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Stress du RE et exposition de la CALR à la surface des cellules mourantes

2.2 Le système immunitaire

2.2.6 Stress du RE et exposition de la CALR à la surface des cellules mourantes

La CALR est la molécule la plus abondante dans la lumière de RE, mais peut également être retrouvée dans d’autres compartiments sub cellulaires, dont le cytosol (Afshar, Black et al. 2005), (Bedard, Szabo et al. 2005). C’est une protéine multifonctionnelle qui lie les ions Ca2+, (un messager secondaire permettant la transduction du signal entre cellules ou à l’intérieur des cellules), elle est de ce fait impliquée dans la régulation de l'homoeostasie du Ca2+ intracellulaire et du RE (Tufi, Panaretakis et al. 2008). La CALR est également impliquée dans le repliement des protéines et des glycoprotéines nouvellement synthétisées et elle constitue avec la calnexine (une chaperonne à la membrane du RE) et la protéine du RE de 57 kDa (ERp57 de l’anglais « ER  protein  of  57  kDa  »), le «cycle calréticuline/calnexine» qui est responsable du pliage et du contrôle de la qualité des glycoprotéines nouvellement synthétisées (Michalak, Groenendyk et al. 2009). La CALR et la calnexine sont également des protéines clés dans la production de protéines de CMH de classe I. Au fur et à mesure que les chaînes α de du CMH I nouvellement synthétisées entrent dans le réticulum endoplasmique, elles se lient à la calnexine qui les maintient dans un état partiellement replié. Après que la β2-microglobuline se soit liée au complexe de chargement du peptide, la CALR (avec ERp57) reprend le travail de chaperonne de la protéine de CMH I tandis que la tapasine (une glycoprotéine transmembranaire) relie ce complexe au transporteur associé au de traitement de l'antigène (TAP de l’anglais « transporter associated with antigen processing »). Cette association prépare le CMH I à lier un antigène pour ensuite le présenter sur la surface cellulaire (Murphy 2011).

En réponse à de nombreux inducteurs d’ICD (incluant les anthracyclines, l’oxaliplatin, ou la thérapie photodynamique basée sur l’hypéricine), une partie de la CALR est transloquée à la surface des cellules stressées ou mourantes (Obeid, Tesniere et al. 2007), (Gardai, McPhillips et al. 2005).

Ce phénomène persiste dans des cellules dépourvues de noyau (Obeid, Tesniere et al. 2007), l’exposition de CALR ne requiert donc pas de composants nucléaires, est indépendante de la réponse aux dommages à l’ADN et ne résulte pas d’une modification de la transcription. A l’inverse, l’exposition de CALR, induite par les anthracyclines, requiert la formation de ROS, de monoxyde d’azote (NO de l’anglais « nitric oxide ») (Panaretakis, Kepp et al. 2009), (De Boo, Kopecka et al. 2009). L’exposition de la CALR élicitée par les anthracyclines ou l’oxaliplatine, est induite par le stress du RE qui implique la phosphorylation de eIF2α par PERK. Cela est généralement suivi par la protéolyse de la protéine résidente du RE, BAP31, médiée par la caspase 8, l’activation des protéines pro apoptotiques BAX et BAK, le transport

antérograde de la CALR du RE à l’appareil de Golgi, et l’exocytose des vésicules contenant la CALR, résultant ainsi en la translocation dépendante de « Soluble N-éthylmaleimide-sensitive-factor Attachment protein REceptor » (SNARE) de la CALR à la surface de la membrane plasmique (Panaretakis, Kepp et al. 2009). Une interruption de cette voie de signalisation à chacun de ces niveaux (pharmacologiquement ou par manipulation génétique) inhibe l’exposition de la CALR, ainsi que l’immunogénicité des cellules, et diminue la réponse anti cancéreuse induite par les chimiothérapies (Panaretakis, Kepp et al. 2009).

Il existe un consensus sur la notion que le stress du RE est requis pour l’exposition de la CALR à la surface cellulaire, mais les mécanismes exacts qui lient ces deux phénomènes ne sont pas clairs. De ce fait, même si l’activation de PERK est importante pour l’exposition de la CALR induite par les anthracyclines et la thérapie photodynamique (PDT) basée sur l’hypéricine, la phosphorylation de eIF2α semble être nécessaire uniquement pour l’action des anthracyclines (Menger, Vacchelli et al. 2012), (Garg, Krysko et al. 2012). Au même titre, l’activation de la caspase 8 n’est pas nécessaire pour la translocation de la CALR induite par la PDT (Garg, Krysko et al. 2012), alors qu’elle est nécessaire pour l’exposition de la CALR induite par les anthracyclines, l’oxaliplatine et l’acide docosahexaenoique (Panaretakis, Kepp et al. 2009), (Molinari, D'Eliseo et al. 2011). Enfin, alors que la translocation de la CALR induite par la mitoxantrone nécessite une autre protéine résidente du RE, ERp57 (Panaretakis, Joza et al. 2008), la même chose n’est pas vraie pour l’exposition de la CALR induite par la PDT (Garg, Krysko et al. 2012). Ces résultats suggèrent que l’exposition de la CALR à la surface cellulaire semble être le résultat de voies de signalisations hétérogènes, stimuli dépendantes (Figure 10).

