, la structure d’un corps devient le point d’orgue de leurs raisonnements. La structure est perçue comme un ensemble, au moins temporairement stabilisé, de relations entre constituants internes au tout étudié, à condition toutefois que certaines conditions de persistance soient respectées.

Prenons un exemple. Le carbone peut exister sous forme amorphe mais aussi sous forme de diamant, de graphite, de lonsdaléite, de composés nouveaux appelés fullerènes, mais aussi sous forme de chaoite ou de nanomousse. Cette dernière est obtenue par vaporisation de graphite sous atmosphère inerte (argon) à l'aide d'un laser d'une fréquence de 10 000 hertz. Un nouveau contexte opératoire permet de générer une variété de carbone inédite et ouvre la voie, en philosophie des sciences, à une conception opératoire de la catégorie de substance. Le mode d’accès participe à la définition du corps chimique de façon constitutive. Bachelard écrivait : « Pour bien souligner que la substance est définie par un groupe de déterminations

externes agencées de telle manière qu’elles ne peuvent toutes ensemble se préciser assez pour

atteindre un intérieur absolu, peut-être pourrait-on retenir le nom d’ex-stance. »135

Selon le mode d’intervention, il est possible de caractériser, dans un contexte donné, le résultat d’une interaction et de prévoir les effets de cette action en se laissant guider par l’analogie, sous réserve d’avoir effectué un travail d’articulation des synthèses chimiques antérieurement stabilisées. Un corps est caractérisé par les effets, les conséquences qu’un certain type d’opération entraîne dès lors qu’elle est exercée sur lui. Le même corps présente des structures différentes selon les conditions de sa synthèse ; bref selon le procédé pour en revenir à mon propos. La relation entre cette structure et la réactivité d’un corps, c’est-à-dire entre la structure et les propriétés chimiques, est au cœur des travaux des chimistes. La connaissance des formes allotropiques, du grec allos, autre, et tropos, manière, est importante

135 BACHELARD, Gaston. La philosophie du non, op. cit., p. 78. Les mots écrits en italique marquent mon insistance et non celle de l’auteur.

pour la synthèse, la caractérisation, et l’analyse de nouveaux matériaux. La notion d’allotropie se réfère uniquement aux différentes formes (structures) d’un élément chimique au sein de la même phase ou état de la matière. Un même corps chimique contenant le carbone comme unique ingrédient peut exister sous différentes formes allotropiques, chacune étant liée à des conditions opératoires connues de façon explicite, et chacune présentant des caractérisations différentes aux mêmes sollicitations extérieures. L’articulation des savoirs et savoir-faire chimiques ne renseigne donc pas sur un « intérieur absolu », un corps de carbone en général, mais sur ce corps de carbone-ci ou ce corps de carbone-là, c’est-à-dire sur une variété de carbone liée à un contexte et une série d’opérations. Pourquoi ne pas utiliser alors, comme le suggère Bachelard, le terme « d’ex-stance » au lieu de « substance » dans ce cadre précis ? Ce faisant, il convient toutefois de préciser une nuance. En effet, le « groupe de déterminations externes agencées » ne renvoie pas à une forme abstraite d’unification en rapport à un besoin

général de la raison mais renvoie, au contraire, à une recherche de terrain guidée par

l’analogie expérimentale. Il s’agit pour les chimistes de relier et de faire tenir ensemble des propriétés-caractérisations liées à des interactions dans des contextes précis et divers. L’analogie n’applique pas un schéma a priori atemporel et universel, elle suit les ressemblances afin de nouer des liens et en tirer l’hypothèse d’un mode de caractérisation commun à une « famille » de corps chimiques.

Le type de structure (secondaire, tertiaire, quaternaire) d’une protéine dépend, je l’ai indiqué à propos de l’hémoglobine, du milieu, en l’occurrence du pH local. En ce sens, la structure est constitutivement déterminée en lien avec le contexte et non de « manière absolue ». Bref, la structure est une caractérisation relationnelle, elle est dépendante d’une interaction ou d’un ensemble d’interactions. L’individu chimique, s’il reste possible de le définir d’un point de vue philosophique, ce qui, je le répète, ne va pas de soi, est lié à sa composition, à sa structure, elle-même dépendante du milieu, ainsi qu’aux procédés.

