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La pertinence translationnelle de ces résultats, a été confirmée par une étude sur le statut de la ploïdie et du stress du RE sur des tissus de cancers du sein de 60 patients. Dans ce contexte, l’efficacité de la chimiothérapie néo-adjuvante est fortement influencée par la réponse immunitaire anti cancéreuse (Denkert, Loibl et al. 2010), (Ladoire, Mignot et al. 2011), (Ladoire, Rambach et al. 2011). Les chimiothérapies efficaces réduisent la taille nucléaire des rares cellules de carcinomes résiduelles chez les patientes répondeuses, en corrélation avec une augmentation du ratio de CD8+ infiltrant les tumeurs par rapport aux cellules immunosuppressives FOXP3+ (Senovilla, Vitale et al. 2012). Par contraste les cellules tumorales des patientes non répondeuses (qui présentaient un cancer du sein détectable malgré 6 cycles de chimiothérapie) ont une taille tumorale augmentée et une plus forte phosphorylation de eIF2a (Senovilla, Vitale et al. 2012). Ces résultats mettent en évidence un lien entre une réponse immunitaire locale et une réduction de la taille nucléaire (chez les répondeuses) et un lien entre l’absence de réponse immunitaire locale et une augmentation de la taille nucléaire (chez les non répondeuses). Les résultats de notre laboratoire soulignent la relation entre l’immunosélection, l’hyperploïdie, et le stress du RE qui induit l’exposition de la CALR.

De plus nous avons montré sur des séries de cancers du sein ductaux in situ que le diamètre nucléaire médian (reflétant la ploïdie, comme décrit plus loin dans la partie résultats) des cellules malignes est en corrélation avec la phosphorylation de eIF2α (dans les tissu cancéreux), qui est en corrélation avec la densité de l'infiltration CD8+ et le rapport CD8+/FOXP3+ (à la fois dans le parenchyme cancéreux et non cancéreux adjacents). Les images d’immunohistochime de cette étude ont été analysées au moyen d'un algorithme d'analyse morphométrique développé dans R par notre laboratoire (Semeraro, Adam et al. 2016). D’autres analyses immunohistochimiques sur des patients atteints de mélanomes a permis de mettre en évidence une phosphorylation de eIF2α associée à une augmentation du diamètre nucléaire. Fait intéressant, la vaccination thérapeutique a conduit à une réduction de la phosphorylation de eIF2α suggérant une immunoselection contre des cellules portant ce marqueur du stress du RE. Aucun des biomarqueurs liés au stress ou à la mort n'a néanmoins eu un impact pronostique significatif, contrairement à l'effet pronostique majeur du ratio des CTLs sur les cellules immunosuppressives FOXP3+ et CD163+ (Ladoire, Senovilla et al. 2016).

4 Immunothérapie : les vaccins peptidiques

Plusieurs interventions immunothérapeutiques ont été développées durant ces 10 dernières années afin d’exploiter les TAAs et éliciter une réponse immunitaire thérapeutique spécifique de la tumeur (Pol, Bloy et al. 2015), (Bonifaz, Bonnyay et al. 2004), (Kreutz, Tacken et al. 2013), (Tacken, de Vries et al. 2007). Une de ces approches se base sur l’administration de TAAs purifiés ou recombinants (ou de certains épitopes administrés sous forme de peptides) en présence de molécules immunostimulantes adéquates (appelées adjuvants) (Ricupito, Grioni et al. 2013), (Hailemichael and Overwijk 2013), (Bijker, Melief et al. 2007), (Yaddanapudi, Mitchell et al. 2013), (Schwartzentruber, Lawson et al. 2011). De manière non exhaustive on peut retrouver différentes cathégories d’adjuvants, notamment des produits bacteriens, des adujuvants à base d’allumnium, des émulsions à base d’huile (comme le Montanide ISA 51 Incomplete Freund’s Adjuvant), des cytokines, et des ligands de PRRs. Les ligands de PRR comprennent des ligands des TLR3 : des analogues synthétiques d’ARN double brin mimant une infection virale, tels que l’acide polyinosinique-polycytidylique (poly (I:C)) (Coffman, Sher et al. 2010); des ligands des TLR4 comme les bacterial lipopolysaccharides (LPS) (Coffman, Sher et al. 2010); des ligands de TLR5 comme les flagellines bactériennes (Huleatt, Jacobs et al. 2007); des ligands des TLR7 et 8: des analogues de l'ARN viral simple brin comme l’imiquimod (Coffman, Sher et al. 2010), (Mizel and Bates 2010); des ligands de TLR

9 : des oligodéoxynucléotides contenant des motifs CpG spécifiques (le CpG) (Kobayashi, Horner et al. 1999); des ligands du “nucleotide-binding oligomerization domain 2” (NOD2, un PRR cytoplasmique) : des fragments de parois cellulaires bactériennes (Girardin, Boneca et al. 2003).