Figure 10. Propriétés de la mort cellulaire immunogène (ICD). Les voies de signalisation qui entraînent l’exposition de la calréticuline (CALR) en réponse aux anthracyclines et à la thérapie photodynamique (PDT). L’exposition de CALR induite par les anthracyclines nécessite la co-translocation de la chaperone du réticulum endoplasmique (RE) ERp57 et nécessite également l’activation séquentielle de trois molécules de signalisation : (a) un module du stress du RE, incluant la génération de reactive oxygen species (ROS), une augmentation des concentrations de Ca2+ cytosoliques, l’activation de la protéine kinase PERK (RNA-actiavted (PKR)-like ER kinase), et la phosphorylation du facteur d’initiation de la traduction eif2a (pour eukaryotic initiation factor 2a) ; (b) un module apoptotique, comprenant le clivage de BAP31(B-cell receptor-associated protein 31) médié par la caspase 8 et impliquant BAX (Bcl-2 family members BCL2-associated X protein) et BAK (-antagonist/killer 1) ; et (c) un module de translocation, impliquant la PI3K (phosphoinositide-3-kinase), la machinerie moléculaire du transport antérograde du RE au Golgi et l’exocytose dépendante des vSNAREs (v N-ethylmaleimide-sensitive factor (NSF) attachment protein (SNAP) attachment receptor (SNARE)) ainsi que des radeaux lipidiques. Il convient de remarquer que l’exposition de CALR déclenchée par d’autres inducteurs de l’ICD dépend de mécanismes seulement partiellement communs avec ceux de la cascade de signalisation induite par les anthracyclines. Alors que l’exposition de la CALR induite par la PDT basée sur l’hypéricine, repose obligatoirement sur l’activité de PERK, BAX, BAK, PI3K, et le transport antérograde du RE au Golgi, ce processus est indépendant de la co-translocation de ERp57, la phosphorylation de eIF2a et des concentrations cytoplasmiques de Ca2+. De plus la translocation de la CALR à la surface des cellules suite à la PDT est dépendante du cytosquelette d’actine, mais pas des radeaux lipidiques ou de la machinerie du transport rétrograde. Ces observations suggèrent que l’exposition de CALR est due à des mécanismes moléculaires qui sont en partie dépendant du stimulus original (Kroemer, Galluzzi et al. 2013).

Le knockdown de la CALR (ou d’une des protéines requises pour son exposition) supprime l’immunogénicité de la mort cellulaire provoquée par de multiples inducteurs d’ICD (notamment les anthracyclines, l’oxaliplatine, les radiations et la PDT), empêchant ainsi les cellules mourantes de déclencher une réponse immunitaire protective lors d’expériences de vaccination (Obeid, Tesniere et al. 2007), (Garg, Krysko et al. 2012), (Panaretakis, Kepp et al. 2009), (Panaretakis, Joza et al. 2008). A l’inverse, l’absorption de CALR recombinante à la surface des cellules succombant à une mort non immunogène (suite à un traitement par mitomycine C ou cis-diaminedichloroplatine (II) (CDDP), plus connu sous le nom de cisplatine) peut restaurer l’immunogénicité des cellules (Obeid, Tesniere et al. 2007), (Panaretakis, Kepp et al. 2009), (Panaretakis, Joza et al. 2008). Un effet similaire peut être obtenu en manipulant les cellules et leur faisant exprimer un variant de la CALR conçue pour être automatiquement transportée à la surface cellulaire en raison de sa fusion avec le récepteur couplé aux protéines G du virus de l’herpes humain 8 (HHV-8-GPCR de l’anglais « human herpesvirus 8 G protein–coupled receptor ») (Qin, Han et al. 2011). En outre, l’exposition de la CALR peut être induite par :

(1) des modulations provoquant un stress du RE, comme l’administration de thapsigargine (un inhibiteur pharmacologique de la la sarco/endoplasmic reticulum Ca2+ -ATPase (SERCA), une Ca2+ ATPase résidant dans  le  réticulum  sarcoplasmique  des  myocytes  qui  transfère  le  Ca2+  du  cytosol  de  la  cellule  à  la  lumière  du  RE), qui stimule l’efflux de Ca2+ depuis la lumière du RE (Martins, Kepp et al. 2011), (Tufi, Panaretakis et al. 2008)

(2) l’inhibition du complexe « protein phosphatase 1 regulatory subunit 15A/  Serine/threonine-protein phosphatase PP1-alpha » (PPP1R15A/  PPP1CA aussi connu sous le nom de « complexe growth arrest and DNA damage-inducible protein » (GADD34) GADD34/PP1), de manière pharmacologique ou par l’utilisation de peptides perturbant de manière compétitive l’interaction entre PPP1R15A et PPP1CA, qui antagonise fonctionnellement la phosphorylation eIF2α dépendante de PERK (Obeid, Tesniere et al. 2007), (Kepp, Galluzzi et al. 2009).

Toutes ces manipulations rétablissent l’immunogénicité de la mort cellulaire déclenchée par des inducteurs non ICD tels que la mitomycine C ou le CDDP (Obeid, Tesniere et al. 2007), (Martins, Kepp et al. 2011), (Tufi, Panaretakis et al. 2008), (Kepp, Galluzzi et al. 2009). L'échec des chimiothérapies anticancéreuses pour déclencher l'exposition de CALR à la surface cellulaire est associé à leur efficacité réduite in vivo. Par exemple, la chimiothérapie à

base de mitomycine C ne parvient pas à déclencher une réponse immunitaire anticancéreuse et ne parvient donc pas à induire une régression tumorale efficace, sauf si la CALR est injectée directement dans la tumeur ou si l'exposition au CALR est provoquée par l'administration locale d’inhibiteurs de PP1 (Obeid, Tesniere et al. 2007). Ces observations indiquent que l'exposition de la CALR constitue l'un des principaux marqueurs déterminant l'immunogénicité de la mort cellulaire.

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