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5.5 Conclusion et perspective

6.1.2 Structure après 100 000 cycles de fretting

La lame MET extraite de la trace d’usure frottée pendant 100 000 cycles (N ≥ NGL) à 575˚C est présentée dans la figure 6.2.a. L’interface comporte plusieurs couches, numérotées de 1 à 4 :

— La couche 1 d’extrême surface possède une épaisseur relativement constante, variant entre 700 et 850 nm. À cette échelle, elle semble être constituée de grains nanométriques et vraisemblablement oxydés puisque les analyses EDX macroscopiques (figure 3.18 par exemple) montrent que l’interface frottée est oxydée sur plusieurs micromètres ; — La sous-couche 2 semble présenter une texture plus hétérogène que la couche 1,

avec également la présence de porosités (qui apparaissent blanches sur l’image). Elle est plus épaisse (quelques micromètres) et de géométrie variable contrairement à la couche 1 qui présente une structure très rectiligne. Les analyses EDX macroscopiques montrent que cette zone est oxydée (figure 3.18.d) ;

— La couche 3 est absente de cette lame et sera observée ultérieurement ;

— La couche 4 bis semble être une hétérogénéité de l’interface dans le sens où elle possède une taille de grain bien plus grande que la couche 1 ou 2. Elle se rapproche fortement de la morphologie de la zone 4. Des analyses EDX réalisées au MET montrent que cette zone n’est en réalité pas oxydée. On se trouve alors dans le même cas que l’interface observée dans le chapitre 3 (figure 3.18.c) où une zone non-oxydée est im-briquée dans la glaze layer qui est oxydée ;

— La couche 4 est constituée de grains micrométriques non oxydés. Cette partie est le substrat (HS25) dont la taille des grains est bien plus petite (environ 300 nm de diamètre) que la taille initiale observée. La figure 2.3.a montre en effet que les grains sont d’environ 66 µm de diamètre à l’état initial.

Figure 6.2 – a) Observation MET en champ clair de l’interface ; b) schématisation (N = 100000)

Une schématisation multi-couches de l’interface est proposée dans la figure 6.2.b. Les zones 1 et 2 sont toutes les deux oxydées et se distinguent mal l’une de l’autre en observation MEB classique. Elles sont donc confondues et l’ensemble est nommé "glaze layer".

Dans la littérature, d’autres auteurs font état d’une structure de troisième corps hétérogène à haute température. Rynio [85] montre par exemple sur un contact base Ni/acier frotté à 300˚C la présence en extrême surface d’une couche compacte, nanocristalline et oxydée d’une épaisseur d’environ 400 nm, sous laquelle s’étend une couche plus poreuse d’oxydes et de grains métalliques mélangés. Inman [84] constate également ce type de structures composites sur un contact base Co/base Ni frotté à 750˚C, où plusieurs couches se superposent : une couche oxydée et nanocristalline d’environ 1 µm d’épaisseur, une couche oxydée présentant des grains plus gros et le substrat déformé plastiquement. Les analyses EDX réalisées dans cette structure viennent affiner la description du troisième corps.

Analyse chimique

La schématisation de l’interface est également validée par les analyses chimiques réalisées par EDX au MET. Comme l’indique la figure 6.3.a, des analyses ponctuelles ont été réalisées dans la couche 1 (pointés 1.1, 1.2 et 1.3) et dans la couche 2 (pointés 2.1 et 2.2).

Figure 6.3 – a) Cliché STEM de l’interface et b) semi-quantifications ponctuelles en % atomique (N = 100000)

Dans la couche 1, on trouve au centre une bande allongée plus claire que le reste de la couche. La quantification EDX de cette fine bande, présentée dans la figure 6.3.b, indique que celle-ci est plus riche en tungstène que le reste de la couche 1. La même composition chimique est également remarquée à la lisière avec la couche 2 (1.3).Ces singularités mises à part, la couche 1 présente un fort taux d’oxygène (70% atomique) ainsi qu’un taux élevé de cobalt (20% atomique). La couche 2 présente quant à elle une structure duale avec la présence de zones peu oxydées (11% atomique d’oxygène), riches en cobalt (55% atomique) et en nickel (23% atomique), et de zones fortement oxydées (70% atomique d’oxygène), riches en chrome (24% atomique).

Plusieurs points intéressants se profilent ici. Premièrement, le phénomène de discrimination des éléments chimiques lié aux propriétés de tribo-frittage, intuitée dans le chapitre précédent semble être confirmée. En effet, on trouve en extrême surface une zone riche en cobalt, élément possédant une meilleure aptitude au frittage que le chrome ou le nickel (couche 1). Cette constatation se confirme également dans la littérature puisque Inman [84] montre par

exemple une prédominance du cobalt dans la glaze layer d’extrême surface d’un contact base Co/base Ni.

