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Structure de buts et style motivationnel : deux dimensions complémentaires du climat motivationnel

COMPOSANTS COMPLEMENTAIRES DU CLIMAT MOTIVATIONNEL

4.2.2. Structure de buts et style motivationnel : deux dimensions complémentaires du climat motivationnel

Si ces rapprochements semblent cohérents au plan conceptuel et empirique, les justifications proposées nous semblent néanmoins insuffisantes et ce, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, cette « hypothèse d’intégration » se révèle problématique dans le sens où elle évacue l’une des dimensions essentielles de la structure de but : le climat compétitif. En effet, si la structure de maîtrise peut être amalgamée au soutien de la compétence, on peut se questionner sur la dimension du style motivationnel qui pourrait intégrer la structure de performance. Si des rapprochements conceptuels sont de rigueur, ils ne doivent cependant pas être effectués aux dépens d’une information aussi cruciale que celle-ci. Adopter une telle perspective conduirait indubitablement à une analyse tronquée de l’impact du climat motivationnel.

Ensuite, il apparaît que l’étude du climat motivationnel au sein de la TBA et TAD porterait plutôt sur deux dimensions qui ne semblent ni se recouper, ni devoir être confondues. L’attention accordée dans le premier cas aux buts valorisés et, dans le second, aux styles de communication employés par l’enseignant, incite davantage à envisager ces deux théories comme complémentaires. Considérer que la structure de maîtrise équivaut au style soutenant les besoins motivationnels reviendrait en effet à dire que l’une serait coextensive à l’autre. Or, dans la pratique, un enseignant souhaitant mettre en place une structure de maîtrise peut utiliser un style de communication plus ou moins directif. Chercher à promouvoir la collaboration entre élèves ne semble en effet pas antinomique avec l’utilisation s’un style contrôlant. Certains enseignants percevant d’ailleurs qu’un style contrôlant et directif est un moyen efficace de gérer la discipline lors d’un travail de groupe (Boggiano et al., 1993). A l’opposé, on ne peut être assuré, à moins de l’avoir vérifié empiriquement, que les enseignants valorisant la compétition utilisent, pour mettre en place ce type d’environnement, un style contrôlant. De la même façon, il n’est pas évident qu’un enseignant soucieux de soutenir les besoins motivationnels de ses élèves soit conscient que la compétition est, pour la plupart des élèves, défavorable à la motivation autodéterminée (Deci, Betley, Kahle, Abrams & Porac,

1981 ; Reeve & Deci, 1996 ) et qu’il évite par conséquent une telle pratique. Certains conçoivent au contraire la compétition comme un bon levier motivationnel. Ainsi, on peut légitimement supposer, qu’à moins d’avoir bénéficié de programmes de formation destinés à promouvoir la motivation des élèves, il est fort probable que les enseignants cherchant à motiver leurs élèves utilisent un certain nombre de moyens d’action considérés comme efficaces par la profession - tels que l’usage de récompenses, de prix (Greene & Lepper, 1974 ; Lepper & Greene, 1975 , 1978 ; Lepper, Greene & Nibsett, 1973), de dates butoirs (Amabile et al., 1976) - mais qui se révèlent en réalité dommageable pour la motivation. Intégrer la structure de classe au style motivationnel reviendrait ainsi à considérer d’une part, que ces deux dimensions sont équivalentes et, d’autre part, que structure de maîtrise et style contrôlant seraient exclusifs tout comme le seraient structure de performance et style soutenant. Pour l’heure, les recherches empiriques à ce sujet restent trop peu nombreuses et il serait hasardeux de conclure que les liaisons observées entre ces deux dimensions suffiraient à les considérer comme un seul et unique construit. Au contraire, pour Vansteenkiste, Simons,

et al. (2004) « les contextes sociaux ne diffèrent pas seulement dans le type de contenus de buts qu’ils promeuvent mais aussi dans la façon dont le contenu de ces buts sont introduits et communiqués » (p. 485). Il n’y a donc qu’en étudiant la contribution unique de chacune

d’elles à l’explication des médiateurs psychologiques que l’on pourra réellement se positionner sur une telle intégration.