Les philosophes considèrent souvent la structure comme appartenant en propre à l’individu ou au collectif étudié, ils l’envisagent comme une caractéristique uniquement

interne qui permet d’identifier le corps étudié, de lui attribuer une caractéristique invariante,

bref, une identité. Ils la considèrent souvent comme l’origine des « propriétés intrinsèques ». Certains philosophes, comme James Ladyman, affirment même que les objets-relata sont seulement des entités heuristiques qui sont donnés par le croisement de relations et que, en ce sens, seule la structure a une existence « réelle » 136. Cette position fait l’objet de débat très

136 LADYMAN, James. « What is structural realism? », Studies in the History and Philosophy of Science, 29, 1998, pp. 409-424.

intéressants, Anjan Chakravartty va jusqu’à mettre l’accent sur certains groupes de propriétés qui tendent à se présenter toujours ensemble. Ce faisant, il interroge leurs modalités d’influence mutuelle137

. Comme l’a très clairement montré Michel Bitbol, le type de raisonnement proposé par Ladyman suppose, entre autres, que les individus (relata) ne sont que des classes de variables invariantes sous des groupes de symétrie138.

Pour autant, une structure chimique dépend de son milieu, de sa composition, et, comme nous allons le voir dans ce chapitre, de la taille du corps ou du collectif de corps étudié. Deux structures identiques, l’une composée de carbone, l’autre de silicium, n’admettent pas toujours les mêmes caractérisations en fonction du procédé et du milieu associé, et ce en dépit de la proximité des deux éléments dans la classification périodique. Ces deux éléments appartiennent pourtant à la même colonne, le silicium étant situé juste en dessous du carbone, ce qui laisse augurer des ressemblances de comportements chimiques ; j’insiste bien sur le mot ressemblance car il n’est en rien synonyme d’interchangeabilité ; bref, d’identité. Les raisonnements centrés sur la recherche d’isomorphisme entre configurations atteignent leur limite d’utilisation en chimie car le substrat, les individus, les circonstances ne sont pas éliminables par une logique allant du simple au compliqué et qui passe le contexte sous silence. Il ne peut s’agir de rechercher uniquement s’il est possible de transposer formellement une structure en une autre. Il ne s’agit pas non plus de restreindre, par exemple, l’étude d’analogies entre corps chimiques différents ayant une même structure à l’identification de ce qui reste invariant lors de l’application d’opérations de transposition possibles, bref d’identifier ce que Ehrenfels qualifiait de « Gestalt »139. Les chimistes savent que l’argent, l’aluminium, la variété de fer appelée gamma, cristallisent en une même structure cubique à faces centrées, c’est-à-dire qu’un atome occupe en plus des sommets du cube, le centre de chaque face. Ils savent aussi que le magnésium, le cadmium, le cobalt à l’état solide ont en commun la structure dite hexagonale compacte présentée à la figure 26 ci-après.

137 CHAKRAVARTTY, Anjan. « The Structuralist Conception of Objects », Philosophy of Science, 70, n°5, 2003, pp. 867-878. CHAKRAVARTTY, Anjan. « The Reality of the Unobservable: Observability, Unobservability and Their Impact on the Issue of Scientific Realism », British Journal for the Philosophy of Science, 54, n°2, 2003, pp. 359-363.

138 BITBOL, Michel. De l’intérieur du monde. Pour une philosophie et une science des relations, op. cit., Chapitre 2, partie 6 : Une ontologie des relations est-elle seulement possible ?

139 EHRENFELS, Christian VON. « On Gestalt-Qualities » [1860], translated by SMITH B., in Foundation of Gestalt Theory, SMITH B. (Ed.), Philosophia, Munich.

Figure 26 : Représentations d’une structure hexagonale compacte. Le même atome occupe des positions différentes (sont signalés en rouge ceux appartenant au plan médian).

Il est possible également d’évoquer des composés binaires, les chimistes savent que le chlorure d’ammonium de formule NH4Cl a une structure cristalline identique au chlorure de césium de formule CsCl. Le cation (NH4+ ou Cs+) occupe le centre de la maille élémentaire cubique et les anions Cl- les sommets du cube. Comme dans le cas précédent, il est toujours possible de donner une représentation purement géométrique qui fait abstraction de la nature chimique des ingrédients. Les chimistes proposent alors la structure suivante :

Figure 27 : Structure de la maille élémentaire de type CsCl (r+ représente le rayon du cation et r- celui de l’anion).