Deuxièmement, la couche 2 présente des zones oxydées et non oxydées. Les zones oxydées sont riches en chrome. Cela confirme alors les propriétés thermodynamiques de ces éléments, prédi-sant une oxydation préférentielle du chrome par rapport au cobalt ou nickel [67]. Cette consta-tation a été également faite par Viat et al. [64], qui montrent sur un contact HS25/céramique silicatée en configuration plan/plan la présence de zones non oxydées, riches en cobalt ou oxydées et riches en chrome. Il semble ainsi qu’un processus de diffusion de l’oxygène vienne progressivement oxyder la sous-couche 2, en favorisant en premier lieu l’oxydation du chrome. Cette diffusion est par ailleurs favorisée par la présence de porosités (figure 6.2), par la pré-sence de zones moins compactées ou même de fissures (figure 3.18), qui sont les conséquences de la sollicitation mécanique induite par fretting.

Structure cristalline

La couche 1 est observée plus en détails dans la figure 6.4.a et un cliché de diffraction élec-tronique de cette zone est présenté dans la figure 6.4.b.

Figure 6.4 – a) Cliché MET en champ clair de la couche d’extrême surface (couche 1) et b) cliché de diffraction électronique associé (N = 100000)

La couche 1, qui se trouve en extrême surface de l’échantillon HS25, est constituée d’un ensemble de grains juxtaposés de tailles nanométriques. Ces grains ne présentent pas de signes de déformation plastique ou d’élongation, comme cela est généralement observé dans le cas du glissement unidirectionnel [88, 146-148]. Une analyse statistique réalisée sur des images en champ sombre montre que la taille moyenne des grains est environ égale à 20 nm. Le cliché de diffraction présente des taches lumineuses concentriques, rendant compte de la polycristallinité de la zone analysée. De plus, aucune orientation préférentielle n’est visible. L’indexation des rayons des cercles concentriques est réalisée, et est présentée dans le tableau 6.1. Si l’on compare ces données avec celles de la littérature, il apparaît que la maille cristalline observée se rapproche de celle de l’oxyde de cobalt Co3O4. Cela confirme les analyses Raman réalisées dans le chapitre 3 (figure 3.27).

Table 6.1 – Indexation du cliché de diffraction présenté dans la figure 6.4.b et comparaison à la littérature [149]

Rayon (1/nm) Cliché expérimental Co3O4 CoO Cr2O3 α-Co -Co

R1 2,067 2,143 4,068 2,755 4,883 4,606

R2 3,442 3.500 4,697 3,753 5,637 4,916

R3 4,048 4,104 6,643 4,035 7,972 5,221

R4 4,931 (4,286) 4,949 7.789 4,414 9,348 6,736

Lorsque la lame est assez mince, il est possible de réaliser des observations en très haute résolution (figure 6.5). Cela est le cas pour le haut de la lame, qui est de manière générale toujours plus mince que le bas, à cause de la divergence du faisceau ionique lors des étapes de préparation.

Figure 6.5 – Observation MET en haute résolution de l’extrême surface et clichés de diffraction numérique des deux zones encadrées obtenus par transformation de Fourier

rapide (N = 100000)

La couche 1 présente en extrême surface, sur une longueur d’environ 20 nm, une zone amorphe. En effet, la figure de diffraction numérique B, obtenue par transformation de Fourier rapide (FFT) de la zone d’analyse, montre la présence d’un halo. À l’inverse, la figure A, réalisée en dessous de cette bande amorphe, présente des points lumineux rendant compte de la cristallinité de l’interface. Ici, il n’est pas possible d’affirmer ou non la présence de zones amorphes uniquement en extrême surface, le reste de la lame étant trop épais pour réaliser de telles observations. La présence de zones amorphes est observée également par d’autres auteurs sur des alliages de cobalt, en extrême surface [88] ou au milieu de la tribocouche oxydée [64]. Cette amorphisation est probablement initiée par les déformations importantes subies à l’interface. Toutefois, on ne retrouve pas cette amorphisation sur toute la longueur de la lame.

Il est ainsi possible de conclure de cette étude à l’échelle micro- et nanométrique que l’interface oxydée, appelée "glaze layer" n’est pas homogène mais présente des couches avec des structures

et des compositions chimiques différentes. Les observations faites sur cette photographie de l’interface, réalisée à 100 000 cycles méritent tout de même d’être confirmées par l’étude d’une glaze layer obtenue pour un nombre de cycles différent.