Au plan empirique, l’étude de Roeser, Midgley et Urdan (1996) est l’une des rares à avoir testé un modèle des apprentissages incluant simultanément la structure de buts et le style motivationnel. Considérant que chacune de ces deux composantes est constitutive du climat motivationnel, ils ont proposé un modèle théorique au sein duquel la structure de maîtrise et le style motivationnel affectent la motivation via les besoins motivationnels. Leurs résultats vont à l’encontre de l’hypothèse d’intégration dans le sens où ils ont démontré que la structure de but de maîtrise exerce un effet significatif sur le sentiment de compétence (β=.28) et ce, après avoir contrôlé l’effet du style motivationnel. Dans cette recherche, les buts valorisés par l’enseignant et la façon dont ces derniers sont communiqués contribuent de manière indépendante à l’explication de la variance des apprentissages. Dans le domaine sportif, Standage, Duda et Ntoumais (2003) ont été les premiers à mobiliser les construits issu de la TAD et de la TBA dans l’analyse des effets du climat motivationnel et à tester un modèle identique à celui de Roeser et ses collègues (figure 5).

Figure 5: Séquence des relations supposées rendre compte de la motivation humaine, d’après

Vallerand et Losier (1999)

Leurs résultats ont apporté un soutien empirique à la séquence causale proposée et, par conséquent à, « l’hypothèse de complémentarité » de ces deux théories. En effet, strucutre de maîtrise et climat soutenant l’autonomie participent indépendamment à l’explication de la motivation en sport dans la mesure où, une fois l’effet du style motivationnel sur le besoin autonomie contrôlé (β=.43), l’effet de la structure de maîtrise est significatif es estimé à β=.16.

Les résultats de ces deux études amènent donc à considérer « l’hypothèse d’intégration » - qui consiste en réalité davantage à substituer le style motivationnel à la structure de but qu’à intégrer réellement ces deux construits au sein d’un même modèle– avec la plus grande prudence. En ignorant une composante du climat motivationnel dont les effets sur la motivation ont pourtant été avérés, on s’astreint à une compréhension partielle des mécanismes à l’œuvre dans l’explication des apprentissages.

Par ailleurs, certains travaux font apparaître la TAD et la TBA comme deux théories se renforçant mutuellement dans la mesure où chacune apporte des éléments de compréhension qui contribuent à l’explication de la variance de la motivation. Se focalisant sur une dimension bien particulière du climat motivationnel, elles devraient par conséquent être conçues comme complémentaires (Butler, 1989 ; Ryan & Deci, 1989).

Pour rendre compte de manière plus pertinente des phénomènes influençant la motivation, il faudrait, selon nous, considérer l’ensemble des dimensions constituant le climat motivationnel et, par conséquent, se fonder simultanément sur ces deux courants de recherche.

Inclure la structure de buts dans l’explication des processus motivationnels au même titre que le style motivationnel permettrait en outre de synthétiser les connaissances déjà existantes et de les étendre en rendant possible l’étude des effets indépendants et interactifs de ces deux composants sur les comportements des élèves en classe. Cette question, que nous avons effleurée plus haut, constituerait une voie d’investigation particulièrement novatrice et prometteuse dans la compréhension des processus contextuels affectant les apprentissages. Approfondir ce pan de la recherche en étudiant si les effets de la structure de buts varient en fonction du style motivationnel lèverait de plus, un certain nombre d’interrogations sur le potentiel de la TBA et de la TAD à se compléter.

Ce questionnement, dont le caractère émergent explique sans doute l’absence d’étude française et la rareté des études anglo-saxonnes, mériterait d’être davantage creusé si l’on souhaite mieux comprendre encore les processus psychologiques et sociaux impliqués dans la motivation et in fine les apprentissages des élèves.