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Il y 60 ans, Dehnam Harman avait proposé une théorie du vieillissement basée sur l’implication des radicaux libre et du stress oxydant (Harman, 1956). Depuis, cette théorie est au cœur des principaux mécanismes initiateurs de la sénescence en dehors de l’attrition télomérique. En effet, de nombreuses études ont démontré qu'un traitement sub-léthal inducteur de stress oxydant pouvait induire un phénotype comportant de nombreuses similitudes avec la sénescence. Le stress oxydant se définit comme un déséquilibre entre la production d’espèces réactives de l’oxygène (EROs) et les capacités anti-oxydantes de la cellule. Les EROs sont capables de se fixer sur les constituants cellulaires comme l’ADN, les protéines et les lipides et de les endommager (Avery, 2011). Ainsi, une surproduction d’EROs cellulaires et/ou l’inactivation des mécanismes antioxydants peuvent contribuer à la formation des dommages à l’ADN, à l’activation de la DDR et, à terme, la sénescence. Avec le vieillissement, il est possible d’observer une dérégulation des systèmes antioxydants contribuant à l’accumulation des EROs (Davalli et al., 2016).

c.2.1) Les espèces réactives de l’oxygène (ERO)

Les EROs sont définies comme des entités chimiquement réactives classifiées en deux catégories : les radicaux libres, possédant un électron non apparié sur leur couche externe, et les dérivés non radicalaires. Elles sont hautement diffusibles et peuvent très aisément se fixer sur l’ADN et y induire des lésions. Les principaux radicaux libres sont l’anion superoxyde (O2°-), le radical hydroxyle (°OH) et le monoxyde d’azote (NO). Le peroxyde d’hydrogène (H2O2), quant à lui, n’est pas une espèce

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radicalaire mais il peut former, via la réaction de Fenton, un radical hydroxyle (°OH). Il est important de noter que ces derniers possèdent des caractéristiques propres en termes de diffusion, réactivité et demi-vie (Migdal and Serres, 2011).

c.2.2) Source d’ERO mitochondriales via la chaine respiratoire

La mitochondrie est aujourd’hui reconnue comme le siège majoritaire de la formation des EROs (Correia-Melo and Passos, 2015; Ziegler et al., 2015). En effet, sa fonction principale est la formation d’énergie cellulaire sous forme d’ATP via la chaine respiratoire (CR) qui est une source majoritaire d’EROs (Murphy, 2009). Cette dernière se compose de quatre complexes enzymatiques (complexe I à IV) qui assurent la formation d’une partie de l’ATP par phosphorylation oxydative. Les complexes composant la CR permettent la réduction de divers substrats et la formation d’un gradient de protons indispensable à la phosphorylation oxydative. Cependant, il arrive parfois que des électrons s’échappent, notamment au niveau du complexe I et III, et réagissent avec l’O2. Cette réaction forme

alors des anions superoxyde O2.-, capable d’endommager l’ADN (Finkel, 2011) (Figure 12).

59 c.2.3) Autre source d’ERO, la monoamine oxydase (MAO)

La mitochondrie, ne joue pas qu’exclusivement un rôle dans la production d’énergie, elle comporte aussi un équipement enzymatique impliqué dans diverses réactions biologiques. La monoamine oxydase (MAO), par exemple, est une enzyme pro-oxydante présente sur la membrane externe de la mitochondrie. Il existe deux isoformes de cette enzyme, la MAO-A et la MAO-B qui sont exprimées de façon variable dans l’organisme et dont l’affinité pour leurs substrats est différente. Le rôle de la MAO est la détoxification par oxydation d'amines biogènes telles que la noradrénaline, l’adrénaline et la sérotonine. Cependant, cette réaction peut être à l’origine d’une augmentation du stress oxydant intra cellulaire par production d’H2O2 (Kaludercic et al., 2014). Avec le vieillissement, il est

observé une augmentation de l’expression et de l’activité de la MAO-A dans le cœur, chez le rat et la souris (Maurel et al., 2003; Villeneuve et al., 2013) et de la MAO-B dans le cerveau chez le rat (Mallajosyula et al., 2008).

c.2.4) Le système antioxydant

La mitochondrie, de par sa proximité avec les EROs, comporte un système antioxydant efficace. Ce système se compose de la manganèse Superoxyde Dismutase (MnSod) qui est située dans la matrice externe de la mitochondrie. Cette dernière est une métalloprotéine capable de dismuter l’O2.- généré

par la CR et de le transformer en H2O2 qui diffuse alors dans le cytoplasme ou il est pris en charge par

la Catalase. La catalase est une enzyme cytosolique qui régule la concentration intracellulaire d’H2O2.

