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« Le temps du collège est dominé par le déclin des évidences scolaires. Tout ce qui allait de

soi à l’école élémentaire devient plus incertain, à commencer par la nécessité même de travailler à l’école » (Dubet & Martucelli, 1996, p.145)

2.1.LE CADRE DE LETUDE

Représentant une étape de transition au cours de laquelle se déterminent les destins scolaires, les premières années du secondaire sont particulièrement critiques pour les élèves. Pour certains, le collège marquera la fin de la scolarité obligatoire. Pour d’autres, il est un passage obligé vers la poursuite d’études au lycée, ce passage se soldant toutefois par des choix d’orientation décisifs.

Mobilisant tout à la fois des capacités d’adaptation, d’engagement et de décision, le collège se révèle ainsi être pour tous les élèves une étape du parcours scolaire où les processus

motivationnels semblent plus que jamais conditionner leur devenir. Expliquer les différences de réussite scolaire, et plus largement l’inégalité des parcours scolaires, suppose de s’interroger à présent de manière plus concrète sur les liens existant entre l’évolution de la motivation et les apprentissages scolaires, mais également sur les raisons qui conduisent les élèves à manifester des patrons motivationnels si différents les uns des autres.

L’étude qui va être présentée maintenant vise précisément à décrire et à prédire les changements de la motivation au collège afin d’approfondir notre compréhension du rôle de la dynamique motivationnelle sur les différences interindividuelles d’apprentissage.

Etant donné la départementalisation de l’enseignement dans le secondaire, nous avons dû, pour cette seconde étude, resserrer notre attention autour d’une discipline en particulier. Cet impératif a en outre été renforcé par les nombreux travaux qui font état de variations dans le niveau de motivation selon la matière envisagée (Anderman & Young, 1993 ; Bong, 2001 ; Midgley, Feldlaufer & Eccles, 1989 ; Wolters, Elder & Anderman, 1993 ; Wolters & Pintrich, 1998 ; Young, Arbreton, & Midgley, 1992). Il ressort de ces études que d’une discipline à l’autre, les codes, le langage, les routines instaurées ou bien encore les pratiques et stratégies employées par l’enseignant sont différents et que ces différences ne manquent pas d’affecter les processus motivationnels. Puisque la motivation des élèves peut alors varier radicalement d’une matière à l’autre, se positionner au niveau contextuel du domaine d’activité (Emmons, 1995 ; Vallerand, 1997) semblait dès lors indispensable pour garantir l’applicabilité des implications dérivées d’une telle étude.

Notre choix a porté sur les mathématiques dans la mesure où certains travaux indiquent que c’est surtout dans cette discipline que la chute de motivation constatée au collège est la plus importante (Chouinard, 2001 ; Eccles, Adler & Meece, 1984 ; Wigfield, Eccles, Mac Iver, Reuman & Midgley, 1991).

Nous avons ainsi conduit une étude auprès d’un panel de collégiens tout au long de leur année de 6ème. Au cours de cette période, les élèves ont été interrogés à plusieurs reprises ce qui nous a permis d’inscrire ce travail dans une approche réellement longitudinale. Ces collégiens ont par la suite été suivis en 5ème (année 2007-2008) ainsi qu’au cours de leur année de 4ème (suivi actuel). Les données recueillies au cours de ces deux dernières années étant en cours d’exploitation, elles ne seront pas présentées ici.

Par son protocole longitudinal, ce travail se situe donc résolument dans une approche de type « chronosystème » puisqu’il permet de capturer les changements qui opèrent non seulement

d’une année sur l’autre mais également ceux qui se manifestent au cours d’une même année scolaire.

2.2.OBJECTIFS ET HYPOTHESES

L’objectif de cette recherche se situe dans le prolongement de l’étude précédente dans le sens où, après avoir étudié le rôle de la motivation selon un plan d’analyse transversal, nous avons souhaité poursuivre notre réflexion en étudiant les effets des processus motivationnels en considérant l’effet des fluctuations de la motivation au plan des apprentissages.

Il s’agira ainsi de développer une analyse des processus motivationnels selon une approche longitudinale afin de mettre au jour les effets des changements motivationnels observés au cours de la première année de collège sur les différences interindividuelles d’apprentissages. Pour ce faire, nous déploierons une démarche en trois étapes

- Nous chercherons à étudier, dans un premier temps, comment évolue réellement la motivation au cours de cette année de transition. Notre but sera alors de spécifier la trajectoire de croissance de la motivation autodéterminée et de répondre aux questions suivantes :

o Quelle est la nature de l’évolution de la motivation ? (i.e., Quelle est la forme fonctionnelle de la trajectoire ?) et plus spécifiquement :

• quel est le niveau moyen de la motivation autodéterminée des élèves en début d’année (i.e., Quelle est la valeur de la constante de la trajectoire de croissance ?) et

• à quel rythme la motivation autodéterminée évolue-t-elle au cours de l’année scolaire ? (i.e., Quelle est la valeur de la pente associée à la variable temporelle?)