Il est possible d’abstraire, bref de dématérialiser le substrat pour le représenter. Ce faisant, la structure cristalline est décrite par la répétition périodique dans l’espace d’un atome ou d’un groupe d’atomes. Elle nécessite la définition conjointe d’un réseau et d’un motif. Le motif est la plus petite entité discernable qui se répète périodiquement. Pour un cristal, à l’échelle microscopique, ce motif est un atome (Mg, Cu, etc.), une molécule (H2Oglace, I2, etc.), un groupe de particules correspondant à une stœchiométrie donnée (NaCl, CaCO3, ZnS, etc.). A chaque motif est associé un point de l’espace définissant sa position. L’ensemble de ces points est appelé réseau (de translation). Chaque point du réseau est un nœud. La maille dite « élémentaire » correspondant, comme cela a déjà été précisé, au plus petit

parallélépipède permettant de retrouver la totalité du solide par répétition. La maille ainsi abstraite est un outil de description très précieux qui permet de prévoir la taille des sites vacants, des conditions d’inclusion de corps étrangers, des conditions de substitution d’éléments par d’autres. Ce réseau a une fonction unificatrice car il permet : (1) de regrouper, sous une même structure, des corps de natures très différentes ; (2) de représenter simplement et de façon concise les éléments minimaux permettant de décrire un tout beaucoup plus étendu ; (3) de communiquer et de savoir rapidement quel type de structure est étudié ; (4) de décrire et de prévoir certaines analogies entre corps différents. Il prend part à un ensemble plus vaste de connaissances chimiques et participe ainsi à une consolidation du savoir des chimistes.

Ils peuvent par exemple corréler l’évolution du paramètre de maille avec celle des rayons atomiques ou ioniques qui ont été définis dans un autre cadre conceptuel. Ils peuvent également la corréler à l’électronégativité des éléments en présence qui est elle-même reliée à des grandeurs thermodynamiques qui renvoient à d’autres pratiques, et ainsi de suite. Et pourtant, dès lors qu’il s’agit de comprendre des réactivités différentes pour une même structure, le substrat et le procédé réapparaissent dans les raisonnements. La structure formelle cède le pas aux caractérisations du corps réel et aux types de synthèse utilisés. La compréhension des différences, même subtiles, de caractérisations, passent par l’expérimentation et le recoupement avec des modèles quantiques qui intègrent les particularités de chaque ingrédient et du corps global formé. Un exemple intéressant pour montrer ce passage d’une structure abstraite à une structure concrète est la conversion par les nanochimistes des frustules (le mot sera défini au paragraphe suivant) des diatomées.

Les diatomées sont des algues jaunes et brunes unicellulaires caractérisées par le fait qu'elles sont les seuls organismes unicellulaires à posséder une structure externe siliceuse enveloppant totalement la cellule. Transparente et rigide, cette enveloppe, appelée frustule, est associée à des composants organiques et est formée de deux thèques emboîtées ayant une symétrie remarquable. La silice qui la compose est faiblement cristallisée. Les chimistes conservent la structure et en changent la composition en vue d’applications très intéressantes. Ce faisant, ils mettent au point un grand nombre de procédés nouveaux comme, par exemple, le procédé sol-gel et les synthèses hydrothermales140. La pression augmente et l’eau reste liquide au dessus de son point d’ébullition normal. La transformation suivante, qui conserve la structure globale en modifiant sa nature, est par exemple obtenue:

140 Le corps à transformer est chauffé en présence d’eau dans un récipient fermé (autoclave) contenant d’autres corps à l’état gazeux.

Figure 28 : Conversion chimique de l’oxyde de silice en oxyde de magnésium à structure globale constante141.

D’autres étapes permettront de synthétiser le composé BaTiO3, oxyde de baryum et de titane, qui avec cette structure présente des caractérisations très intéressantes comme capteur de vapeur d’eau ou de dioxyde de carbone ou amplificateur de fluorescence pour la détection en temps réel de fluctuations thermiques. Il manifeste en outre une forte capacité diélectrique à haute température et des caractérisations ferroélectriques qui apparaissent seulement à l’échelle nanométrique. Les chimistes multiplient les transformations ingénieuses pour obtenir les caractérisations les plus fines en termes de taille, de porosité, d’homogénéité. Les enjeux sont importants, tant sur le plan scientifique qu’économique, étant données la sensibilité de ce matériau avec cette structure et l’étendue des applications possibles.