De nombreuses données cliniques et précliniques démontrent que les TAAs administrés en présence d’adjuvants comme seule intervention sont capables d’induire des réponses immunitaires anti-tumorales. Cependant l’activité anti-néoplasique de ces réponses est souvent limitée (Aranda, Vacchelli et al. 2013), (Vacchelli, Martins et al. 2012), (Melero, Gaudernack et al. 2014). Cela reflète le processus d’immunoédition, c'est-à-dire le fait que les néoplasmes se développent sous pression sélective imposées par une interaction continue avec le système immunitaire de l’hôte (Dunn, Bruce et al. 2002), (Dunn, Old et al. 2004), (Dunn, Old et al. 2004), (Mittal, Gubin et al. 2014), (Kim, Emi et al. 2007), (DuPage, Mazumdar et al. 2012), (Balsamo, Pietra et al. 2012), (Schreiber, Old et al. 2011). L’immunoédition a deux conséquences majeures : les cellules malignes présentent souvent de très faibles niveaux d’antigènes peptidiques et de signaux immunostimulateurs à leur surface ; et les tumeurs génèrent un réseau immunosuppresseur complexe qui opère à la fois au niveau local et systémique, impliquant des signaux solubles et des composés cellulaires (Motz and Coukos 2011), (Croci, Zacarias Fluck et al. 2007), (Rabinovich, Gabrilovich et al. 2007), (Olson and McNeel 2012), (Zou 2005).

D’autre part l’activité anti-cancéreuse limitée des vaccins ciblant les TAAs provient du fait que contrairement aux vaccins contre les maladies infectieuses (qui sont utilisés de manière prophylactique), ces agents sont généralement employés dans des contextes thérapeutiques (Aranda, Vacchelli et al. 2013), (Vacchelli, Martins et al. 2012), (Melero, Gaudernack et al. 2014). Les vaccins sont en effet efficaces contre les agents infectieux en générant une immunité humorale contre un ou plusieurs épitopes antigéniques exogènes (Lehtinen and Paavonen 2012), (Dutta, Dlugosz et al. 2013), (Amanna and Slifka 2011), (Remarque, Roestenberg et al. 2012). Bien que l’importance de l’immunité humorale dans l’immunosurveillance soit en train d’être réévaluée (Ma, Xiang et al. 2013), (Zhang, Yang et al. 2013), (Dao, Liu et al. 2013), les réponses humorales ciblant les tumeurs développées dans des contextes thérapeutiques sont généralement insuffisantes pour rejeter la tumeur (Schumacher, Bunse et al. 2014), (Michael, Relph et al. 2013), (Peoples, Gurney et al. 2005), (Hannani, Locher et al. 2014). De ce fait, les vaccins anticancéreux doivent éliciter des réponses cellulaire qui sont : spécifiques des antigènes tumoraux (et dans certains cas potentiellement cross

réactives), suffisamment puissantes pour induire des effets cytotoxiques robustes contre les cellules malignes, et suffisamment larges pour surpasser l’hétérogénéité des cellules néoplasiques et ainsi éradiquer la tumeur dans sa totalité plutôt que simplement l’immunoéditer (Pol, Bloy et al. 2015).