Elle permet en effet la dismutation de H2O2 afin de produire de l’O2 et de l’H2O alors inoffensifs pour

la cellule. Par ailleurs, la cellule dispose d’un autre système d’élimination des EROs via le tripeptide Glutathion (GSH) cytosolique et mitochondrial. Le GSH est impliqué dans une réaction d’oxydreduction permettant la détoxification de composés pro-oxydants comme l’H2O2 et implique la

glutathion peroxydase.

c.2.5) L’ADN et les télomères, des cibles privilégiées

Parmi les nombreuses cibles des espèces réactives de l’oxygène, figure l’ADN, et plus particulièrement les télomères. En effet, le rôle des protéines et des lipides oxydés dans l’induction

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de la sénescence n’est que très peu décrit (Chondrogianni et al., 2003; Flor and Kron, 2016; Riahi et al., 2015), tandis que la DDR demeure particulièrement bien décrite comme inductrice de sénescence (d’Adda di Fagagna, 2008). De plus, il apparait aujourd’hui assez clairement que ce sont les dommages spécifiques aux télomères qui sont principalement impliqués dans l’induction de la sénescence et ceci de façon indépendante de leur taille (Victorelli and Passos, 2017). En effet, les études menées au sein de l’équipe de J. Passos ont permis de montrer que la sénescence pouvait être induite en dehors d’un raccourcissement télomérique par induction de dommages directs sur le télomère (Hewitt et al., 2012). Ce phénomène est appelé « Telomere-Associated-Foci » (TAF). La publication de Hewitt en 2012 démontre que des fibroblastes, dont la sénescence a été induite par irradiation, accumulent de nombreux dommages à l’ADN, dont seuls ceux présents sur les télomères sont persistants. Cette persistance s’explique par la présence d’une structure particulière au niveau des télomères. Cette structure s’appelle le complexe shelterin et permet de donner au télomère une conformation en ‘’boucle’’ (T-LOOP) repliée sur elle-même. Le complexe shelterin, empêche la fusion simple brin entre les télomères des différents chromosomes mais il réprime aussi le recrutement de la machinerie de réparation de l’ADN. Plusieurs protéines composent et structurent le complexe shelterin, c’est le cas de TRF1, TRF2 (TTAGGG repeat binding factors 1 and 2), POT1 (protection of telomeres 1) et TIN2 (TRF1-interacting nuclear factor 2) (de Lange, 2005) qui sont notamment responsables de l’inhibition du complexe de réparation (Bae and Baumann, 2007) (Figure 13). Les dommages générés sur une partie télomérique, les TAFs, apparaissent donc persistants (Fumagalli et al., 2014; Hewitt et al., 2012) et la réponse DDR qui en résultera se maintiendra et pourra, à terme, activer le processus de sénescence. Depuis, de nouveaux travaux portant sur le rôle des dommages spécifiques aux télomères dans l’induction de la sénescence ont été réalisés, notamment au niveau pulmonaire (Birch et al., 2015) et hépatique (Ogrodnik et al., 2017). Il est donc aujourd’hui parfaitement admis le rôle prépondérant que jouent les télomères dans les mécanismes initiateurs de la sénescence.

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Figure 13. Structure du télomère et du complexe shelterin (d’apres Calado and Young, 2008)

2- Altération de la fonction et de la dynamique mitochondriale

La mitochondrie est un organite essentiel à la production énergétique d’ATP cellulaire et qui intervient également dans le métabolisme calcique et dans l’induction du signal apoptotique (Osellame et al., 2012). Comme nous l’avons vu, la mitochondrie constitue un élément d’intérêt majeur dans la gestion du stress oxydant puisqu’elle est à la fois la principale source d’EROs tout en étant une cible privilégiée des EROs. Avec l’âge, on observe de nombreuses modifications d’ordre morphologiques et fonctionnelles de la mitochondrie. Ces nombreuses altérations conduisent à une perturbation du fonctionnement mitochondrial pouvant alors contribuer à la sénescence (Bratic and Larsson, 2013; Korolchuk et al., 2017). De façon très intéressante, une altération de l’ADN mitochondrial par mutation de la polymérase γ (PolG) conduit à une diminution de l’espérance de vie des souris et à un vieillissement accéléré (Trifunovic et al., 2004). De plus, de récent travaux menés par l’équipe de J. Passos, ont démontré le rôle indispensable de la mitochondrie dans l’induction et le maintien du phénotype sénescent, via son rôle dans la production d’EROs, plaçant ainsi cette structure au cœur des processus de sénescence (Correia-Melo et al., 2016; Passos et al., 2010).

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