Les chimistes doivent identifier les détails qui caractérisent cette structure globale dans un contexte donné, s’ils veulent comprendre la venue au monde du nouveau corps qui s’avère différent de la simple somme des ingrédients, pris séparément et isolés les uns des autres, qui ont permis de le synthétiser. En ce sens, la propriété qu’Ehrenfels appelait « super summativity » n’est en rien une somme au sens strict mais bien le signe d’une nouveauté non incluse dans les termes ajoutés. Les opérations qu’ils réalisent et les raisonnements qu’ils développent intègrent à la fois la structure globale, les ingrédients reliés qu’elle contient (Mg puis Ba, Ti, etc.), la recherche de transposition de caractéristiques invariantes (géométrie locale, etc.), mais aussi une foule de détails liés aux modes d’intervention (milieu associé, procédé hydrothermal, types de raisonnements) et aux caractérisations connus du corps étudié dans le cadre d’une interaction donné. John Dewey écrivait :

« L’objet, le sucre, peut disparaître en solution. Il est alors mieux défini : il devient un objet soluble. Sa constitution peut être tellement modifiée par une interaction chimique qu’il n’existe plus en

141 Dudley S., Kalem T., and Akinc M. « Conversion of SiO2 diatom frustules to BaTiO3 and SrTiO3 », Journal of the American Ceramic Society, 89, 2006, pp. 2434-2439.

tant que sucre. Cette capacité à subir le changement est par conséquent une caractérisation supplémentaire ou une propriété de tout corps qui est un sucre »142.

Le corps chimique est défini par ses fonctions spécifiques à un cadre d’interaction, « être un objet substantiel, rajoute Dewey, définit une fonction spécifique »143. La structure rematérialisée assure en partie cette fonction dans l’économie du savoir et les accords intersubjectifs des communautés de chimistes. Comme l’écrit François Dagognet :

« Nous souhaitons revaloriser le substrat, ce qu’on considère comme un simple véhicule ou un porteur, alors qu’il lui arrive de conditionner [p. 221] (…) La science, du moins celle que parfois on enseigne, la philosophie et l’art ont marché souvent du même pas, descendant cette pente, celle de la « dématérialisation ». Ainsi le physicien reléguait un peu les supports au profit des rapports : le signifiant ne servait qu’à exemplifier ou illustrer la loi [pp. 220-221] (…) Le support ou le moyen ne peuvent plus être considérés comme secondaire : ils imposent parfois le contenu, du moins l’infléchissent. Le medium, qui a évolué, entraînait avec lui le message. Ne perdons pas cette leçon, bien qu’indirecte ! [p. 247]. »144

La connaissance de la structure n’est, en ce sens, guère plus exhaustive que la connaissance des ingrédients chimiques dotés de caractéristiques intrinsèques qui seraient censés la composer. Ce constat n’est pas surprenant car ce dont les chimistes ont affaire est précisément de penser l’émergence des structures ainsi que leurs propriétés-caractérisations en fonction des ingrédients, de leurs « liens », de leur milieu, et du procédé utilisé. La structure étudiée en faisant abstraction du substrat et les ingrédients-relata considérés comme isolés ou, éventuellement, reliés et échangeables par des opérations de symétrie, ne permettent pas toujours aux chimistes d’agencer leur savoir et savoir-faire pour penser, de façon cohérente, l’émergence d’un corps inédit. La compréhension du lien ternaire entre une structure, ses caractérisations, et le milieu associé est ce qui est en jeu dans ce type d’activités. Cette compréhension n’est en rien déjà totalement constituée dès le départ, elle est le résultat d’une enquête qui tient compte de nombreux détails. En ce sens, et ce qui suit renforcera ma présente conclusion, la structure n’est pas plus réelle que les ingrédients, la relation n’efface pas les relata : structure et ingrédients chimiques se définissent mutuellement en lien avec le milieu associé et le procédé utilisé ; bref, en lien avec des modes d’accès (instrumentaux et cognitifs). L’étude de l’émergence de nouveaux corps chimiques peut ainsi apporter de

142 DEWEY, John. Logic: the theory of enquiry, Holt and Cie, New York, 1938, p. 129: « The object, sugar, may disappear in solution. It is then further qualified; it is a soluble object. In a chemical interaction its constitution may be so changed that it is no longer sugar. Capacity for undergoing this change is henceforth an additional qualification or property of anything that is sugar. » (Ma traduction)

143 Ibid., p. 129 : « Being a substantial object defines a specific function. » (Ma traduction)

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nouveaux arguments au débat actuel à propos du réalisme structural ontique ou d’une version plus modérée de réalisme structural, ou, même, à propos de leurs impossibilités respectives. Elle permet également de réfléchir à l’intérêt d’une épistémologie pragmatique de la chimie.

Ce n’est pas tout cependant car si les chimistes se sont familiarisés avec ces notions de

variétés structurales liées à des domaines de stabilité bien identifiés, ils découvrent à l’heure

actuelle un nouveau type de variation possible, celui qui relie la structure à la taille du nanomatériau. Un même corps de composition connue dans un même milieu, synthétisé selon le même procédé, peut avoir une structure différente en fonction de sa taille. Il peut ainsi