Plusieurs approches ont été développées pour améliorer la capacité des TAAs à éliciter des réponses immunitaires anticancéreuses efficaces. De nos jours un grand intérêt clinique est porté sur les combinaisons thérapeutiques impliquant d’autres interventions immunostimulantes (Vacchelli, Prada et al. 2013), telles que les chimiothérapies immunogènes (Vacchelli, Aranda et al. 2014), (Vacchelli, Senovilla et al. 2013), (Zitvogel, Galluzzi et al. 2013), (Galluzzi, Senovilla et al. 2012), la radiothérapie (Galluzzi, Senovilla et al. 2012), (Vacchelli, Vitale et al. 2013), (Bloy, Pol et al. 2014), et les inhibiteurs de points de contrôles immunitaires (Galluzzi, Vacchelli et al. 2012), (Vacchelli, Eggermont et al. 2013). De manière importante, des réponses immunitaires contre des antigènes n’étant pas originellement ciblés par la formule vaccinale, peuvent se développer suite à un phénomène d’ « épitope spreading » (Vanderlugt and Miller 2002), (Hu, Petroni et al. 2014), (Nobuoka, Yoshikawa et al. 2013), (Inderberg-Suso, Trachsel et al. 2012), (Blalock, Landsberg et al. 2012). L’ « épitope spreading » consiste en la libération de nouveaux TAAs en même temps que des DAMPs, lors de la destruction des cellules cancéreuses induites par l’intervention thérapeutique. Ces TAAs potentiels en présence de DAMPs représentent de puissants signaux immunostimulateurs (Krysko, Garg et al. 2012), (Garg, Nowis et al. 2010), (Galluzzi, Kepp et al. 2012), (Brenner, Galluzzi et al. 2013), (Senovilla, Galluzzi et al. 2013). Il faut noter que le répertoire des cellules T activées dans le contexte d’ « épitope spreading » est très efficace pour exercer des effets thérapeutiques (Hardwick and Chain 2011).

A l’heure actuelle, aucun vaccin anticancéreux basé sur des TAAs recombiants purifiés ou des peptides dérivés de ceux-ci, n’est approuvé par les agences de règlementation internationales pour une utilisation sur des patients atteints d’un cancer. En effet le Cervarix et le Gardasil, deux vaccins recombinants multivalents approuvés par la FDA (US Food and Drug Administration) pour leur utilisation chez l’Homme en 2009, sont utilisés de manière uniquement prophylactique contre l’infection par l’HPV-16 et -18 (Agosti and Goldie 2007), (Paavonen, Naud et al. 2009), (Group 2007). Ils ne peuvent donc pas être considérés comme de véritables vaccins anticancéreux. De plus, alors que le Cervarix et le Gardasil, protègent de manière efficace les jeunes femmes contre l’infection par l’HPV et donc le développement de cancers du col de l’utérus liés à l’HPV (Lehtinen and Paavonen 2012), (Agosti and Goldie 2007), (Paavonen, Naud et al. 2009), (Group 2007), ils n’arrivent pas à induire d’effets

antinéoplasiques significatifs sur les patientes atteintes de carcinome de l’utérus HPV+ (Aranda, Vacchelli et al. 2013), (Vacchelli, Martins et al. 2012).

Cependant plusieurs vaccins peptidiques ont démontré leur efficacité anti tumorale chez la souris. De manière non exhaustive, le Pr Schreiber et son groupe ont été capables d’induire une vaccination anti tumorale contre des tumeurs de fibrosarcome murin en vaccinant des souris avec les peptides des néoantigènes Lama4 ou Alg8 en combinaison avec la poly(I:C) comme adjuvant (Gubin, Zhang et al. 2014) ; le groupe de Arens a élicité des réponses anti tumorales contre de nombreux peptides en combinaisons avec différents agonistes de TLR (van Duikeren, Fransen et al. 2012) ; le groupe de Delamarre a obtenu des réponses de cellules T thérapeutiques après vaccination des souris avec des longs peptides en combinaison avec un anti CD40 et de la poly(I:C) (Yadav, Jhunjhunwala et al. 2014).

De plus, plusieurs essais cliniques utilisant des vaccins peptidiques thérapeutiques utilisant des peptides synthétiques longs (SLPs de l’anglais « synthetic long peptide ») sont en cours, comme par exemple un vaccin SLP basé sur les antigènes du cytomégalovirus (CMV) dans le cadre de patients atteints de glioblastoma et séropositifs pour le CMV (NCT02864368 sur

ClinicalTrials.gov), un vaccin SLP issu de TP53 (NCT00844506 et NCT01639885), un

nouvel essai testant des SLPs issus des protéines E6/E7 de l’HPV16 (NCT02128126) et des essais évaluent également actuellement différents SLPs personnalisés (NCT02427581,

NCT03068832, NCT03121677).

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