• Aucun résultat trouvé

Le stress réplicatif

Dans le document en fr (Page 33-38)

2. Les sources de stress génotoxiques

2.2 Le stress réplicatif

Finaliser la réplication de l’ADN avec un minimum d’erreurs est une étape critique qui permet de prévenir les dégénérescences cellulaires. Cela requiert l’intervention de centaines de protéines impliquées dans les processus de réparation et de réplication. Cependant, étant donné la taille du génome et la diversité des sources endogènes et exogènes pouvant induire un stress au cours de la phase S, phase ou le génome est particulièrement vulnérable, certaines lésions peinent à être réparées ce qui entraine des collisions avec la machinerie de réplication, induisant ainsi un stress réplicatif. Dans cette partie nous développerons de manière précise les causes majeures et les conséquences du stress réplicatif.

2.2.1 Définition du stress réplicatif

Un stress réplicatif peut être défini comme toute modification anormale des paramètres de réplication. Au cours de la progression de la réplication, l’incorporation de nucléotides et la progression des ADN polymérases peuvent être gênés par une multitude d’obstacles, ces obstacles ont été définis comme étant des RFB (Replication Fork Barriers) (Lambert and Carr, 2013a). Ils peuvent être endogènes tel qu’un ralentissement de la vitesse de réplication, une modification du profil d’activation des origines, des régions difficiles à répliquer (Fernandez-

15

Capetillo and Nussenzweig, 2013) ou exogènes, dûs à des agents inducteurs de dommages tels que les RI, les inhibiteurs de topoisomérases ou de ribonucléotides réductases. De manière générale, les perturbations de la réplication peuvent entrainer des arrêts de la fourche (stalling) ou des effondrements (collapse). La différence majeure entre ces deux définitions se situe au niveau du redémarrage. En effet, une fourche arrêtée peut redémarrer facilement, lorsque la drogue est éliminée par exemple. En revanche, si la fourche arrêtée n’est pas stabilisée par le biais des protéines du point de contrôle en phase S (que nous développerons plus en détail ci-dessous), elle s’effondre, le réplisome est démantelé, et le découplage du complexe hélicase /polymérase entraine une accumulation d’ADN simple brin (ssDNA) non protégé. Ces régions sont exposées aux exonucléases qui peuvent cliver la fourche et engendrer des lésions double brin, ou encore elles peuvent s’apparier de façon inadéquate à l’ADN complémentaire et altérer l’intégrité du génome (Paulsen and Cimprich, 2007). Une fourche s’étant effondrée ne redémarrera qu’après intervention de protéines spécifique du redémarrage des fourches notamment Mre11, PARP-1 et Rad51 (Bryant et al., 2009).

Plusieurs profils de réponse au stress réplicatif ont pu être observés en fonction du type et de la longueur du dommage induit ou encore du type de facteur intrinsèque ayant entrainé le blocage, que ce soit en termes d’activation du point de contrôle en phase S ou en termes de conséquences après effondrement de la fourche (Lambert and Carr, 2013a) ; ci-dessous nous discutons un certain nombre d’entre eux.

2.2.2 Les différentes causes de stress réplicatif 2.2.2.1 Les obstacles naturels de la fourche de réplication

La transcription représente une source majeure de stress réplicatif, car la collision entre machinerie de réplication et de transcription peut entrainer un désassemblage ou une réversion de la fourche de réplication. Ce phénomène est très complexe chez les eucaryotes où le nombre d’origines de réplication est élevé. Afin de réduire ce type de stress, la cellule régule ces deux processus de manière spatio-temporelle en les activant de façon distincte tout au long de la phase S, c’est ainsi que des analyses de microscopie ont pu montrer l’existence de clusters de transcription et de réplication complètement indépendants (Magdalou et al., 2014; Wei et al., 1998). Un autre mécanisme par lequel la transcription peut engendrer un stress réplicatif consiste en la formation d’hybrides ADN/ARN au cours de la transcription. Ces structures appelées R-loops sont génotoxiques, elles peuvent induire la formation de G- quadruplexes, bloquer la fourche, conduire à l’apparition de cassures à la fourche (Bermejo et al., 2012; Gottipati et al., 2008).

