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4.2 Loi d’usure

4.2.2 Formulation du comportement oxydant

Dans le cas des alliages, les processus d’oxydation sont complexes puisque chaque élément chimique possède sa propre affinité avec l’oxygène [67]. Des oxydes complexes peuvent se former, tels que les spinelles, et chaque ion métallique possède ses propres vitesses de diffusion à travers les phases métalliques et oxydées. Le processus d’oxydation implique deux étapes importantes : la nucléation et la coalescence d’oxydes puis l’épaississement de la couche par diffusion des espèces ioniques à travers l’oxyde. La première étape est très rapide : le taux d’oxydation est élevé et tous les éléments de l’alliage s’oxydent en même temps dans des proportions quasiment équivalentes à leur poids dans l’alliage (régime transitoire). D’après Stott, pour un alliage ferreux, la couche de passivation est environ égale à 2 nm à 20˚C et se forme en moins de 0.1s [128]. Après le régime transitoire, un régime permanent s’installe avec l’épaississement de la couche par diffusion d’ions métalliques ou d’oxygène à l’interface gaz/oxyde ou oxyde/substrat. L’épaisseur de la couche formée dépend de la température, de la pression partielle en oxygène mais également de la nature des oxydes formés initialement.

Une hypothèse sera faite dans la suite du chapitre en considérant la pression partielle en oxygène constante dans le temps et l’espace, pour chaque amplitude de glissement considérée. De plus, la présence de fissures ou de porosités dans la couche de tribo-oxydes ne sera pas considérée malgré la capacité de ces dernières à accélérer l’oxydation. Il est par ailleurs probable que la calibration des constantes de la loi d’usure prenne en compte ces effets. Comme tous les auteurs travaillant sur ce sujet [17,18,59,68-75,77,78,125], les premières étapes du processus d’oxydation (adsorption de l’oxygène, nucléation et coalescence d’oxydes) ne sont pas prises en compte et seule la croissance de la couche d’oxyde par diffusion ionique l’est. Cette hypothèse est valide s’il reste à la surface une couche d’oxyde rémanente, c’est-à-dire que la couche d’oxyde formée n’est pas entièrement usée à chaque passage de l’alumine.

Croissance de la couche d’oxyde

Il existe dans la littérature de nombreuses lois décrivant la cinétique de croissance des couches d’oxydes d’un système : linéaire, parabolique ou encore logarithmique. Généralement, la loi est choisie selon le processus physique impliqué dans la croissance d’oxyde et selon les espèces chimiques impliquées. Typiquement, les espèces chimiques capables de former une couche protectrice à l’interface sont associées à une cinétique de croissance parabolique où la diffusion des espèces ioniques à travers la couche est le facteur limitant.

Plusieurs points nous amènent à choisir une loi parabolique dans cette formalisation de l’usure :

1. Les images MEB exposées dans le chapitre 3 de ce manuscrit (figures 3.4 et 3.5) montrent un troisième corps complètement oxydé et d’épaisseur supérieure au micro-mètre. Les épaisseurs impliquées dans le processus d’oxydation peuvent alors justifier l’emploi d’une loi parabolique ;

2. Les oxydes formés dans ce troisième corps sont riches en cobalt et chrome qui pré-sentent une cinétique de croissance parabolique [67] ;

3. Bien que la température impliquée dans ce processus d’usure par oxydo-abrasion soit faible (entre 25˚C et 150˚C), la présence de températures flash au niveau des aspérités peut expliquer le choix de cette cinétique de croissance. Certains auteurs comme Lim et Ashby [129], Quinn [18] ou encore Molgaard [79] avancent cette idée pour justifier l’emploi d’une loi parabolique. Cependant, une revue littéraire [130] sur le sujet des températures flash fait état de résultats très disparates selon les méthodes de calculs employées. Il est donc encore difficile de statuer sur ce point ;

4. Pour finir, la figure 4.6 montre très clairement une dépendance au temps en racine carré, aiguillant le choix d’une loi parabolique.

L’équation (4.10) décrit la cinétique de croissance de la couche d’oxyde où ξ est l’épaisseur de la couche d’oxyde (mm), kp une constante d’oxydation (mm2/s) et t le temps (s).

ξ2= kpt (4.10)

La croissance de la couche est donc contrôlée par la diffusion ionique qui est thermodynami-quement activée et donc dépendante d’une loi de Arrhenius :

kp= kp0exp −Ea

RT 

Où kp0 (mm2/s) est un terme pré-exponentiel dépendant de la composition de la couche d’oxyde mais également des conditions de pression [67], Ea est l’énergie d’activation du pro-cessus d’oxydation (J/mol), R est la constante universelle des gaz parfaits et T est la tem-pérature ambiante (K). Ici, la temtem-pérature T correspond à la temtem-pérature imposée pendant l’essai. Finalement, l’expression de la croissance de la couche d’oxyde est la suivante :

ξ2= kp0exp −Ea

RT 

t (4.12)

Dans le scénario proposé, on considère que ξ est la couche d’oxyde formée entre chaque passage de l’alumine, soit chaque demi-cycle de fretting. Ainsi, le temps t de l’équation (4.12) est proportionnel à la demi-période d’un cycle de fretting τ , et donc à la fréquence f :

t = τ 2 =

1

2f (4.13)

Finalement l’équation (4.12) devient :

ξ = s kp0 2f exp −Ea 2RT  (4.14)

La figure 4.7 présente une schématisation de l’évolution de l’épaisseur de la couche d’oxyde pour deux températures et deux fréquences distinctes.

Figure 4.7 – Application d’une loi parabolique pour la croissance de la couche d’oxydes sous condition de frottement alterné

Ce graphique permet de retrouver les tendances observées pour le volume d’usure, à savoir que l’élévation de la température entraîne une augmentation de l’épaisseur de la couche à chaque demi-cycle et inversement, une augmentation de la fréquence entraîne une diminution de l’épaisseur de la couche. Ainsi, les variations du volume d’usure suivent les mêmes tendances que la variation de l’épaisseur de la couche d’oxyde lorsque la fréquence et la température varient.