En d’autres termes, il s’agira de vérifier si la motivation autodéterminée décline au cours de l’année scolaire et, si tel est le cas, d’étudier si ce déclin s’observe dès l’entrée en 6ème ou s’il apparaît plus tard au cours de l’année.

Cette première étape nous permettra en outre d’opérer un changement dans le mode d’appréhension de la motivation, passant d’une approche nomothétique à une perspective réellement dynamique.

- La description précise du patron évolutif de la motivation nous conduira, dans un second temps, à examiner si les trajectoires évolutives de la motivation varient d’un élève à l’autre et, le cas échéant, à identifier les facteurs explicatifs de cette hétérogénéité. Nous étudierons notamment le rôle des variations des perceptions de soi et du contexte scolaire mais également l’implication de certaines caractéristiques interindividuelles et environnementales dans l’explication de la diversité des patrons motivationnels. Il sera plus précisément question de comprendre :

o pourquoi, pour certains élèves, la motivation en début d’année est moins autodéterminée que pour d’autres et

o pourquoi, pour certains élèves, la motivation autodéterminée évolue moins rapidement que pour d’autres.

On cherchera à savoir si des élèves présentant des caractéristiques différentes ou évoluant dans des contextes différents présentent également des patrons évolutifs différents.

- Une fois la description et l’explication des patrons évolutifs de la motivation effectuée, nous chercherons dans un troisième temps à examiner dans quelle mesure les changements intra-individuels de la motivation observés au cours de la première année de collège influent sur le niveau d’acquisitions de fin d’année. Ainsi, si la plupart des recherches consacrées aux liens entre processus motivationnels et apprentissages se limitent à l’étude des conséquences associées aux différences interindividuelles de motivation, notre travail se propose quant à lui de mettre au jour les effets des changements intra-individuels de la motivation sur le niveau d’acquisitions de fin d’année.

Par conséquent, l’objectif de cette dernière étape sera, en traitant la motivation comme une variable explicative variant dans le temps, de mieux comprendre quel est l’impact des changements motivationnels sur les apprentissages.

Si ces questionnements qui impliquent des relations changeantes et dynamiques entre l’élève et le contexte scolaire se font largement l’écho des recommandations maintes fois formulées dans le sens de l’élaboration de field theoretical models (Bronfenbrenner, 1989), force est de constater qu’il n’existe, à notre connaissance, aucune étude de ce genre dans le champ de la motivation scolaire.

Cette absence d’étude rend, de fait, la formulation d’hypothèses spécifiques particulièrement délicate. Toutefois, bien que l’on ne dispose actuellement d’aucune théorie sur la façon dont les changements au plan de la motivation affectent les apprentissages, ni même sur l’impact des changements environnementaux au plan de l’évolution de la motivation, il est tout de même possible d’inférer certains éléments prédictifs des modèles motivationnels issus de l’approche sociocognitive et de la Stage Environement Fit Theory.

- Conformément aux études précédemment citées, nous nous attendons à observer une baisse de la motivation au cours de l’année scolaire. Toutefois, nous nous attendons à ce que le déclin ne se produise pas directement dès l’entrée en classe de 6ème mais plus tard en cours d’année. Les travaux dont on dispose actuellement étant fondés sur des protocoles transversaux, il est difficile de se prononcer sur le moment de l’année au cours duquel ce déclin opère. Notre étude, qui repose quant à elle sur des données répétées et temporelles, nous permettra de situer précisément le début de cette baisse. Or, selon nous, pour observer les conséquences négatives liées au passage en 6ème (i.e., la baisse de la motivation) il est nécessaire que les élèves aient eu suffisamment de temps pour se forger leur propre expérience de l’environnement scolaire secondaire.

- En outre, nous formulons l’hypothèse selon laquelle les différences interindividuelles au plan des trajectoires évolutives de la motivation autodéterminée tiendraient dans un certain nombre de facteurs individuels (i.e., genre, perception de soi, croyances), familiaux (i.e., but parentaux) et scolaires (i.e., stratégies et style enseignant, qualité du climat motivationnel)