16

Certaines régions du génome sont plus difficiles à répliquer, elles sont communément appelées sites fragiles (« commun fragile sites »). Cette fragilité peut être due à un enrichissement en bases nucléiques A et T, ces régions pouvant former des structures secondaires, (Ozeri-Galai et al., 2011) ou à un nombre d’origines de réplication réduit qui conduit à une incapacité à activer des origines latentes en cas de stress réplicatif. De plus ces sites sont souvent associés à de longs gènes au niveau desquels la collision entre la machinerie de transcription et la machinerie de réplication entraine facilement des lésions. Il a été montré que la réplication de ces régions était continuellement perturbée et extrêmement sensible au stress réplicatif (Magdalou et al., 2014).

Une activation excessive des origines de réplication peut également être associée à un stress réplicatif, il a récemment été montré que la surexpression des oncogènes Cycline E, c-myc et h-Ras augmente les évènements d’initiation de réplication (Bartkova et al., 2006; Di Micco et al., 2006; Dominguez-Sola et al., 2007). Jones et al. ont également montré qu’en plus d’une augmentation des évènements d’initiation, la surexpression de la Cycline E conduit à un accroissement des conflits entre la transcription et la réplication, générant des cassures double brin au niveau des fourches bloquées (Jones et al., 2013). De plus l’augmentation des évènements de réplication limite le pool de désoxyribonucléotides triphosphates (dNTPs), ce qui est délétère pour la cellule (Magdalou et al., 2014).

2.2.2.2 Importance de l’équilibre du pool de dNTPs

Il a été largement établi qu’une carence ou un déséquilibre du pool de dNTPs influence différents aspects de la réplication, notamment le choix des origines de réplication, la vitesse de réplication, les distances inter-origines et l’usage des origines dormantes (Anglana et al., 2003; Poli et al., 2012). Toute variation de ces paramètres peut impacter sur le stress replicatif (Magdalou et al., 2014). De plus, le pool de dNTPs est d’une importance majeure dans la maintenance de l’intégrité du génome et c’est particulièrement le cas du pool de pyrimidine dont les variations sont associées à une instabilité génétique et des transformations oncogéniques (Bester et al., 2011; Burrell et al., 2013; Chabosseau et al., 2011). Par conséquent, la synthèse des dNTPs est essentielle à la réplication et à la réparation de l’ADN, ce processus complexe dépend de deux voies majeurs que nous développons ci-dessous: la synthèse de novo et la voie de sauvetage (Figure 6).

2.2.2.2.1 Les voies de synthèse des dNTPs

Dans tous les organismes cellulaires, la ribonucléotide reductase (RNR) permet de convertir les ribonucléosides diphosphates (NDP) en déoxyribonucléotides triphosphates dNTPs

17

(Nordlund and Reichard, 2006), ces dNTPs sont requis pour la réplication et la réparation via la substitution du 2’-OH du ribonucléoside en di ou triphosphate par un atome d’hydrogène. La RNR peut produire quatre dNDPs : dADP dGDP dCDP et dUDP. Le pool de dNTPs est ainsi limité par l’activité de la RNR qui est hautement régulée via différents processus. La synthèse du dTTP est particulière puisque la RNR ne peut former de dTDP (Figure 6). Le dTTP peut être synthétisé par la thymidilate synthase (TS) à partir du dUMP, lequel provient soit de la pyrophospholyse du dUTP soit de la désamination du dCMP. La thymidilate kinase (TMPK) convertit ensuite le dTMP en dTDP (Saada, 2009). Alternativement, la thymidine peut être phosporylée par la thymidine kinase (TK), une enzyme de la voie de sauvetage. La voie de sauvetage permet aussi de convertir les autres dNs (déoxyribonucléosides) en dNTP par l’action en séquence de la dCK (déoxycytidine kinase), de la NMPK et de la NDPK (Figure 6).

Figure 6: Les voies de synthèse des dNTPs

La voie de synthèse de novo utilise la RNR pour convertir les ribo-en déoxyribo-nucléotides (dNTP). Les voies de sauvetage sont les voies qui permettent aux cellules de récupérer les déoxyribonucléosides (dNs) pour les convertir en dNTPs sans intervention de la RNR. Les enzymes intervenant sont encadrées en gris. TS: thymidilate synthase, TK: thymidine kinase, dCK: deoxycytidine kinase, TMPK: thymidilate kinase, NMPK: kinase des nucléosides monophosphate, NDPK: kinase desnucléosides diphosphates. Les substrats sont les différents dérivés des purines (Adénine, A et Guanine, G) et des pyrimidines (Thymine, T, Uridine,U et Cytosine, C). L’ensemble de ces voies approvisionne la cellule en dNTPs pour la réplication et la réparation de l’ADN (d’après (Techer, 2012))

18

2.2.2.2.2 Régulation de la RNR

Plusieurs mécanismes permettent la régulation de l’activité de la RNR et par conséquent du pool de dNTPs produit, soit par une régulation transcriptionnelle de l’enzyme, soit par une relocalisation des sous unités ou encore par une action sur les inhibiteurs de l’activité enzymatique de la RNR.

La RNR est tout d’abord régulée au niveau transcriptionnel, en effet les gènes codant les deux sous unités R1 et R2 sont induits au cours de la phase S. La sous unité R1 possède un temps de demi-vie élevée (entre 18 et 24h), par conséquent son expression ne varie pas au cours du cycle, en revanche l’expression de la sous unité R2, qui est sous le contrôle du facteur de transcription E2F, augmente en phase S, permettant l’activité enzymatique de la RNR. En G2, l’enzyme est phosphorylée de façon Cdk dépendante et redirigée vers le protéasome.

La RNR est également régulée de façon allostérique, de ce fait son activité enzymatique augmente en présence de ses effecteurs (Aye et al., 2014; Shao et al., 2013). Enfin, il a été montré que sa localisation qui influe sur son activité enzymatique dépendrait de la proportion de dNTPs dans la cellule (Liu et al., 2005). Cependant il faut noter que certaines études ont suggéré que la synthèse de dNTPs prenait place dans le cytoplasme (Engstrom et al., 1984) alors que d’autres suggèrent que les sous unités de la RNR ne sont assemblées qu’une fois dans le noyau (Reddy and Fager, 1993), de ce fait cette aspect de la régulation est encore sujet à discussion.

2.2.3 Les drogues induisant des stress replicatif

L’hydroxurée (HU) est probablement l’un des inhibiteurs de RNR les plus utilisés en recherche. Par son action sur la sous unité R2, il permet de réduire le pool de dNTPs, provoquant un ralentissement, voire une inhibition de la synthèse d’ADN proportionnellement à la réduction des pools puriques, par un arrêt des ADN-polymérases (Collins and Oates, 1987; Hustedt et al., 2013). Les effets du HU sont réversibles dès élimination de la drogue et ils dépendent des concentrations et des temps d’exposition. Ainsi, par exemple, dans les cellules de mammifères, une exposition de 2h au HU à 2mM va induire un ralentissement de la fourche sans formation de dommages de l’ADN alors qu’un traitement plus long (plus de 12h), à la même concentration, va induire des cassures double brin et un arrêt des fourches de réplication (Petermann et al., 2010; Saintigny et al., 2001). Cet inhibiteur s’est avéré efficace en clinique, dans le traitement de la drépanocytose (Agrawal et al., 2014) et en onco- hématologie.

19

L’aphidicoline (APH) agit par l’inhibition des ADN polymérases, sans affecter les hélicases, par conséquent l’ADN polymérase est bloquée alors que les hélicases MCM continuent à générer de l’ADN simple brin (ssDNA). Ce découplage du complexe helicase/polymérase génère un stress réplicatif qui active le point de contrôle en phase S (Hustedt et al., 2013). La Camptothécine cible la topoisomérase I dont rôle principal est de relâcher la torsion rotationnelle de l'ADN pendant les processus de transcription et de réplication. Elle forme un complexe avec l'ADN grâce à une liaison covalente avec une extrémité 3'. Ce complexe, stabilisé par la présence de la Camptothécine, entrerait en collision avec une fourche de réplication, ce qui produirait des coupures double brin de l'ADN, à l'origine de la cytotoxicité de la Camptothécine. Cette drogue n’active que partiellement le point de contrôle de la phase S, car ce traitement n’entraîne pas de découplage hélicase/polymérase. La réparation des CDBs induites requiert des mécanismes de recombinaison préalablement au redémarrage de la fourche (Hustedt et al., 2013).

3. Les points de contrôles du cycle cellulaire en réponse aux stress génotoxiques

Dans le document en fr (Page 33-38)